12 février 2006

Joseph de Maistre, Considérations sur la France, (note de lectura)

Pour cette fiche j’ai utilisée l’édition parue en 1844, à Bruxelles, chez Société nationale pour la propagation des bons livres.

Chapitre premier. Des révolutions
« Nous sommes tous attachés au trône de l'Etre Suprême par une chaîne souple, qui nous retient sans nous asservir. »
Les êtres sont libres sous la main divine.
Sur les ouvrages de l’homme et les ouvrages divins: « Dans les ouvrages de l'homme, tout est pauvre comme l'auteur; les vues sont restreintes, les moyens roides, les ressorts inflexibles, les mouvements pénibles, et les résultats monotones. Dans les ouvrages divins, les richesses de l'infini se montrent à découvert jusque dans le moindre élément: sa puissance opère en se jouant: dans ses mains tout est souple, rien ne lui résiste; pour elle tout est moyen, même l'obstacle: et les irrégularités produites par l'opération des agents libres, viennent se ranger dans l'ordre général. »
Le miracle est un effet produit par une cause divine ou surhumaine, qui suspend ou contredit une cause ordinaire.
Le grand mot des révolutions est: « Je n’y comprends rien. » « Ce mot est très sensé, s'il nous ramène à la cause première qui donne dans ce moment un si grand spectacle aux hommes: c'est une sottise, s'il n'exprime qu'un dépit ou un abattement stérile. »
Le première condition d’une révolution décrétée est que tout ce qui pouvait la prévenir n’existe pas.
« On a remarqué, avec grande raison, que la révolution française mène les hommes plus que les hommes ne la mènent. Cette observation est de la plus grande justesse; et quoiqu'on puisse l'appliquer plus ou moins à toutes les grandes révolutions, cependant elle n'a jamais été plus frappante qu'à cette époque. »
La révolution française n’a pas eu de plan. Elle a été conduite par les plus médiocres hommes du royaume, au gré des circonstances.
La révolution a été conduite par des gens médiocres: « Ainsi, des hommes sans génie et sans connaissances, ont fort bien conduit ce qu'ils appelaient le char révolutionnaire; ils ont tout osé sans crainte de la contre-révolution; ils ont toujours marché en avant, sans regarder derrière eux; et tout leur a réussi, parce qu'ils n'étaient que les instruments d'une force qui en savait plus qu'eux. »
La révolution a favorisé l’opportunisme et le manque de principes: « Le torrent révolutionnaire a pris successivement différentes directions; et les hommes les plus marquants dans la révolution n'ont acquis l'espèce de puissance et de célébrité qui pouvait leur appartenir, qu'en suivant le cours du moment: dès qu ils ont voulu le contrarier ou seulement s'en écarter en s'isolant, en travaillant trop pour eux, ils ont disparu de la scène. »
Mirabeau avait le pouvoir d'agiter la multitude, sans avoir celui de la dominer, ce qui forme le véritable cachet de la médiocrité dans les troubles politiques
Conclusion du premier chapitre: « Enfin, plus on examine les personnages en apparence les plus actifs de la révolution, plus on trouve en eux quelque chose de passif et de mécanique. On ne saurait trop le répéter, ce ne sont point les hommes qui mènent la révolution; c'est la révolution qui emploie les hommes. On dit fort bien, quand on dit qu'elle va toute seule. Cette phrase signifie que jamais la Divinité ne s'était montrée d'une manière si claire dans aucun événement humain. Si elle emploie les instruments les plus vils, c'est qu'elle punit pour régénérer. »

Chapitre II. Conjectures sur les voies de la Providence dans la révolution française
Chaque nation a une mission à remplir. La France avait une mission chrétienne, qu’elle a trahi. Rien de plus prévisible que la punition divine pour cette faute.
Sur le sort des savants qui ont été condamné pendant la révolution: « Ils disaient comme tant d'autres: Il est impossible qu'une grande révolution s'opère sans amener des malheurs. Mais lorsqu'un philosophe se console de ces malheurs en vue des résultats; lorsqu'il dit dans son coeur: Passe pour cent mille meurtres, pourvu que nous soyons libres; si la Providence lui répond J'accepte ton approbation, mais tu feras nombre, où est l'injustice? Jugerions-nous autrement dans nos tribunaux? »
Nos idées sur le bien et le mal, sur l'innocent et le coupable, sont souvent altérées par nos préjugés.
Jamais un plus grand crime que celui de Louis XVI n’eut plus de complices.
« Il faut encore faire une observation importante; c'est que tout attentat commis contre la souveraineté, au nom de la nation, est toujours plus ou moins un crime national; car c'est toujours plus ou moins la faute de la nation, si un nombre quelconque de factieux s'est mis en état de commettre le crime en son nom. »
La révolution française a été une insurrection anti-religieuse et anti-sociale, couronnée par un régicide.
La plupart des instruments actifs de la révolution ont pérri d’une mort violente. Les grands coupables de la révolution sont tombés sous le coup de leurs complices.
Au cas où la contre-révolution aurait réussi, elle aurait choisi quelques grands coupables, et le reste aurait obtenu grâce. Pratiquement, la révolution a été cent mille fois plus sanglante.
Une des faces les plus intéressantes de la révolution est la persecution exercitée contre la religion. Le premier coup porté contre l’Eglise a été l’envahissement de ses propriétés; le second – le serment constitutionnel des prêtres.
Ce qui semble à premier vue mauvais, est en fait porteur de possibilités positives: « Les biens du clergé étant dissipés, aucun motif méprisable ne peut de longtemps lui donner de nouveaux membres; en sorte que toutes les circonstances concourent à relever ce corps. »
Si la Providence efface, sans doute c'est pour écrire.
Sur la France: « La Providence, qui proportionne toujours les moyens à la fin, et qui donne aux nations, comme aux individus, les organes nécessaires à l'accomplissement de leur destination, a précisément donné à la nation française deux instruments, et pour ainsi dire, deux bras, avec lesquels elle remue le monde, sa langue et l'esprit de prosélytisme qui forme l'essence de son caractère, en sorte qu'elle a constamment le besoin et le pouvoir d'influencer les hommes. »
Etant donné que l’église galicane était la pierre angulaire de l’Eglise chrétienne, il est normal de constanter que c’est en France que la déesse Raison a agi le plus contre le christianisme.
Conclusion du deuxième chapitre: « L'horrible effusion du sang humain, occasionnée par cette grande commotion, est un moyen terrible; cependant c'est un moyen autant qu'une punition, et il peut donner lieu à des réflexions intéressantes. »

Chapitre III. De la destruction violente de l'espèce humaine
Dans un certain sens, la guerre est l’état habituel du genre humain de notre époque. La paix n’est qu’un répit accordé de temps en temps.
Parcours des violences dans l’histoire du christianisme.
La guerre produit des effets différents, selon les circonstances. « […] lorsque l'âme humaine a perdu son ressort par la mollesse, l'incrédulité et les vices gangréneux qui suivent l'excès de la civilisation, elle ne peut être retrempée que dans le sang. »
L’extrême carnage va de pair avec l’extrême population.
« […] les véritables fruits de la nature humaine, les arts, les sciences, les grandes entreprises, les hautes conceptions, les vertus mâles, tiennent surtout à l'état de guerre. »
Il n'y a qu'un moyen de comprimer le fléau de la guerre, c'est de comprimer les désordres qui amènent cette terrible purification.
On arrive à la question des innocents qui sont sacrifiés à la guerre avec les coupables. Mais, dans toutes les religions antiques, et aussi dans le christianisme, existe le sacrifice de l’innocent pour les coupables.
La philosophie moderne dit que tout est bien, tandis que le mal a tout souillé, donc tout est mal, rien n’étant à sa place.
Il n’y a point de châtiment qui ne purifie, il n’y a point de désordre que Dien ne retourne contre le principe du mal.

Chapitre IV. La république française peut-elle durer?
Il faudrait poser la question comme ça: la république, peut-elle exister?
Il ne peut exister une grande nation libre sous un gouvernement républicain. L’expérience est ici parfaitement d’accord avec la théorie.
La république romaine signifiait un grand empire conduit par une poignée de républicains. Jamais dans l’histoire une grande république, donc un peuple d’égaux, n’a existé.
Le système représentatif n’est pas la découverte de la république, mais une pièce du système féodal: « L'autorité royale ayant formé les communes, les appela dans les assemblées nationales; elles ne pouvaient y paraître que par leurs mandataires: de là le système représentatif. Pour le dire en passant, il en fut de même du jugement par jurés. »
Sur l’impossibilité du régime représentatif: « Mais si l'on veut que tout le peuple soit représenté, qu'il ne puisse l'être qu'en vertu d'un mandat, et que tout citoyen soit habile à donner ou à recevoir de ces mandats, à quelques exceptions près, physiquement et moralement inévitables; et si l'on prétend encore joindre à un tel ordre de choses l'abolition de toute distinction et fonction héréditaire, cette représentation est une chose qu'on n'a jamais vue, et qui ne réussira jamais. »
Le peuple est toujours enfant, toujours fou et toujours absent.
Sur la démocratie américaine: « On nous cite l'Amérique: je ne connais rien de si impatientant que les louanges décernées à cet enfant au maillot: laissez-le grandir. »
Dans la république, la souveraineté du peuple est exclue. Le souverain sera toujours à Paris, le peuple étant parfaitement étranger au gouvernement, pendant que la construction « grande république » a autant de sens que « cercle carré ».
« Le mal n'a rien de commun avec l'existence; il ne peut créer, puisque sa force est purement négative: Le mal est le schisme de l'être; il n'est pas vrai. »
Ce qui distingue la révolution française par rapport aux autres événements de l’histoire est qu’elle est mauvaise radicalement, sans aucun élément de bien. La liberté apportée par la révolution commence par une gangrène.
Jugement sur la révolution française: « C'était un certain délire inexplicable, une impétuosité aveugle, un mépris scandaleux de tout ce qu'il y a de respectable parmi les hommes: une atrocité d'un nouveau genre, qui plaisantait de ses forfaits; surtout une prostitution impudente du raisonnement, et de tous les mots faits pour exprimer des idées de justice et de vertu. »
L’atrocité systématique, la barbarie savante, l’irréligion qui sont à la base de la révolution française seront aussi les causes de son extinction. Rien ne peut durer à partir de ces bases.

Chapitre V. De la révolution française considérée dans son caractère anti-religieux. - Digression sur le christianisme
Il y a dans la révolution française un caractère satanique, qui la distingue de tous les autres événements de l’histoire. Beaucoup de scènes, surtout celles concernant la déesse Raison, autorisent cette opinion.
Toutes les institutions doivent reposer sur une idée religieuse, ou passer. La raison humaine est essentiellement désorganisatrice, et ne peut servir de fondement. « Lorsqu'on réfléchit sur des faits attestés par l'histoire entière; lorsqu'on envisage que la chaîne des établissements humains, depuis ces grandes institutions qui sont des époques du monde, jusqu'à la plus petite organisation sociale, depuis l'empire jusqu'à la confrérie, ont une base divine, et que la puissance humaine, toutes les fois qu'elle s'est isolée, n'a pu donner à ses oeuvres qu'une existence fausse et passagère; que penserons-nous du nouvel édifice français et de la puissance qu'il a produite? Pour moi, je ne croirai jamais à la fécondité du néant. »
Sur une certaine attente: « Je suis si persuadé des vérités que je défends, que lorsque je considère l'affaiblissement général des principes moraux, la divergence des opinions, l'ébranlement des souverainetés qui manquent de base, l'immensité de nos besoins et l'inanité de nos moyens, il me semble que tout vrai philosophe doit opter entre ces deux hypothèses: ou qu'il va se former une nouvelle religion, ou que le christianisme sera rajeuni de quelque manière extraordinaire. »
Sur la liaison entre le christianisme et la Tradition Primordiale: « Cette religion ne s'arrête pas même à cette époque antique; arrivée à son fondateur, elle se noue à un autre ordre de chose, à une religion typique qui l'a précédée. L'une ne peut être vraie sans que l'autre le soit: l'une se vante de promettre ce que l'autre se vante de tenir; en sorte que celle-ci, par un enchaînement qui est un fait visible, remonte à l'origine du monde. EIle naquit le jour que naquirent les jours. »
Sur le christianisme: « Le christianisme a été prêché par des ignorants et cru par des savants, et c'est en quoi il ne ressemble à rien de connu. »

Chapitre VI. De l’influence divine dans les constitutions politiques
L’homme peut tout modifier dans la sphère de son activité, mais il ne crée rien.
Sur la genèse des constitutions: « Toutes les constitutions libres, connues dans l'univers, se sont formées de deux manières. Tantôt elles ont, pour ainsi dire, germé d'une manière insensible, par la réunion d'une foule de ces circonstances que nous nommons fortuites, et quelquefois elles ont un auteur unique qui paraît comme un phénomène, et se fait obéir. »
Aucune constitution ne résulte d’une délibération, mais d’un héritage dont l’origine est obscure.
Dans la formation des constitutions les circonstances font tout.
Les droits du peuplent partent de la concession des souverains, mais les droits du souverain n’ont ni date ni auteur.
Les concessions accordées par le souverain ne dépendent pas de lui, mais de la tradition.
Si les lois écrites proviennent d’un usage traditionnel, tout ne peut pas être écrit. Plus que cela, il y a dans chaque constitution quelque chose qui doit être laissé dans l’ombre, sous peine de renverser l’Etat.
Plus on écrit, plus l’institution est faible. La multiplicité des lois écrites prouve la multiplicité des chocs que la pratique de lois reçoive.
Nulle nation ne peut se donner la liberté si elle ne l’a pas. Chaque loi doit être le développement d’un état existant, même confus ou méconnu.
« Lorsque la Providence a décrété la formation plus rapide d'une constitution politique, il paraît un homme revêtu d'une puissance indéfinissable: il parle et il se fait obéir: mais ces hommes merveilleux n'appartiennent peut-être qu'au monde antique et à la jeunesse des nations. » Ces législateurs ne font que rassembler des éléments préexistants.
La liberté, dans un sens, est un don des rois, car toutes les nations libres furent constituées par les rois.
Une assemblée quelconque d’hommes ne peut constituer une nation.
Les véritables législateurs ne sont pas des savants. Les législateurs n’écrivent point de livres, ils agissent, avec une force morale qui fait faiblir les autres volontés.
« Il y a entre la politique théorique et la législation constituante, la même différence qui existe entre la poétique et la poésie. »
« […] il n'y a point d'homme dans le monde. J'ai vu, dans ma vie, des Français, des Italiens, des Russes, etc.; je sais même, grâces à Montesquieu, qu'on peut être Persan: mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie; s'il existe, c'est bien à mon insu. »
Sur le caractère abstrait de la constitution française: « Cette constitution peut être présentée à toutes les associations humaines, depuis la Chine jusqu'à Genève. Mais une constitution qui est faite pour toutes les nations, n'est faite pour aucune: c'est une pure abstraction, une oeuvre scolastique faite pour exercer l'esprit d'après une hypothèse idéale, et qu'il faut adresser à l'homme, dans les espaces imaginaires où il habite. »

Chapitre VII. Signes de nullité dans le gouvernement française
Le législateur ressemble au Créateur; il ne travaille pas toujours; il enfante, et puis il se repose.
Le nombre gigantesque des lois modernes montre qu’il n’y a pas de législateur.
Sur l’exacerbation de l’appareil bureaucratique républicain: « Tout annonce que la nature n'est pour rien dans ces mouvements; car le premier caractère de ses créations, c'est la puissance jointe à l'économie des moyens: tout étant à sa place, il n'y a point de secousses, point d'ondulations; tous les frottements étant doux, il n'y a point de bruit, et ce silence est auguste. »
La philosophie moderne est trop matérielle et trop présomptueuse pour comprendre les ressorts de la politique.
Nulle grande institution ne résulte d’une délibération.
Comparaison entre le système législatif anglais et français: « L'Anglais, libre par la loi et indépendant par sa fortune, qui vient à Londres représenter la nation à ses frais, a quelque chose d'imposant. Mais ces législateurs français qui lèvent cinq ou six millions tournois sur la nation pour lui faire des lois; ces facteurs de décrets, qui exercent la souveraineté nationale, moyennant huit myriagrammes de froment par jour, et qui vivent de leur puissance législatrice; ces hommes-là, en vérité, font bien peu d'impression sur l'esprit; et lorsqu'on vient à se demander ce qu'ils valent, l'imagination ne peut s'empêcher de les évaluer en froment. »
Tout représentant d’une souveraineté fausse ne peut exciter que la curiosité ou la terreur.
Sur les costumes: « Un habit ordinaire, contemporain d'un grand événement, peut être consacré par cet événement; alors le caractère dont il est marqué le soustrait à l'empire de la mode: tandis que les autres changent, il demeure le même, et le respect l'environne à jamais. C'est à peu près de cette manière que se forment les costumes des grandes dignités. »
La victoire dans les batailles ne garantit pas la survie de la république, parce que ce n’est pas la guerre qui assure la survie, mais la paix.
L’Amérique anglaise avait un roi, dont elle ne voulait pas. Elle a hérité la démocratie, telle qu’elle était dans la métropole.

Chapitre VIII. De l'ancienne constitution française. - Digression sur le Roi et sur sa déclaration aux Français du mois de juillet 1793
Sur l’ancienne constitution française (celle d’avant la revolution), certains ont prétendu qu’il n’y en avait pas, d’autres qu’il y en avait.
Ceux qui ont prétendu qu’il n’y avait point de constitution se sont trompés, parce qu’ils ont pris en consideration uniquement les lois écrites et les deliberations.
Le sacerdoce était en France monarchique une des colonnes qui soutenaient le trône.
Il y avait des lois que même les rois ne pouvaient transgresser, les soi-disantes lois du royaume, qui n’étaient pas les lois du roi.
Analyse des fragments des lois monarchiques.
« S'il est un lieu commun dans la morale, c'est que la puissance et les grandeurs corrompent l'homme, et que les meilleurs Rois ont été ceux que l'adversité avait éprouvés. »
La liberté n’est pas quelque chose d’absolu, mais quelque chose susceptible de plus ou de moins. L’art du législateur n’est pas de rendre le people libre, mais assez libre.
L’arbitraire est un domaine comun, auquel tout le monde a un droit égal. La force du roi est la force de la Tradition.
Analyse sur les discourse de Louis XVIII.

Chapitre IX. Comment se fera la contre-révolution, si elle arrive?
Le people n’est pour rien dans les revolutions, ou seulement comme instrument passif.
En politique comme en mécanique, les théories trompent, si l'on ne prend en considération les différentes qualités des matériaux qui forment les machines.
Les efforts du people pour atteindre un objet sont précisément les moyens que la Providence employe pour l’en éloigner.
« Mais c'est surtout dans l'établissement et le renversement des souverainetés que l'action de la Providence brille de la manière la plus frappante. Non seulement les peuples en masse n'entrent dans ces grands mouvements que comme le bois et les cordages employés par.un machiniste; mais leurs chefs même ne sont tels que pour les yeux étrangers: dans le fait, ils sont dominés comme ils dominent le peuple. Ces hommes qui, pris ensemble, semblent les tyrans de la multitude, sont eux-mêmes tyrannisés par deux ou trois hommes, qui le sont par un seul. Et si cet individu unique pouvait et voulait dire son secret, on verrait qu'il ne sait pas lui-même comment il a saisi le pouvoir; que son influence est un plus grand mystère pour lui que pour les autres, et que des circonstances qu'il n'a pu ni prévoir ni amener ont tout fait pour lui et sans lui. »
Chaque peuple a une constitution naturelle, beaucoup plus importante que la constitution écrite, qui n’est que du papier.

Chapitre X. Des prétendus dangers d’une contre-révolution
01. Considérations générales
On insiste sur les prétendus dangers d’une contre-révolution pour justifier l’idée de ne pas revenir à la monarchie.
Sophisme: étant donné que la monarchie ne peut revenir qu’appuyée de beaucoup de revolutions, et que les revolutions sont accompagnées de beaucoup de maux, il s’ensuit qu’il serait preferable de garder la république.
Les mots engendrent presque toutes les erreurs.
La contre-révolution n’a rien d’une revolution, tout comme le retour de la maladie à la santé n’a rien du passage de la santé à la maladie.
« Pour faire la révolution française, il a fallu renverser la religion, outrager la morale, violer toutes les propriétés, et commettre tous les crimes: pour cette oeuvre diabolique, il a fallu employer un tel nombre d'hommes vicieux, que jamais peut-être autant de vices n'ont agi ensemble pour opérer un mal quelconque. Au contraire, pour rétablir l'ordre, le Roi convoquera toutes les vertus; il le voudra, sans doute; mais, par la nature même des choses, il y sera forcé. Son intérêt le plus pressant sera d'allier la justice à la miséricorde; les hommes estimables viendront d'eux-mêmes se placer aux postes où ils peuvent être utiles; et la religion, prêtant son sceptre à la politique, lui donnera les forces qu'elle ne peut tenir que de cette soeur auguste. »
Sans Dieu, l’homme n’est fort que pour construire.
« Le règne de Robespierre a tellement écrasé ce peuple, a tellement frappé son imagination, qu'il tient pour supportable et presque pour heureux tout état de choses où l'on n'égorge pas sans interruption. »
L’opinion est la fibre sensible de l’homme. On lui fait pousser des hauts cris quand on le blesse dans cet endroit.
La monarchie est le gouvernement qui donne le plus de distinction à un plus grand nombre de personnes.
La république, par sa nature, est le gouvernement qui donne le plus de droits au plus petit nombre d'hommes qu'on appelle le souverain, et qui en ôte le plus à tous les autres qu'on appelle les sujets. Plus la république approchera de la démocratie pure, et plus l'observation sera frappante.
Sur l’impossibilité d’occuper certaines fonctions dans la monarchie: « Il y a trop de mouvement dans l'État, et pas assez de subordination, lorsque tous peuvent prétendre à tout. L'ordre exige qu'en général les emplois soient gradués comme l'état des citoyens, et que les talents, et quelquefois même la simple protection, abaissent les barrières qui séparent les différentes classes. De cette manière, il y a émulation sans humiliation, et mouvement sans destruction; la distinction attachée à un emploi n'est même produite, comme le mot le dit, que par la difficulté plus ou moins grande d'y parvenir. »
Le pouvoir est à la portée de tout le monde, depuis qu’il est place dans la poussière.

2. Des biens nationaux
On a effrayé les Français que la restauration signifie aussi la restitution des biens nationaux.

3. Des vengeances
Un autre épouvantail agité contre le retour du roi est celui des vengeances dont ce retour doit être accompagné.
En réalité, un gouvernement légitime a le droit et le pouvoir de proclamer l’amnistie.
Le souverain le plus puissant n'a que deux bras; il n'est fort que par les instruments qu'il emploie, et que l'opinion lui soumet.
Il est des propositions vraies, dont la vérité n’a qu’une époque.
Il n'y a point de hasard dans le monde, et même dans un sens secondaire il n'y a point de désordre, en ce que le désordre est ordonné par une main souveraine qui le plie à la règle, et le force de concourir au but.
M. de Saint-Pierre a observé quelque part, dans ses Études de la Nature, que si l'on compare la figure des nobles français à celle de leurs ancêtres, dont la peinture et la sculpture nous ont transmis les traits, on voit à l'évidence que ces races ont dégénéré. Il y a dans chaque État un certain nombre de familles, qu'on pourrait appeler co-souveraines, même dans les monarchies; car la noblesse, dans ces gouvernements, n'est qu'un prolongement de la souveraineté. Ces familles sont les dépositaires du feu sacré; il s'éteint lorsqu'elles cessent d'être vierges.
L’histoire assiste aussi au mouvement contraire: certaines familles s’élancent dans le service de l’Etat, grâce à un anoblissement naturel, que le roi valide ultérieurement.
Un des textes favoris de la philosophie moderne est celui du hasard des naissances. Il n’y a pas plus de hasards sur ce point que sur d’autres. Il y a des familles nobles, comme il y a des familles souveraines.
Lorsque le sacerdoce est membre politique de l'État, et que ses hautes dignités sont occupées, en général, par la haute noblesse, il en résulte la plus forte et la plus durable de toutes les constitutions possibles.
« Le rôle joué par quelques nobles dans la révolution française est mille fois, je ne dis pas plus horrible, mais plus terrible que tout ce qu'on a vu pendant cette révolution. »
Il existe une loi invariable de la révolution française qui veut que tout se fasse malgré les hommes, et contre toutes les probabilités.
L’anarchie nécessite la vengeance, l’ordre l’exclut sévèrement.

Chapitre IX. Fragment d'une histoire de la révolution française, par David Hume
Citations de l'édition anglaise de Bâle, 12 volumes in-8o, chez Legrand, 1789.


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René Guénon, Extractos de cartas a Noëlle Maurice-Denis Boulet

Extracto del 12-8-1917:

"No puedo pues conceder que la oposición ser-nada, sea idéntica a la oposición posible-imposible: los dos últimos términos son idénticos, pero los dos primeros no lo son, e incluso no puede decirse rigurosamente que sea al ser sino solamente a lo posible que se opone la nada, o, más bien, que se opondría si pudiera entrar realmente como término en una oposición cualquiera"(...)

"En el dominio del ser, tomando ese principio una forma positiva, se convertirá en el principio de identidad. El aspecto inverso del mismo principio universal será contradictorio igual a imposible, es el principio que en el dominio del ser devendrá el principio ordinario de contradicción" (...)

Publicada en "Etudes Traditionnelles", sept.-octubre de 1971

Extracto del 13-9-1917:

"Paso a otro punto que, para mí, es particularmente importante: se refiere a la manera de comprender la posibilidad de un acuerdo entre las diferentes tradiciones. Este acuerdo no debe entrañar en ningún caso la sustitución de una tradición por otra, ni incluso una fusión que, desde el exterior al menos, no sería ni posible ni deseable. No podría tratarse de una fusión sino concebida de muy otra manera, como operándose desde el interior y por lo alto, pero esa es una cuestión de otro orden, sobre la cual es bastante difícil explicarse claramente, y que estamos, por lo demás, bien lejos de poder considerar actualmente de manera útil.

Extracto de 19 de Diciembre de 1918. Publicado en: "L'Age d'Or", nº especial, invierno de 1986-87, Puiseaux.

(...)Yo soy totalmente de su opinión cuando habla de una decadencia, no de la mística, sino de la teoría de la mística, y de la influencia enojosa que la filosofía moderna ha podido ejercer sobre esta rama de la teología. Sobre todo es apropiada si usted piensa, como es probable, en ciertos teólogos tales como Górres, que nunca se ha despojado completamente de la mentalidad protestante que debía a sus orígenes. Dicho esto y para ir al fondo de la cuestión, me parece que, concediéndoos la inexactitud de ciertas interpretaciones corrientes de los estados místicos, no es posible sin embargo el considerar como "místicos" los estados de orden puramente intelectual. Si se extiende el sentido del término más allá de ciertos límites, todo lo que os he dicho, podrá no aplicarse ya; también es bueno extenderse siempre sobre las definiciones, y tanto más cuanto que la extensión de que se trata no deja de entrañar ciertas confusiones peligrosas. Usted considera el elemento sentimental como puramente accidental en los místicos; yo pienso al contrario que su presencia constituye un carácter esencial del modo místico de realización. No quiero decir que eso sea el fin, lejos de ello; solamente que hay un medio propio de este modo y que le distingue precisamente de los otros, al mismo tiempo que explica en parte lo que la realización mística tiene de incompleta. Decir que es incompleta, por lo demás, no es tampoco decir que sea desdeñable o despreciable, lejos de ello; y sería buena noticia si verdaderamente, como usted me asegura, la mística no está declinando en nuestros días, pues sin eso no quedaría ya en Occidente la menor huella de realización de ningún tipo. Empiezo por deciros todo esto a fin de que no os confundáis sobre mis intenciones.

Por otro lado me parece que, cuando habla Vd. de metafísica, piensa siempre en la teoría, separándola de la realización, quizás porque concibe ésta en modo místico exclusivamente. Al contrario, cuando yo hablo de metafísica, pienso sobre todo en la realización, puesto que la teoría no es más que una preparación para ésta. Usted discute que esa preparación sea indispensable; yo estoy de acuerdo en que no lo sea forzosamente para una realización parcial, pero no es lo mismo si se considera la posibilidad de una realización completa; es cierto que Vd. no ve quizás aún muy bien lo que yo entiendo por ello, pues es evidentemente difícil de expresan Esto me lleva directamente a otra consideración: usted insiste mucho y con razón, sobre el carácter inexpresable de los estados metafisicos; pero también eso es cierto para la realización puramente metafísica, y la teoría misma debe siempre reservar la parte de aquello inexpresable que es lo esencial, dejando su concepción abierta hacia posibilidades ilímitadas; por ello la metafísica verdadera excluye toda expresión en forma sistemática. Ahora, usted dice que, "para aquellos que realizan, les importa poco expresarse claramente"; yo iría incluso más lejos, y diría que les es indiferente no expresarse en absoluto. La expresión, necesariamente inadecuada, no tiene otro interés que ayudar a concebir ciertas cosas; es un "coadyuvante", pero nada más, y ello ya se trate de la expresión por palabras o por símbolos cualesquiera.

No creo haber dicho jamás que la mística sea "un medio de expresar la metafísica"; se podría quizás decir eso de la teología, pero esa es otra cuestión. Toda realización, incluso parcial, sobrepasa inmensamente la expresión; y aquella no puede ser calificada con justicia de "estadio inferior", pues se trata de una realización que es todo lo que puede ser, dado su punto de partida. Usted misma reconoce que no es completa, es decir, que no puede llegar sino hasta ciertos límites; pero yo atribuyo eso a su carácter "irregular", si así puede decirse, mientras que Vd, ve ahí una necesidad de toda realización, cualquiera que sea: ahí está, a mi parecer, la mayor diferencia que hay entre nosotros.
Antes de tratar este punto más a fondo, aún es preciso, para no dejar pasar nada de su carta, que yo formule algunas otras observaciones. Vd. teme rebajar la religión al reconocerle un carácter simbólico; sin embargo, ¿puede Vd. negar ese carácter para todo lo que, en la religión, es medio de expresión, ya sea en el orden del dogma o en el del rito? No crea que esa sea una razón para rechazar el poder efectivo del rito como lo hacen los protestantes, bien al contrario; y la existencia de ese poder, cuando es reconocida, es precisamente uno de los mejores ejemplos para mostrar la función de un elemento simbólico como soporte de una determinada realización. Añado que, para mi, símbolo o expresión, son en el fondo la misma cosa, de suerte que la función de la teoría en metafísica, no puede ser otra que la que acabo de indicar, y aun con la diferencia de que la eficacia no es inmediata; pero lo que se conoce verdaderamente no puede nunca perderse y debe llevar tarde o temprano a una realización correspondiente.

Otra cosa aún: Vd. dice que, en la contemplación mística, "la inteligencia entra en juego en modo intuitivo e inexpresable". En cuanto a lo inexpresable, según lo que acabo de deciros, es común a toda realización; en lo que atañe al carácter intuitivo, debería decir otro tanto si perteneciera verdaderamente (yo lo entiendo en el orden intelectual) a los estados místicos. En efecto, la intuición intelectual ¿no es la que constituye propia y esencialmente la metafísica? Sin ello, ésta no podría ser "suprarracional" como debe serlo; no reconocerle este carácter equivale para mí a negar la metafísica, o, lo que viene a ser lo mismo, a atribuir este nombre a algo que no será en realidad sino una seudo-metafísica. La traducción en modo racional, con todas sus imperfecciones inevitables, no puede intervenir en metafísica más que para la exposición, no para el conocimiento mismo; y es solamente en esta exposición racional o discursiva cuando hay riesgo de que se introduzca el error, la intuición no siendo susceptible de él en razón de su carácter directo e inmediato.

Si he hecho una reserva en todo momento en lo que concierne a la función de la intuición intelectual en los estados místicos, es primeramente porque temo que usted confunda un poco esta intuición intelectual con la "visión intelectual" de los místicos, tanto más cuanto que sé que muchos cometen efectivamente esta confusión, incluso entre los teólogos. Hay sin embargo ahí dos cosas esencialmente distintas: no hay que olvidar que la "visión" intelectual es un "fenómeno" místico, fenómeno que sobrepasa además con mucho, como Vd. dice, todas las leyes de la psicología (hay que reírse de los psicólogos del género de Delacroix que pretenden explicar esas cosas); pero, a fin de cuentas, el empleo mismo de la palabra "fenómeno", si se le quiere conceder un sentido (y me parece que ello es necesario), ¿no indica que se trata de algo que sobrepasa el dominio de la individualidad? Y son los límites de este dominio los que, para mí, marcan los de la realización mística; pero debe quedar bien entendido que yo hablo aquí no de la individualidad restringida y fragmentaria que es todo lo que se considera de ordinario con este nombre, sino más bien de lo que yo llamo para distinguirla, la individualidad "extensa", con el desarrollo integral de todas las posibilidades que ella comporta, y que son "indefinidas" (pero no infinitas). Vd. parece darme la razón cuando habla, para el místico de la invasión en él de algo que no es él", lo que yo no puedo interpretar como "su acceso a un dominio supraindividual", sino solamente como la acción de un principio supra-individual en el dominio individual. Vd. podría reflexionar un poco sobre esta expresión de "fenómenos místicos", y decirme si encuentra otra significación posible; por mi parte, yo no se la veo. En todo caso, no puede evidentemente tratarse de fenómenos de ningún tipo desde el punto de vista metafísico; con mi interpretación, ello se explica por el carácter universal de todo lo que es metafísica, y, por otra parte, esto es quizá lo que marca más nítidamente la diferencia profunda entre los dos modos de realización, mística y metafísica, porque, señalando sus dominios respectivos, ella muestra por sí misma hasta donde una y otra pueden conducir; y vuelvo así a la cuestión de la posibilidad de una realización "completa".

(...) Vd. dice que "una realización completa y absoluta en todos los aspectos supondría la liberación total y efectiva de todas las condiciones de la existencia humana". Yo mismo, no creo haber dicho jamás otra cosa e incluso añadiría: no solamente de la existencia humana, sino también de todo otro modo de existencia individual, cualquiera que sea. Estamos pues completamente de acuerdo sobre este punto; solamente que no lo estamos sobre las consecuencias que conviene desprender de ello. Esto se debe sobre todo a que Vd. considera siempre al ser humano únicamente como ser humano y, desde este punto de vista, Vd. tiene ciertamente razón: puesto que el estado humano es un estado individual y condicionado, es evidente que no se puede, permaneciendo en este estado, liberarse de las condiciones que precisamente lo definen, y que en suma, producen toda su realidad, al menos cuando uno se limita a considerarlo en sí mismo. Puesto que Vd. admite que el místico "no está nunca liberado más que parcial y virtualmente", es, pues, que nunca es otra cosa que un individuo humano; él tiene, como todo ser individual, la posibilidad de ser otra cosa, pero la posibilidad solamente. No veo, pues, cómo Vd. puede lógicamente pensar que alcanza un dominio supra-individual; me parece sobre todo que deberíamos estar totalmente de acuerdo en lo que concierne al místico: él extiende su individualidad indefinidamente, puede llegar a realizar todas las posibilidades de las que es capaz; pero la individualidad extendida no deja de ser la individualidad, con todas las condiciones limitativas que le hacen ser lo que ella es.

Ahora, he aquí el otro punto de vista, el que Vd. no ha considerado: el ser que, en determinado modo de existencia, es un individuo humano, puede también ser otra cosa; y puede serlo, no sólo sucesivamente, sino también simultáneamente, e incluso mejor, puesto que el tiempo no es más que una de las condiciones especiales del estado individual humano, no teniendo que intervenir en todo lo que se encuentra fuera de este estado. No creo que las expresiones "antes" y "después", empleadas con relación a la existencia humana en su conjunto, sean susceptibles de otro sentido que el de una sucesión puramente lógica y causal; pero una relación de causalidad, tanto entre estados de existencia diferentes como en el interior de un mismo estado, supone necesariamente una simultaneidad. No quiero decir que no haya, fuera del estado humano, modos de sucesión más o menos análogos al modo temporal, y pudiendo ser comprendidos junto con éste en un término más general, como el de "duración"; pero esos modos no son nunca, como el tiempo mismo, más que condiciones particulares de tal o cual estado de existencia, y, por consiguiente, no tienen tampoco que intervenir cuando uno se emplaza en lo universal, es decir, cuando se consideran las posibilidades del ser total, en lugar de limitarse a las de uno de sus estados. Y yo añadiría que sólo entonces es encarado el ser metafísicamente, puesto que el punto de vista metafísico es propiamente el punto de vista de lo universal.
Usted no contestará ciertamente, creo, que el ser humano puede ser otra cosa que lo que es en tanto que individuo y que, en tanto que es otra cosa, no está sometido a las condiciones de la existencia humana; en particular, no está ya sometido al tiempo, que es una de esas condiciones. Esto significa que una realización relacionada con los estados extra-individuales no puede ser restringida a no producirse más que después de la existencia humana, más bien que "durante" o incluso "antes" (estas palabras tomándose aquí en su sentido temporal ordinario, el cual no puede aplicarse verdaderamente sino en el interior de la existencia humana). Consecuentemente, el estado humano podrá, tanto como no importa que otro estado de existencia, ser tomado como base de tal realización.

Toda la dificultad para Vd. me parece que viene de que no se coloca en lo que podríamos denominar el "no-tiempo". Convengo en que puede ser a veces bastante difícil desprenderse del punto de vista temporal; y, sin embargo, creo que Vd. misma reconoce que ello es necesario o que si no habría que renunciar a toda metafísica. Lo más difícil, en mi opinión, es concebir las relaciones del tiempo y del "no-tiempo"; se puede, no obstante, llegar a ello (observe bien que digo concebir y no imaginar).

Ahora, usted dice que "la realización absoluta o total, la unidad infinita, la visión beatifica no puede ser alcanzada en esta vida". Aquí aún, estamos muy de acuerdo, y pensar de otro modo sería de todo punto contradictorio, puesto que ello sería simplemente pensar que lo universal puede ser comprendido en lo individual, o lo incondicionado en lo condicionado (no siendo la vida, por lo demás, como también el tiempo y el espacio, más que una de las condiciones de la existencia humana individual). Por tanto, yo nunca he podido decir que la realización completa era posible "en este mundo", pues, por "este mundo", no puedo entender otra cosa que el conjunto de las condiciones de la individualidad humana actual. Solamente que, afirmando esta imposibilidad, no quiero decir tampoco que tal realización deba necesariamente diferirse hasta después de la muerte, puesto que precisamente este "después" no tiene ya sentido en el orden extra-individual, el único que hay que tener en cuenta en lo que concierne a esta realización. Suponer eso es suponer que lo incondicionado es afectado por las contingencias relativas al curso de la existencia humana, a su comienzo y a su final (que no son comienzo y fin más que desde el punto de vista de la individualidad, y diría incluso de la individualidad restringida), ello es, pues, encarar lo incondicionado como condicionado, es decir, recaer exactamente en la misma contradicción, aunque de otro modo.

Así, el individuo, en tanto que individuo, no puede de ninguna manera salir de las condiciones que le hacen ser tal; pero el ser que es un individuo humano es también otra cosa al mismo tiempo, y por eso mismo puede hacer efectiva la comunicación que existe virtualmente entre su estado humano y sus otros estados (y ello para todo o parte de los estados en cuestión). Que ese resultado sea obtenido a partir del estado humano o de no importa qué otro, es a fin de cuentas lo mismo, pues el estado humano debe necesariamente reencontrarse, lo mismo que todos los otros, en el orden total. Por otra parte, teniendo todos los seres a este respecto unas posibilidades rigurosamente equivalentes, la realización deberá finalmente ser alcanzada por todos a partir de un estado o de otro; ve usted que yo voy aquí más lejos que Vd., y que, para mí es solamente desde el punto de vista humano que "muchos (e incluso todos) son los llamados pero pocos los elegidos"; pero, desde este punto de vista, es perfectamente cierto que "pocos son los elegidos", es decir, que pocos realizan efectivamente a partir del estado humano, sea durante la vida, sea tras la muerte, o sea, para hablar de una manera más exacta metafísicamente, sea en la parte de la individualidad humana que representa la existencia terrestre, sea en la extensión o la prolongación póstuma de esta misma individualidad (prolongación que puede además ser considerada como "perpetua", es decir, temporalmente indefinida) (...).

Llegando a este punto, se presenta una dificultad: parecería, según lo que acabo de deciros, que no tiene ninguna importancia que la individualidad humana sea tomada como base de la realización más bien que no importa qué otro estado, si el resultado final debe ser idéntico en todos los casos. Además el estado humano no es más que un estado entre los otros y como los otros; desde el punto de vista de lo universal, si no puede pretender en absoluto ser desventajoso con relación a los otros, no puede pretender tampoco ningún privilegio. Sin embargo, es al contrario muy importante que este estado humano proporcione la base efectiva de la realización; pero, por el momento, no puedo apenas insistir sobre ello, y me contentaría con aseguraros que la dificultad que acabo de señalar a fin de anticiparme a una objeción que ciertamente usted misma me habría hecho) no es en absoluto insoluble, aunque se necesitan muchas precauciones para expresar la solución más o menos convenientemente.

Aún queda otra vertiente de la cuestión: ¿qué ocurre con la individualidad humana para el ser que ha logrado la realización completa? En un sentido, es como si ella no existiera, pues toda contingencia no es nada con relación a lo universal; pero en otro sentido, ella es, en el ser total, un elemento tan necesario como todos los otros (con un simbolizo matemático, podría representarse el ser total, no como una suma aritmética, sino como una integral de todos aquellos elementos que son sus estados de existencia). En todo caso, desde el momento que el ser está en un estado incondicionado, las condiciones de su estado individual, no siendo ya limitativas, no pueden existir para él más que en modo ilusorio; pero, en cuanto a las apariencias y con relación a los otros individuos humanos, nada ha cambiado. (...).

En cierto aspecto, podrá decirse que la realización metafísica se opera en sentido inverso a la realización mística. En efecto, esta última implica la acción de un principio universal en el dominio individual, acción que puede ser designada simbólicamente como un "descenso" de ese principio (pero, entiéndase bien, sin que el principio sea para nada afectado). Por otra parte, la realización metafísica puede ser considerada en cierto modo como una toma de posesión de los estados superiores, es decir, como una "ascensión" del ser realizado a esos estados. Naturalmente, "descenso" y "ascensión" no son aquí más que expresiones figuradas; pero es en suma otra manera de expresar el carácter "activo" de una de las dos realizaciones con relación a la otra. Por lo demás, la oposición no existe más que en un aspecto, en cuanto a los medios y no en cuanto a los fines; la realización completa entraña necesariamente por añadidura los efectos que produce toda realización parcial.(...).

Hace falta todavía, para no quedar incompleto, marcar una diferencia de las dos realizaciones en cuanto a sus preparaciones respectivas: la preparación teórica es indispensable a la realización metafísica, pero no a la realización mística; ello, Vd. lo admite como yo. Yo añadiría solamente que esta preparación no concierne más que a lo que es de orden metafísico puro, con exclusión de todo lo que es del orden de los conocimientos relativos (como el conocimiento propiamente científico), que aquí no tiene ninguna importancia. Por otro lado, hay también cierta preparación que es totalmente particular de la realización mística: es lo que podría denominarse "moral", si esta palabra no tuviera el riesgo de ser tomada en un sentido más bien desfavorable; esta preparación cuya naturaleza está estrechamente conectada con el elemento sentimental del misticismo, siendo del orden de las contingencias humanas si no incluso sociales, no podría tener ningún efecto en cuanto a la realización metafísica. (..). Además, las consecuencias nada tienen que pudiese inquietar a nadie, puesto que en los resultados, todo el resto se encontrará igualmente por añadidura.

Parece sin embargo (...)que incluso la preparación "moral" no os parezca como absolutamente indispensable para la realización mística; eso os ayudará a comprender que ella sea de todo punto indiferente a otro modo de realización, pero al mismo tiempo mostraría aún ese carácter 11irregular" que es propio del modo místico. Aquí, es bien cierto que no hay ningún método; pero yo no puedo decir como Vd. que no hay ningún método de realización en cualquier modo que consideremos. Todo método no es más que preparatorio, bien entendido; pero, incluso con esta restricción Vd. no quiere admitirlo, porque, dice Vd., "eso sería admitir que lo sobrenatural obedece a la naturaleza". ¿Eso es exacto si esa preparación es puramente metafísica? La palabra misma de "metafísica" ¿no quiere decir "más allá de la naturaleza"? No hay conciliación posible entre la metafísica y un "naturalismo" cualquiera, mientras que el misticismo puede, sin contradecirse y sin negarse a sí mismo, admitir cierto "naturalismo", a título provisional al menos.(...).

El carácter relativo y "fenoménico" del orden místico se manifiesta aún en el hecho de que los estados místicos son susceptibles de caricatura: hay una "mística diabólica" tanto como una "mística divina", y las apariencias exteriores pueden ser las mismas en los dos casos. En metafísica, no hay tal cosa, puesto que, no teniendo relación con los fenómenos, se está por ello mismo fuera de toda dualidad de ese género.(...).

Blois, 16 de febrero de 1919:

( ... ) Dicho esto, vuelvo a vuestras dificultades lógicas. Me hacéis primero esta objeción: “Un ser no puede ser simultáneamente y bajo la misma relación individual y universal”. Sin duda, no, pero ¿he dicho nunca algo parecido? Es preciso que eso sea simultáneamente, puesto que uno de los dos estados de los que se trata, es, no solamente extratemporal, sino fuera de toda condición de duración o de sucesión del modo que sea, luego necesariamente en perfecta simultaneidad con todo el resto. Pero es muy evidente que no es bajo la misma relación, puesto que es en tanto que es otra cosa que el ser que es un individuo humano en uno de sus estados no está ya sometido a las condiciones de la existencia humana ( ... )

He empleado en todo momento, para hablar vuestro lenguaje, la palabra de “criatura” (“el individuo como tal”) y yo lo he hecho tomándola en el sentido que considero como más aceptable, bien que no está seguro que este sentido sea exactamente el vuestro. Por lo demás, si hubiera podido atenerme al punto de vista metafísico puro, no habría tenido que servirme de esa palabra, o más bien de la idea que expresa; la manera en que planteáis la cuestión (y no os lo reprocho, ciertamente) la que me fuerza a pasar a veces al punto de vista teológico. Hace falta que me detenga un poco sobre esta concepción de la creación, que es además no específicamente cristiana, sino propiamente judaica en su origen, y, por consiguiente, común a todas las doctrinas que tienen una raíz judaica, pero a ellas solamente. Como esta concepción no existe entre los Orientales (a excepción de los musulmanes), como tampoco existía entre los Griegos, no me es posible considerarla tan fundamental como parece serlo para vos, no como teniendo una significación verdaderamente metafísica. Su verdadera razón de ser es muy distinta, y, si se pone cada cosa en su lugar, no es en el dominio de la metafísica en donde tiene que intervenir, sino solamente en el dominio propiamente religioso, en el sentido más estricto de esta palabra. Esta concepción puede ciertamente traducir todo un orden de verdades de la manera más apropiada para un determinado nivel de comprehensión, lo que es muy apreciable; pero su necesidad reside sobre todo en un peligro inherente a la metalidad de ciertos pueblos o de ciertas razas, peligro que es una tendencia a admitir una “materia” coeterna a Dios, o, si quréis, a sustituir la concepción divina por una concepción “demiúrgica.” Como quiera que sea, si es en la idea de creación donde encontráis algún obstáculo, os pudo asegurar que no es en absoluto incompatible con la realización de la “identidad suprema”. Su “composibilidad” (si se puede emplear esta palabra) aparece bastante claramente en ciertas doctrinas islámicas, y los musulmanes no están menos vinculados que los cristianos a la concepción de Dios bajo el aspecto creador. (...)

Para mí, la posibilidad de un conflicto real entre el punto de vista metafísico y cualquier otro punto de vista, comprendido el punto de vista religioso, es algo de todo punto inconcebible. (...)

No hay más que un último punto sobre el cual estoy obligado a detenerme: y es que parecéis encontrar extraordinario que yo relacione el “amor de caridad” con el orden afectivo, ¿a qué queréis pues que lo vincule? No puede serlo al orden intelectual, y confieso no haber jamás podido comprender lo que Spinoza quería entender por “amor intelectual”, tal expresión pareciéndome fundamentalmente contradictoria. Decía que no habéis jamás contestado que el amor, la humildad, etc., estén en el principio de la vía mística; me parece que eso es reconocer que el elemento sentimental es esencial a ésta, y entonces estamos de acuerdo al menos sobre ese punto, pues yo no he dicho nunca que ese elemento constituyera el término de la vía mística, sino simplemente su medio característico, aquel cuya presencia hace que sea propiamente mística. Solamente que he aquí la dificultad: el orden sentimental no tiene razón de ser más que en el individuo y con relación al individuo, ¿cómo pues, lo que con él se relaciona podría conducir más allá de las posibilidades individuales? En todo caso, si lo puede, no será nunca más que ocasionalmente y como “por accidente”; y, por lo demás, en tales condiciones, no importa qué podría hacer otro tanto y tomarse también como base o soporte de una realización; pero, normalmente, no se puede ahí esperar nada más que una extensión (que puede ser indefinida) de la individualidad. Lo que es del individuo no puede, en sí mismo, tener efecto fuera del dominio individual, lo mismo que lo que es acción no puede liberar de la acción; si fuera de otra forma, el efecto no estaría en la causa y le sería superior. Sé bien que la idea “caridad” puede ser transpuesta analógicamente, como no importa qué otra idea puede serlo; pero entonces no sería ya cuestión de una aplicación exclusiva al dominio humano, que es aparentemente todo lo que consideráis. Haría falta entenderlo más bien en el sentido de una “caridad cósmica”, como los Árabes lo entienden, por ejemplo, cuando hablan del santo que”sostiene los mundos por su respiración” 8lo que se refiere por otro lado a una de las significaciones simbólicas del rosario entre los Orientales). En todo caso, si tomáis la caridad, como se hace de ordinario, en un sentido moral y social, su carácter sentimental o afectivo es manifiesto; y la palabra “amor” que añadís viene aún a confirmar esta interpretación. En cuanto a la “abnegación de sí”, no parece más un reflejo debilitado de lo que los Orientales llaman con diversos nombres que significan todos la “extinción del yo”.

(...) Si no me hago comprender suficientemente, entiéndase bien que podréis siempre pedirme otras explicaciones, y tendré el mayor placer en dároslas, tanto más cuanto que eso me proporciona la ocasión de salir un poco de todas esas ocupaciones insignificantes que tanto me pesan. Quizás esta última razón os hará ver que sería caritativo por vuestra parte no diferir una nueva respuesta.

Blois, 27 de marzo de 1921:

Me parece que hay todavía un pequeño malentendido sobre lo que os he dicho a propósito de vuestro artículo1 y del “concepto de contemplación”. Lo que os reprochaba, no era del todo decir que ese concepto es preciso en el Evangelio: lo era decir que había estado “hasta entonces confuso”, y ello de una manera totalmente general y sin aportar ninguna restricción

(...)
Otra cosa aún: decís que “el intelecto creado no podía por sí contemplar a Dios; ello es evidente si se trata del intelecto creado, pero este epíteto ¿puede aplicarse al intelecto puro y trascendente, único que interviene directamente en el orden metafísico? Pienso al contrario que es preciso reservarlo para las facultades individuales (razón y otros elementos psicológicos), pues no veo que creado pueda no ser sinónimo o equivalente de “manifestado” y de “condicionado”. En suma, creación y manifestación son una sola y misma cosa considerada bajo dos puntos de vista diferentes ( de otro modo, la creación sería necesaria y eterna); pero, precisamente, el intelecto puro es, en sí, del orden de lo no manifestado y de lo incondicionado, y si no perteneciera él mismo a ese dominio, que es el de la metafísica, no podría alcanzarlo, como tampoco lo pueden la razón y las otras facultades creadas, que, en virtud de su naturaleza misma y de sus condiciones propias, no recibirán nunca de él más que una especie de conocimiento indirecto, por reflejo y por participación, (al menos en tanto que subsistirán las condiciones limitativas que definen la individualidad, es decir, hasta que la realización total sea efectuada, tras lo cual no puede ya ser cuestión de esas facultades como distintas del intelecto mismo o del principio de todo conocimiento). ( ... )
Blois, 28 de julio de 1921:

(...) En cuanto a las reservas que exigiría el Brahmanismo “desde el punto de vista de la fe católica”, os equivocáis grandemente al pensar que “eso es evidente”: no es así más que para quienes se atienen al respecto a las nociones comunes y superficiales (remitios a lo que he dicho a propósito de la actitud de los Jesuitas en China en el siglo XVII). Hay ahí todavía una confusión de puntos de vista, y haría falta al respecto el volver a la definición de la religión, punto que no habéis tratado. Si fuera preciso forzosamente establecer una comparación entre dos doctrinas que no se emplazan en el mismo terreno, la que puede admitir la coexistencia de la otra sin ser por ella molestada, me parece tener la ventaja, pues ello prueba que puede tener todo lo que la otra posee de verdad, con algo más. ¿Sabéis que muchos Hindúes, entre los más estrictamente ortodoxos (los otros apenas cuentan) ponen entre ellos a Cristo en lugar de honor? Por otra parte, sé que hay Católicos eminentes que están muy lejos de compartir vuestra manera de ver y encontrar las pretendidas incompatibilidades que parecen espantaros; si yo tuviera permiso para decirlo, podría incluso invocar la autoridad de un cardenal que ha muerto hace pocos años... Me parece, por lo demás, que tenéis una tendencia, quizás enojosa, a identificar el Catolicismo entero al tomismo, e incluso, más exactamente a cierta interpretación del tomismo, que sé bien que no es la de todos los escolásticos ni de todos los teólogos. (...)

En fin, vuestra última frase encierra un desprecio que me ha dejado profundamente estupefacto: ¿Dónde habéis podido descubrir que yo propongo “una renovación de la antigua Gnosis, madre de las herejías”?2 (...) sin embargo, para evitar toda falsa interpretación, me he abstenido cuidadosamente, en toda mi obra, de emplear esa palabra de Gnosis, a pesar de su perfecta equivalencia con el sánscrito “Gnâna”, y me he contentado con el de metafísica, que puede casi siempre sustituirlo sin inconveniente (cuando ello no es posible, se puede hablar simplemente de “conocimiento”). No hay ahí, por mi parte, ni habilidad ni falta de franqueza (vuestra frase podría hacerlo creer), sino solamente el deseo de descartar todo lo que arriesgue ser mal comprendido, en la medida que es posible preverlo. ( ... )
Publicados estos tres últimos extractos en el Dossier H: René Guénon, París, 1984.

1. Se trata del artículo El renacimiento de los estudios místicos, en La Revue Universelle, febrero de 1921.(Nota del T.)

2. El autor se refiere a un pasaje del artículo Las doctrinas hindúes, en La Revue Universelle, 15 de julio de 1921. (Nota del T)


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René Guénon, Maçonnerie opérative et spéculative, (fragment)

Notons que la distinction entre « Maçonnerie opérative » et « Maçonnerie spéculative » nous paraît devoir être prise dans un tout autre sens que celui qu’on lui attribue d’ordinaire. En effet, on s’imagine le plus souvent que les Maçons « opératifs » n’étaient que de simples ouvriers et artisans, et rien de plus ni d’autre, et que le symbolisme aux significations plus ou moins profondes ne serait venu qu’assez tardivement, par suite de l’introduction, dans les organisations corporatives, de personnes étrangères à l’art de construire. Tel n’est d’ailleurs pas l’avis de Mr Bédarrides, qui cite un assez grand nombre d’exemples, notamment dans les monuments religieux, de figures dont le caractère symbolique est incontestable; il parle en particulier des deux colonnes de la cathédrale de Würtzbourg, « qui prouvent, dit-il, que les Maçons constructeurs du XIVe siècle pratiquaient une symbolique philosophique », ce qui est exact, à la condition, cela va de soi, de l’entendre au sens de « philosophie hermétique », et non pas dans l’acception courante où il ne s’agirait que de la philosophie profane, laquelle, du reste, n’a jamais fait le moindre usage d’un symbolisme quelconque. On pourrait multiplier les exemples indéfiniment; le plan même des cathédrales est éminement symbolique, comme nous l’avons déjà fait remarquer en d’autres occasions; et il faut ajouter que, parmi les symboles usités au moyen âge, outre ceux dont les Maçons modernes ont conservé le souvenir tout en n’en comprenant plus guère la signification, il y en a bien d’autres dont ils n’ont pas la moindre idée. Il faut à notre avis, prendre en quelque sorte le contrepied de l’opinion courate, et considérer la « Maçonnerie spéculative » comme n’étant, à bien des points de vue, qu’une dégénérescence de la « Maçonnerie opérative ». Cette dernière, en effet, était vraiment complète dans son ordre, possédant à la fois la théorie et la pratique correspondante, et sa désignation peut, sous ce rapport, être entendue comme une allusion aux « opérations » de l’« art sacré », dont la construction selon les règles traditionnelles était une des applications. Quant à la « Maçonnerie spéculative », qui a d’ailleurs pris naissance à un moment où les corporations constructives étaient en pleine décadence, son nom indique assez clairement qu’elle est confinée dans la « spéculation » pure et simple, c’est-à-dire dans une théorie sans réalisation; assurément, ce serait se méprendre de la plus étrange façon que de regarder cela comme un « progrès ». Si encore il n’y avait eu là qu’un amoindrissement, le mal ne serait pas si grand qu’il l’est en réalité; mais, il y a eu en outre une véritable déviation au début du XVIIIe siècle, lors de la constitution de la Grande Loge d’Angleterre, qui fut le point de départ de toute la Maçonnerie moderne…
… Une autre idée qu’il n’importe pas moins de rectifier, c’est celle d’après laquelle l’emploi de formes symboliques aurait été simplement imposé par des raisons de prudence. Que ces raisons aient existé parfois, nous ne le contestons pas, mais ce n’est là que le côté le plus extérieur et le moins intéressant de la question; nous l’avons dit à propos de Dante des « Fidèles d’Amour », et nous pouvons le redire en ce qui concerne les corporations de constructeurs, d’autant plus qu’il a dû y avoir des liens assez étroits entre toutes ces organisations, de caractère en apparence si différent, mais qui toutes participaient aux mêmes connaissances traditionnelles. Or le symbolisme est précisément le mode d’expression normal des connaissances de cet ordre; c’est là sa véritable raison d’être, et cela dans tous les temps et dans tous les pays, même dans les cas où il n’y avait nullement lieu de dissimuler quoi que ce soit, et tout simplement parce qu’il y a des choses qui, par leur nature même, ne peuvent s’exprimer autrement que sous cette forme.

(fragment du livre Etudes sur la franc-maçonnerie, Ed. Traditionnelles)


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René Guénon, Arborele din Mijloc, (traducere de Radu Iliescu)

Un alt aspect al simbolismului crucii este cel care o identificã cu ceea ce diverse traditii desemneazã ca “Arborele din Mijloc”, sau oricare alt termen echivalent. Am vãzut în altã parte cã acest arbore este unul din numeroasele simboluri ale “Axei Lumii” [01]. Ceea ce trebuie luat în consideratie aici este linia verticalã a crucii, figurã a acestei axe, ea constituie trunchiul arborelui, în timp ce linia orizontalã (sau cele douã linii orizontale pentru crucea cu trei dimensiuni) formeazã ramurile. Acest arbore se ridicã în centrul lumii, sau mai degrabã a unei lumi, adicã a domeniului în care se dezvoltã o stare de existentã, ca de exemplu starea umanã care este luatã în considerare cel mai adesea într-un asemenea caz. În cazul particular al simbolismului biblic este “Arborele Vietii”, care este plantat în mijlocul “Paradisului terestru”, care reprezintã el însusi centrul lumii noastre, asa cum am explicat-o în alte ocazii. Desi nu avem intentia sã ne întindem aici asupra tuturor chestiunilor relative la simbolismul arborelui, lucru care ar cere un studiu special, existã totusi, în aceastã directie, câteva puncte pe care nu credem cã este inutil sã le explicãm.
În Paradisul terestru nu era doar “Arborele Vietii”, ci încã un altul, care joacã un rol nu mai putin important si în general mai cunoscut: “Arborele Cunoasterii binelui si al rãului” [02]. Relatiile care existã între acesti doi arbori sunt foarte misterioase: povestirea biblicã, imediat dupã ce spune cã “Arborele Vietii” se aflã în “mijlocul grãdinii”, numeste “Arborele Cunoasterii binelui si a rãului” [03]. Mai departe, se spune cã acesta era si el “în mijlocul grãdinii” [04]. În cele din urmã, Adam, dupã ce a mâncat fructul “Arborelui Stiintei”, n-ar fi trebuit decât sã “întindã mâna” pentru a lua si din “Arborele Vietii” [05]. În acest din urmã dintre cele trei pasaje, interdictia fãcutã de Dumnezeu priveste doar “arborele care se gãseste în mijlocul grãdinii”, dar care nu este specificat altfel. Dar, raportându-ne la celãlalt pasaj în care aceastã interdictie a fost deja enuntatã [06], se vede cã este vorba evident despre “Arborele Cunoasterii binelui si a rãului” în acest caz. Fãrã îndoialã, acesti doi arbori sunt strâns uniti în simbolism datoritã legãturii pe care proximitatea o stabileste între ei, într-atâta încât unii arbori emblematici prezintã trãsãturi care îi evocã pe unul si pe celãlalt concomitent. Rãmâne de explicat în ce constã în realitate aceastã legãturã.
Natura “Arborelui Cunoasterii binelui si a rãului” poate fi caracterizatã, asa cum numele lui însusi o indicã, prin dualitate, pentru cã gãsim în acest titlu doi termeni care sunt, nici mãcar complementari, ci de-a dreptul opusi, si se poate spune cã toatã ratiunea lor de a fi rezidã în aceastã opozitie, cãci, dacã ea ar fi depãsitã, nu s-ar mai pune problema binelui nici a rãului. Nu se poate spune acelasi lucru despre “Arborele Vietii”, a cãrui functie de “Axã a Lumii” implicã dimpotrivã esentialmente unitatea. Deci, atunci când gãsim într-un arbore emblematic o imagine a dualitãtii, se pare într-adevãr cã trebuie sã vedem în el o aluzie la “Arborele Cunoasterii”, desi, din alte puncte de vedere, simbolul luat în considerare ar fi incontestabil o figurã a “Arborelui Vietii”. Acesta este cazul, de exemplu, al “arborelui sefirotic” din Qabbalah ebraicã, care este în mod clar desemnat ca fiind “Arborele Vietii”, si în care totusi “coloana din dreapta” si “coloana din stânga” oferã figura dualitãtii, dar între cele douã se aflã “coloana din mijloc”, în care se echilibreazã cele douã tendinte opuse, si în care se regãseste astfel unitatea adevãratã a “Arborelui Vietii” [07].
Natura dualã a “Arborelui Cunoasterii” nu-i apare de altminteri lui Adam decât exact în momentul “cãderii”, pentru cã abia atunci devine “cunoscãtor al binelui si al rãului” [08]. Concomitent, în acelasi moment el se îndepãrteazã de centrul care este locul unitãtii primordiale cãreia îi corespunde “Arborele Vietii”. Exact pentru a pãzi calea spre “Arborele Vietii”, Heruvimii (“tetramorfele” sintetizând în ei quaternarul puterilor elementare), înarmati cu sabia de foc, au fost plasati la intrarea în Eden. Acest centru a devenit inaccesibil pentru omul cãzut, care si-a pierdut “simtul eternitãtii”, care este de asemenea “simtul unitãtii”. Revenirea la centru, prin restaurarea “stãrii primordiale” si atingerea “Arborelui Vietii”, este regãsirea “simtului eternitãtii”.
Pe de altã parte, se stie cã crucea însãsi a lui Hristos este identificatã simbolic cu “Arborele Vietii” (lignum vitae), ceea ce este destul de usor de înteles de altfel. Dar, conform unei “legende a Crucii” care circula în evul mediu, ea ar fi fost fãcutã din lemnul “Arborelui Cunoasterii”, astfel încât acesta, dupã ce va fi fost instrumentul “cãderii”, ar fi devenit astfel cel al “rãscumpãrãrii”. Vedem exprimându-se aici legãtura dintre cele douã idei, de “cãdere” si “rãscumpãrare”, care sunt întrucâtva inversã una alteia, si existã aici un fel de aluzie de la restabilirea ordinii primordiale [09]. În acest nou rol, “Arborele Cunoasterii” este asimilat într-un fel “Arborelui Vietii”, dualitatea fiind efectiv reintegratã în unitate [10].
Acest lucru constituie o aluzie la “sarpele de bronz” (înãltat de cãtre Moise în deserti, si se stie cã acesta este un simbol al “mântuirii”, astfel încât prãjina pe care a fost amplasat echivaleazã în aceastã privintã cu crucea si aminteste de “Arborele Vietii” [11]. Totusi, sarpele este îndeobste asociat “Arborelui Cunoasterii”, dar în acest caz este înfãtisat sub aspectul sãu malefic, si noi am atras atentia în altã parte cã, asa precum în cazul multor altor simboluri, el are douã semnificatii opuse. Nu trebuie confundat sarpele care reprezintã viata cu cel care reprezintã moartea, sarpele care este un simbol al lui Hristos cu cel care este un simbol al lui Satan (într-atâta încât se gãsesc strâns uniti în curioasa figurã a “amfisbenului” sau sarpele cu douã capete). Si s-ar putea spune cã raportul acestor douã aspecte contrare prezintã o oarecare similitudine cu cel al rolurilor pe care le joacã respectiv “Arborele Vietii” si “Arborele Cunoasterii”.
Am vãzut mai sus cã un arbore afectând o formã ternarã, ca “arborele sefirotic”, poate sintetiza în el, cumva, naturile “Arborelui Vietii” si a “Arborelui Cunoasterii”, ca si cum acestia s-ar gãsi într-unul Singur, ternarul fiind aici decompozabil în unitatea si dualitatea cãrora le este suma [12]. În locul unui arbore unic, putem avea de asemenea, cu aceeasi semnificatie, un ansamblu de trei arbori uniti prin rãdãcinile lor, cel din mijloc fiind “Arborele Vietii”, iar ceilalti doi corespunzând dualitãtii “Arborelui Cunoasterii”. Gãsim ceva comparabil în figurarea crucii Christului între celelalte douã cruci, cea a tâlharului bun si a celui rãu. Acestia sunt plasati respectiv la dreapta si la stânga Hristos crucificat, la fel cum alesii si damnatii vor fi la dreapta si la stânga lui Hristos cel triumfãtor în “Ziua Judecãtii”. Si, în acelasi timp în care reprezintã evident binele si rãul, corespund în egalã mãsurã, în raport cu Hristos, “Mizericordiei” si “Rigorii”, atributele caracteristice celor douã coloane laterale ale “arborelui sefirotic”. Crucea lui Hristos ocupã întotdeauna locul central care apartine propriu-zis “Arborelui Vietii”, si, atunci când este plasatã între soare si lunã cum se vede în cele mai multe dintre vechile icoane, este acelasi lucru, ea fiind atunci o veritabilã “Axã a Lumii” [13].
În simbolismul chinez, existã un arbore ale cãrui ramuri sunt anastomozate astfel încât extremitãtile lor se unesc douã câte douã pentru a figura sinteza contrariilor, sau resorbirea dualitãtii în unitate. Gãsim astfel, fie un arbore unic ale cãrui ramuri se divizeazã si se unesc, fie doi arbori având aceeasi rãdãcinã si unindu-se de asemenea prin ramurile lor [14]. Acesta este procesul manifestãrii universale: totul pleacã de la unitate si revine la unitate. În interval se produce dualitatea, diviziunea sau diferentierea de unde rezulta faza de existentã manifestatã. Ideile de unitate si de dualitate sunt deci reunite aici ca si în alte figuratii despre care tocmai am vorbit [15]. Existã de asemenea reprezentãri ale celor doi arbori distincti si uniti printr-o singurã ramurã (este ceea ce se numeste “arborele legat”). În acest caz, o micã ramurã iese din ramura comunã, ceea ce indicã foarte clar cã este vorba de douã principii complementare si de produsul contopirii lor, iar acest produs poate fi si manifestarea universalã, iesitã din unirea “Cerului” si a “Pãmântului” care sunt echivalentele lui Purusha si Prakriti în traditia extrem-orientalã, sau a actiunii si a reactiunii reciproce a yang-ului si a yin-ului, elementele masculin si feminin de unde pornesc si la care participã toate fiintele, si a cãror reuniune în echilibru perfect constituie (sau reconstituie) “Androginul” primordial despre care a fost vorba mai sus [16].
Sã revenim acum la reprezentarea “Paradisului terestru”: din centrul sãu, adicã de la rãdãcina însãsi a “Arborelui Vietii”, pleacã patru fluvii ce se îndreaptã fiecare spre cele patru puncte cardinale, trasând astfel crucea orizontalã pe suprafata însãsi a lumii terestre, adicã în planul care corespunde domeniului stãrii umane. Aceste patru fluvii, divizeazã în patru pãrti, care pot fi raportate la cele patru faze ale unei dezvoltãri ciclice, incinta circularã a “Paradisului terestru”, care nu este alta decât cupa orizontalã a formei sferice universale despre care a fost vorba mai sus.
“Arborele Vietii” se regãseste în centrul “Ierusalimului celest”, fapt ce se explicã cu usurintã atunci când se cunosc raporturile acestuia cu “Paradisul terestru”. Este vorba de reintegrarea tuturor lucrurilor în “starea primordialã”, în virtutea corespondentei dintre sfârsitul ciclului si începutul sãu, ca urmare a ceea ce vom explica în ceea ce urmeazã. Este remarcabil cã acest arbore, conform simbolismului apocaliptic, poartã în acest caz doisprezece fructe [17], care sunt, cum am mai spus-o si în altã parte, asimilabile celor doisprezece Aditya ai traditiei hinduse, acestea fiind doisprezece forme ale soarelui care trebuie sã aparã toate simultan la sfârsitul ciclului, reintrând atunci în unitatea esentialã a naturii lor comune, cãci sunt tot atâtea manifestãri ale unei esente unice si indivizibile, Aditi, care corespunde esentei una a “Arborelui Vietii”, în timp ce Diti corespunde esentei duale a “Arborelui Cunoasterii binelui si a rãului”. De altminterea, în diverse traditii, imaginea soarelui este adesea legatã de cea a unui arbore, ca si cum soarele ar fi un fruct al “Arborelui Lumii”. El îsi pãrãseste arborele la începutul ciclului si vine sã i se alãture la sfârsitul lui. În ideogramele chineze, caracterul desemnând apusul soarelui îl reprezintã odihnindu-se pe arborele sãu la sfârsitul zilei (care este analog sfârsitului ciclului); întunericul este reprezentat printr-un caracter care figureazã soarele cãzut la piciorul arborelui. În India se gãseste arborelui triplu purtând trei sori, imagine a lui Trimûrti, astfel ca si arborele având ca fruct doisprezece sori, care sunt, asa cum tocmai am zis, cei doisprezece Aditya. În China se gãseste arborele cu doisprezece sori, în legãturã cu cele doisprezece semne ale Zodiacului sau cu cele doisprezece luni ale anului precum Aditya, iar uneori cu zece, numãr al perfectiunii ciclice ca în doctrina pitagoricianã. La modul general, diferitii sori corespund diferitelor faze ale unui ciclu. Ei ies din unitate la începutul acestuia si se reîntorc în ea la final, care coincide cu începutul altui ciclu, datã fiind continuitatea tuturor modurilor Existentei universale.

Note:

[01] Le Roi du Monde. Asupra “Arborelui Lumii” si a diferitelor sale forme, a se vedea si L’Homme et son devenir selon la Vêdânta. În esoterismul musulman existã un tratat al lui Mohyiddin ibn Arabi intitulat Arborele Lumii (Shagaratul-Kawn).

[02] Asupra simbolismului vegetal în legãturã cu “Paradisul terestru”, a se vedea L’Esotérisme de Dante.

[03] Geneza II, 9.

[04] Ibid. III, 3.

[05] Ibid. III, 22.

[06] Ibid. II, 17.

[07] Asupra “arborelui sefirotic”, a se vedea Le Roi du Monde. La fel, în simbolismul medieval, “arborele viilor si al mortilor”, prin cele douã laturi ale cãror fructe reprezintã operele bune si rele, se înrudeste fãrã gres cu “Arborele Cunoasterii binelui si a rãului”, iar în acelasi timp trunchiul sãu, care este Hristos însusi, îl identificã cu “Arborele Vietii”.

[08] Geneza III, 22. Atunci când “ochii lor furã deschisi”, Adam si Eva se acoperirã cu frunze de smochin (ibid. III, 7). Acest lucru trebuie apropiat de faptul cã, în traditia hindusã, “Arborele Lumii” este reprezentat de un smochin, si de asemenea rolul pe care-l joacã acelasi arbore în Evanghelie.

[09] Acest simbolism trebuie apropiat de ceea ce Sf. Paul spune despre cei doi Adami (Prima Epistolã cãtre Corinteni, XV) si la care am fãcut deja aluzie mai sus. Reprezentarea craniului lui Adam la piciorul crucii, în legãturã cu legenda conform cãreia el ar fi fost înmormântat pe chiar Golgotha (al cãrui nume înseamnã “craniu”), nu este decât o altã expresie simbolicã a aceluiasi raport.

[10] Este remarcabil faptul cã crucea, în forma sa obisnuitã, se întâlneste în hieroglifele egiptene cu sensul de “mântuire” (de exemplu în numele de Ptolemeu Soter). Acest semn este în mod clar distinct de “crucea ansatã” (ankh) care exprimã ideea de “viatã”, si care fu de altminteri folosit frecvent ca simbol de cãtre crestinii primelor secole. Putem sã ne întrebãm dacã primul dintre aceste douã hieroglife n-ar fi într-un raport oarecare cu reprezentarea “Arborelui Vietii”, ceea ce ar lega aceste douã forme ale crucii între ele, pentru cã semnificatia lor ar fi astfel partial identicã. Si, în orice caz, existã între ideile de “viatã” si de “mântuire” o evidentã conexiune.

[11] Bastonul lui Esculap are o semnificatie similarã. În caduceul lui Hermes existã cei doi serpi aflati în opozitie, corespunzând dublei semnificatii a simbolului.

[12] Într-un pasaj din romanul Astrée a lui Honoré d’Urfé, este vorba despre un arbore cu trei jeturi, conform unei traditii care pare sã fie de origine druidicã.

[13] Aceastã identificare a crucii cu “Axa Lumii” se gãseste enuntatã expres în deviza de la Chartreux: “Stat Crux dum volvitur orbis.” Cf. simbolul “Globului Lumii”, în cadrul cãreia crucea surmontând polul, tine locul axei.

[14] Aceste douã forme se întâlnesc mai ales în basoreliefurile epocii Han.

[15] Arborele despre care este vorba au frunze trilobate legate de douã crengi concomitent, flori în formã de caliciu, pãsãri zburând în jur sau se aflã pe arbore. Asupra raportului dintre simbolismul pãsãrilor si cel al arborelui în diferite traditii, a se vedea L’Homme et son devenir selon la Vêdânte, în care am relevat în aceastã privintã diverse texte din Upanishade si parabola evanghelicã a semintei de mustar. Se pot adãuga, la scandinavi, cei doi corbi mesageri ai lui Odin, care se odihnesc pe frasinul Ygdrasil, care este una din formele “Arborelui Lumii”. În simbolismul evului mediu, se mai gãsesc pãsãri în copacul Peridexion, la rãdãcina cãruia se aflã un dragon. Numele acestui arbore este o formã coruptã a lui Paradision, si poate pãrea destul de ciudat cã a fost astfel deformat, ca si cum la un moment dat a încetat sã mai fie înteles.

[16] În loc de “arborele legat”, se gãsesc uneori douã stânci legate în acelasi fel. Existã de altfel un raport foarte exact între arbore si stâncã, echivalentã muntelui, ca simboluri ale “Axei Lumii”, si, la modul mai general, existã o apropiere constantã între piatrã si copac în cele mai multe dintre traditii.

[17] Fructele “Arborelui Vietii” sunt “merele de aur” ale grãdinii Hesperidelor. “Lâna de aur” a Argonautilor, si ea plasatã într-un copac si pãzitã de un sarpe sau de un dragon, este un alt simbol al nemuririi pe care omul trebuie s-o recucereascã.

[*] Acest izvor este, conform traditiei celor din “Fedeli d’Amore”, “fântâna tineretii” (fons juventutis), reprezentatã întotdeauna ca fiind situatã la rãdãcina unui arbore. Apele sale sunt deci asimilabile “bãuturii nemuririi” (amrita din traditia hindusã). Legãturile dintre “Arborele Vietii” si Soma vedicã sau Haoma mazdeenilor sunt de altminteri evidente (cf. Le Roi du Monde). Sã reamintim de asemenea, în aceastã privintã, “roua de luminã” care, conform Quabbalei ebraice, emanã din “Arborele Vietii” si prin intermediul cãreia trebuie sã se opereze reînvierea mortilor. Roua joacã un rol important si în simbolismul hermetic. În traditiile extrem-orientale este mentionat “arborele cu roua dulce”, situat pe muntele Kouen-lun, care este adesea considerat ca un echivalent al lui Meru si al altor “munti sacri” (“muntele polar”, care este, ca si arborele, un simbol al “Axei Lumii”, asa cum tocmai am amintit-o). Conforma celeiasi traditii a “Fedeli d’Amore” (a se vedea Luigi Valli, Il Linguaggio segreto di Dante e dei “Fedeli d’Amore”), acest izvor este si “fântâna învãtãturii”, lucru aflat în legãturã cu conservarea Traditiei primordiale în centrul spiritual al lumii. Regãsim deci aici, între “starea primordialã” si “Traditia primordialã”, legãtura pe care am semnalat-o altundeva în ceea ce priveste “Sfântul Graal”, înfãtisat sub dublul aspect al cupei si al cãrtii (Le Roi du Monde). Sã mai reamintim reprezentarea, în simbolismul crestin, a mielului pe cartea închisã cu sapte peceti, pe muntele de unde coboarã cele patru fluvii. Vom vedea mai departe raportul care existã între simbolul “Arborelui Vietii” si cel al “Cãrtii Vietii”. Un alt simbolism putând sã dea prilejul la apropieri interesante se gãseste la anumite popoare ale Americii Centrale, care, “la intersectia a douã diametre rectangulare trasate într-un cerc, aseazã cactusul sacru, peyotl sau hicuri, simbolizând “cupa nemuririi”, si care trebuie sã se gãseascã în centrul unei sfere goale si în centrul lumii.”


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René Guénon, Extractos a Marius Lepage

Extracto del 10-3-1948:

"La cuestión no tiene sentido, no se puede no estar de acuerdo con la Tradición"

Extracto del 16 de mayo de 1948. En “Rivista di Studi Tradizionali” nº 87:

"Yo no he hecho nunca ningún "sondeo" a la Iglesia católica. Al contrario, se me ha pedido, e incluso con cierta insistencia, el colaborar en la revista "Regnabit", y si al fin lo he aceptado, ha sido porque he pensado siempre que era preciso no dejar pasar ninguna posibilidad, de cualquier parte que se presentase, sólo que no me he hecho ilusiones sobre lo que que habría podido salir de ello, por lo que no he quedado muy desilusionado cuando, a causa de las intrigas de Maritain y de su grupo, tal colaboración ha debido acabar. Este episodio nada tiene que ver en absoluto con el hecho de que por otro lado, he siempre esperado ver alguna cosa realizarse de parte de la Masonería"

Extracto del 10-11 de 1949:

"No tengo fotos mías, algunos buscan procurárselas de no importa qué manera..."
( … )
Téder, insigne falsario del que Papus fue la víctima.

Extracto del 3 de noviembre de 1950.

Sobre Jah-bel-on: Jah, es hebreo; Bel, caldeo; On, egipcio: Osiris es el ser bueno


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Jean Borella, Gnose chrétienne et gnose anti-chrétienne, (note de lectura)





Texte publié en octobre 1996 dans la revue La Place Royale.
La gnose a mauvaise presse dans la théologie chrétienne. Ainsi, parler d’une gnose chrétienne semble à première vue paradoxal. On peut démontrer qu’il existe un gnosticisme chrétien.

I. Position du problème
En général, les doctrines religieuses peuvent être définies historiquement, mais en ce qui concerne la gnose les exigences ne peuvent être satisfaites. Pire que cela, « L’histoire de la gnose (et du gnosticisme), c’est l’histoire de son historiographie. Jusqu’à une date récente, en effet, cet ensemble cosmologico-religieux n’était connu que par les réfutations de ses adversaires chrétiens (et néo-platoniciens). » Ainsi, les fragments cités par Irénée, Hippolyte, Justin etc. étaient, jusque récemment, la seule documentation disponible. En 1945, en Egypte, fut découverte la seule bibliothèque gnostique authentique, mais les éclaircissements sont loin d’être arrivés.
1. D’abord les historiens ont vu dans le gnosticisme une hérésie chrétienne. Deux opinions ont été formulés quant à la nature de cette hérésie: ou qu’elle était l’hellénisation d’une religion somme tout orientale, ou qu’elle était un retour aux sources orientales d’une religion qui se présentait sous une forme grecque.
2. Suite aux travaux de Bossuet, l’historiographie du courant établit que le gnosticisme n’est pas né avec le christianisme, mais il est plus ancien. Ce courant, sans se nommer « gnosticisme », groupait des juifs, des iraniens, l’hermetisme égyptien. « Cette thèse est peu contestable et nous paraît aujourd’hui assez bien établie, au moins dans son cadre général (car, pour notre part, nous faisons toutes réserves sur la signification du phénomène gnostique et sur les diverses interprétations qu’en donnent les historiens). »
3. La troisième thèse: le christianisme est une religion gnostique, même la vraie gnose. Cela explique pourquoi le gnosticisme préchrétien a pu « reconnaître » le christianisme et en tirer profit.
La connexion subtile entre le gnosticisme et le christianisme est à la base du fait que beaucoup gnostiques (tel Valentin) ont semblé plus chrétiens que les chrétiens mêmes.
« Si donc le gnosticisme paraît si spécifiquement chrétien, et si pourtant son origine est incontestablement pré-chrétienne, c’est que le christianisme présente lui-même les caractéristiques d’une véritable gnose authentique, ou plutôt qu’en lui la gnose atteint à sa pureté et à sa vérité, tandis que les gnosticismes immédiatement pré-chrétiens ou para-chrétiens n’en offrent que des aspects déformés et déviés. »

II. Gnose et gnosticisme
La troisième thèse (celle de Jean Borella) impose montrer en quoi le christianisme réalise la vérité de la gnose et identifier l’erreur du gnosticisme et préciser la déviation qu’il fait subir à la gnose véritable.
1. Il faut distinguer entre la gnose (du grec gnôsis), qui est la connaissance intérieure et salvatrice de Dieu, et le gnosticisme, qui est la systémisation historique de cette connaissance. Ainsi, tout gnosticisme est une hérésie, parce qu’elle est un choix (haïrésis = choix) dans la vérité totale quelques éléments.
Le terme « gnôsis » a été utilisé la première fois dans le christianisme, par l’apôtre Paul. Il dénonce la pseudo-gnose, donc le gnosticisme, dans 1er épître à Timothée, VI, 20. D’autres Saints Pères ont parle de la gnose chrétienne (Irénée, Clément d’Alexandrie, Origène).
2. La vie éternelle est une gnose: « Voici ce qu’est la vie éternelle : qu’ils te connaissent, Toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé Jésus-Christ » (Jean, XVII, 3). Cette connaissance est salvatrice, mais aussi intérieure.
Adage médiéval: « Doctrina Christi revelat quod doctrina Moysi velat » (Le christianisme c’est la révélation du mystère intérieur du judaïsme)
Les rites chrétiens, le baptême et l’eucharistie d’abord, semblent reprendre ce qu’il y avait de plus religieux dans l’hellénisme: le culte des mystères. « Le baptême n’était-il pas dénommé « initiation » et « illumination » ? N’est-il pas un rite véritablement initiatique qui transforme l’âme, et lui confère la grâce de la gnose christique ? Et le rite eucharistique, en faisant participer au banquet sacrificiel du divin Corps du Christ, ne nous communique-t-il pas, dans le mysterium fidei, la connaissance la plus intime, celle de l’Etre même de Dieu ? » [A mon avis, ici Borella reprend l’erreur de Schuon, celle de considérer le baptême comme étant un rite d’initiation. S’il en a été vraiment une initiation, les choses ont changé au moment où il a été offert à tout le monde, sans aucune restriction supposant une manque de qualification objective. Cette erreur a été vivement condamnée par René Guénon – n. n.]
3. L’authentique intérieurité de la gnose chrétienne rend faux le gnosticisme non chrétien.
Tout gnosticisme est nécessairement dualiste, étant ainsi une hérésie métaphysique. Le gnosticisme est d’une part un « angélisme anti-créationiste » (l’hérésie marcionite et valentinienne, qui considérait que le monde physique est la création d’un mauvais démiurge) et d’autre part un « docétisme christologique ».
L’hérésie docétiste (qui n’est qu’un corollaire de l’hérésie précédente), vient du mot grec dokéô (sembler, paraître). Sa thèse de base était celle que le corps du Christ n’était qu’apparent, et que sa Passion ne fut qu’illusoire.
Thése de ces hérésies: « la réalité suprême est trop haute et trop sublime pour tolérer la bassesse du monde corporel, et donc a fortiori pour qu’un être émanant du monde supérieur puisse en assumer réellement les conditions. » [ce qui, métaphysiquement, est une négation de la Possibilité Universelle. – n.n.]
Au lieu de rejeter la matière, comme ces hérésies le prétendent, le docétisme et l’angélisme anti-créationiste l’élèvent au niveau de réalité antinomique du Principe.
Avec le gnosticisme, l’intériorité rejette l’extériorité. Avec la gnose, l’intériorité assume l’extériorité, en la transfigurant (seul le Plus peut le moins). Comme a dit l’apôtre Paul, le Christ s’est fait pêché.
Le Christ est la connaissance du Père incarnée. Il est la Gnose répandue et communiquée.


III. Le gnosticisme moderne
1. Le gnosticisme moderne est très différent du gnosticisme ancien. Le gnosticisme des hérésiologues chrétiens est profondément religieux, pendant que le gnosticisme moderne est anti-religieux.
Les gnoses modernes considèrent que la science doit remplacer la religion (ce qui est différent du scientisme du XIXe siècle, qui considérait que la science doit éliminer la religion, tout en restant science).
Pour faire la connaissance scientifique participer à la néo-gnose, elle doit échapper au dualisme matière-esprit. Ainsi, la matière c’est de l’esprit retourné, à l’envers. « La néo-gnose est la « révélation » de ce retournement, et opère une sorte de « salut », spéculatif ou théorique, en remettant les choses à l’endroit. »
Parmi les exponents de la néo-gnose, il faut citer Ruyer et Alain de Benoist.
Le gnosticisme moderne est un investissement du monde physique de tous les attraits de la divinité, sans aucune référence à Dieu.
Le gnosticisme hellénique, au nom de la Transcendence divine, refusait l’immancence de Dieu au monde. Le gnosticisme moderne refuse la transcendance au nom de l’immanence, et même au nom du panthéisme.
Le gnosticisme ancien était l’incompréhension de l’Incarnation sacrificielle. Le nouveau gnosticisme est l’incompréhension de la Résurrection pascale.
2. « S’il y a, en effet, résurrection de la chair, c’est que le principe divin, qui est immanent au monde, qui est présent dans la substance même de la matière, ne peut pas, en vertu de sa propre Transcendance, ne pas arracher le corps physique à l’ordre cosmique auquel il adhère, pour manifester la transcendance même de la chair lorsqu’elle est habitée véritablement par l’Esprit. »
Ce qu’il fait défaut à cette gnose est la distinction des degrés de réalité qui en dérive. L’Esprit est dans le monde, mais le monde est moins parfait, donc moins réel, que l’Esprit.
3. La Résurrection du Christ se présente à nous comme le sacrement restaurant le cosmos.
« On le voit, face au gnosticisme ancien comme au gnosticisme moderne, le christianisme est le seul à aller jusqu’au bout des exigences de la gnose. Il en réalise véritablement toutes les conséquences, devant lesquelles reculent les audaces spéculatives les plus réputées, (ainsi du gnosticisme de Hegel, qui, écrivant une vie de Jésus, la termine à la crucifixion). »
Sur la théologie: « Nous croyons pourtant qu’à vouloir définir l’œuvre théologique comme une œuvre de la pure raison naturelle (en sorte qu’à la limite un athée pourrait être théologien pourvu qu’il accueille spéculativement – c’est-à-dire d’hypothèses – les données de la foi), on ne peut échapper à un certain rationalisme soit qui conduit la théologie au dessèchement et à l’exercice gratuit, soit qui l’expose au rejet pur et simple, au nom du concret, de l’existentiel, du pastoral et de « l’engagement ». […] En maintenant au contraire que la théologie doit être mystique, non point au sens où le théologien devrait connaître ce qu’on appelle proprement des états mystiques, mais au sens où il garde la conscience vive que la lumière de l’intelligence est, selon le mot de saint Thomas d’Aquin, « quasi dérivée de Dieu ». »
Conclusion finale: « Et qu’on ne s’y trompe pas : la conscience de la nature quasi divine de l’intellection humaine actualisée, sous la lumière qui rayonne de l’objet de foi, qui est lui-même une concrétion objective du Verbe, cette conscience n’est pas rien. Elle communique au contraire à la connaissance théologique une vibration et un parfum qui l’arrache à l’exercice ordinaire de la pensée et qui l’empêche de se prendre aux pièges de ses formulations. Dans l’acte même de la connaissance, une telle intelligence goûte déjà droitement quelque chose du Saint-Esprit. Et c’est cela la gnose. »


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Anca Manolescu, Limite care deschid, (note de lectura)

Articol apărut în Dilema, nr. 320, 26 mart. - 1 apr. 1999.

A.K. Coomaraswamy, Hindouisme et Bouddhisme.

„Raportul între forma unei tradiţii, între formele prin care ea comunică, apropie, încearcă să expliciteze, să corporifice adevărul revelat, pe de o parte, şi natura lui inepuizabilă, de necircumscris, de nearticulat, pe de alta, e materia paradoxală cu care are de a face neîncetat orice religie. Dacă forma nu e gîndită şi practicată drept o limită ce incită la transcenderea ei, ea devine nu doar nocivă, ci intră pur şi simplu în contradicţie cu statutul său. "Litera ucide" în măsura în care nu mai lasă duhul să sufle, să conducă pe lector încotro voieşte acest suflu. Dogma, ritul, morala sînt mereu afirmate de fiecare tradiţie ca nişte etape de acces, ca nişte vectori spre o realitate care, depăşind toate formele, tinde să dezmărginească persoana, să o atragă dincolo de orice formă.”


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02 février 2006

René Guénon, L’arbre du milieu, (fragment)

Un autre aspect du symbolisme de la croix est celui qui l’identifie à ce que les diverses traditions désignent comme l’« Arbre du Milieu » ou par quelque autre terme équivalent; nous avons vu ailleurs que cet arbre est un des nombreux symboles de l’« Axe du Monde » [01]. C’est donc la ligne verticale de la croix, figure de cet axe, qui est ici à considérer principalement: elle constitue le tronc de l’arbre, tandis que la ligne horizontale (ou les deux lignes horizontales pour la croix à trois dimensions) en forme les branches. Cet arbre s’élève au centre du monde, ou plutôt d’un monde, c’est-à-dire du domaine dans lequel se développe un état d’existence, tel que l’état humain qui est envisagé le plus habituellement en pareil cas. Dans le symbolisme biblique, en particulier, c’est l’« Arbre de Vie », qui est planté au milieu du « Paradis terrestre », lequel représente lui-même le centre de notre monde, ainsi que nous l’avons expliqué en d’autres occasions. Bien que nous n’ayons pas l’intention de nous étendre ici sur toutes les questions relatives au symbolisme de l’arbre, et qui demanderaient une étude spéciale, il est cependant, à ce propos, quelques points que nous ne croyons pas inutile d’expliquer.
Dans le Paradis terrestre, il n’y avait pas que l’« Arbre de Vie »; il en est un autre qui joue un rôle non moins important et même plus généralement connu: c’est l’« Arbre de la Science du bien et du mal » [02]. Les relations qui existent entre ces deux arbres sont très mystérieuses: le récit biblique, immédiatement après avoir désigné l’« Arbre de Vie » comme étant « au milieu du jardin », nomme l’« Arbre de la Science du bien et du mal » [03]; plus loin, il est dit que ce dernier était également « au milieu du jardin » [04]; et enfin Adam, après avoir mangé le fruit de l’« Arbre de la Science », n’aurait eu qu’à « étendre sa main » pour prendre aussi du fruit de l’« Arbre de Vie » [05]. Dans le second de ces trois passages, la défense faite par Dieu est même rapportée uniquement à « l’arbre qui est au milieu du jardin », et qui n’est pas autrement spécifié; mais, en se reportant à l’autre passage où cette défense a été déjà énoncée [06], on voit que c’est évidemment de l’« Arbre de la Science du bien et du mal » qu’il s’agit en ce cas. C’est sans doute en raison du lien que cette proximité établit entre les deux arbres qu’ils sont étroitement unis dans le symbolisme, à tel point que certains arbres emblématiques présentent des traits qui évoquent l’un et l’autre à la fois; mais il reste à expliquer en quoi ce lien consiste en réalité.
La nature de l’« Arbre de la Science du bien et du mal » peut, comme son nom même l’indique, être caractérisée par la dualité, puisque nous trouvons dans cette désignation deux termes qui sont, non pas même complémentaires, mais véritablement opposés, et dont on peut dire en somme que toute la raison d’être réside dans cette opposition, car, quand celle-ci est dépassée, il ne saurait plus être question de bien ni de mal; il ne peut en être de même pour l’« Arbre de Vie », dont la fonction d’« Axe du Monde » implique au contraire essentiellement l’unité. Donc, quand nous trouvons dans un arbre emblématique une image de la dualité, il semble bien qu’il faille voir là une allusion à l’« Arbre de la Science », alors même que, à d’autres égards, le symbole considéré serait incontestablement une figure de l’« Arbre de Vie ». Il en est ainsi, par exemple, pour l’« arbre séphirotique » de la Qabbalah hébraïque, qui est expressément désigné comme l’« Arbre de Vie », et où cependant la « colonne de droite » et la « colonne de gauche » offrent la figure de la dualité; mais entre les deux est la « colonne du milieu », où s’équilibrent les deux tendances opposées, et où se retrouve ainsi l’unité véritable de l’« Arbre de Vie » [07].
La nature duelle de l’« Arbre de la Science » n’apparaît d’ailleurs à Adam qu’au moment même de la « chute », puisque c’est alors qu’il devient « connaissant le bien et le mal » [08]. C’est alors aussi qu’il est éloigné du centre qui est le lieu de l’unité première, à laquelle correspond l’« Arbre de Vie »; et c’est précisément « pour garder le chemin de l’Arbre de Vie » que les Kerubim (les « tétramorphes » synthétisant en eux le quaternaire des puissances élémentaires), armés de l’épée flamboyante, sont placés à l’entrée de l’Eden. Ce centre est devenu inaccessible pour l’homme déchu, ayant perdu le « sens de l’éternité », qui est aussi le « sens de l’unité »; revenir au centre, par la restauration de l’« état primordial », et atteindre l’« Arbre de Vie », c’est recouvrer ce « sens de l’éternité ».
D’autre part, on sait que la croix même du Christ est identifiée symboliquement à l’« Arbre de Vie » (lignum vitae), ce qui se comprend d’ailleurs assez facilement; mais, d’après une « légende de la Croix » qui avait cours au moyen âge, elle aurait été faite du bois de l’« Arbre de la Science », de sorte que celui-ci, après avoir été l’instrument de la « chute », serait devenu ainsi celui de la « rédemption ». On voit s’exprimer ici la connexion de ces deux idées de « chute » et de « rédemption », qui sont en quelque sorte inverses l’une de l’autre, et il y a là comme une allusion au rétablissement de l’ordre primordial [09]; dans ce nouveau rôle, l’« Arbre de la Science » s’assimile en quelque sorte à l’« Arbre de Vie », la dualité étant effectivement réintégrée dans l’unité [10].
Ceci peut faire penser également au « serpent d’airain » élevé par Moïse dans le désert, et que l’on sait être aussi un symbole de la « rédemption », de sorte que la perche sur laquelle il est placé équivaut à cet égard à la croix et rappelle de même l’« Arbre de Vie » [11]. Cependant, le serpent est plus habituellement associé à l’« Arbre de la Science »; mais c’est qu’il est alors envisagé sous son aspect maléfique, et nous avons déjà fait observer ailleurs que, comme beaucoup d’autres symboles, il a deux significations opposées. Il ne faut pas confondre le serpent qui représente la vie et celui qui représente la mort, le serpent qui est un symbole du Christ et celui qui est un symbole de Satan (et cela même lorsqu’ils se trouvent aussi étroitement unis que dans la curieuse figuration de l’« amphisbène » ou serpent à deux têtes); et l’on pourrait dire que le rapport de ces deux aspects contraires n’est pas sans présenter une certaine similitude avec celui des rôles que jouent respectivement l’« Arbre de Vie » et l’« Arbre de la Science ».
Nous avons vu tout à l’heure qu’un arbre affectant une forme ternaire, comme l’« arbre séphirothique », peut synthétiser en lui, en quelque sorte, les natures de l’« Arbre de Vie » et de l’« Arbre de la Science », comme si ceux-ci se trouvaient réunis en un seul, le ternaire étant ici décomposable en l’unité et la dualité dont il est la somme [12]. Au lieu d’un arbre unique, on peut avoir aussi, avec la même signification, un ensemble de trois arbres unis par leurs racines, celui du milieu étant l’« Arbre de Vie », et les deux autres correspondant à la dualité de l’« Arbre de la Science ». On trouve quelque chose de comparable dans la figuration de la croix du Christ entre deux autres croix, celles du bon et du mauvais larron: ceux-ci sont placés respectivement à la droite et à la gauche du Christ crucifié, comme les élus et les damnés seront à la droite et à la gauche du Christ triomphant au « Jugement dernier »; et, en même temps qu’ils représentent évidemment le bien et le mal, ils correspondent aussi, par rapport au Christ, à la « Miséricorde » et à la « Rigueur », les attributs caractéristiques des deux colonnes latérales de l’« arbre séphirotique ». La croix du Christ occupe toujours la place centrale qui appartient proprement à l’« Arbre de Vie »; et lorsqu’elle est placée entre le soleil et la lune comme on le voit dans la plupart des anciennes figurations, il en est encore de même: elle est alors véritablement l’« Axe du Monde » [13].
Dans le symbolisme chinois, il existe un arbre dont les branches sont anastomosées de façon à ce que leurs extrémités se rejoignent deux à deux pour figurer la synthèse des contraires, ou la résolution de la dualité dans l’unité; on trouve ainsi, soit un arbre unique dont les branches se divisent et se rejoignent, soit deux arbres ayant même racine et se rejoignant de même par leurs branches [14].
C’est le processus de la manifestation universelle; tout part de l’unité et revient à l’unité; dans l’intervalle se produit la dualité, division ou différenciation d’où résulte la phase d’existence manifestée; les idées de l’unité et de la dualité sont donc réunies ici comme dans les autres figurations dont nous venons de parler [15]. Il existe aussi des représentations de deux arbres distincts et joints par une seule branche (c’est ce qu’on appelle l’« arbre lié »); dans ce cas, une petite branche sort de la branche commune, ce qui indique nettement qu’il s’agit alors de deux principes complémentaires et du produit de leur union; et ce produit peut être encore la manifestation universelle, issue de l’union du « Ciel » et de la « Terre » qui sont les équivalents de Purusha et de Prakriti dans la tradition extrême-orientale, ou encore de l’action et de la réaction réciproque du yang et du yin, éléments masculins et féminins dont procèdent et participent tous les êtres, et dont la réunion en équilibre parfait constitue (ou reconstitue) l’« Androgyne » primordial dont il a été question plus haut [16].
Revenons maintenant à la représentation du « Paradis terrestre »: de son centre, c’est-à-dire du pied même de l’« Arbre de Vie », partent quatre fleuves se dirigeant vers les quatre points cardinaux, et traçant ainsi la croix horizontale sur la surface même du monde terrestre, c’est-à-dire dans le plan qui correspond au domaine de l’état humain. Ces quatre fleuves, qu’on peut rapporter au quaternaire des éléments, et qui sont issus d’une source unique correspondant à l’éther primordial [*], divisent en quatre parties, qui peuvent être rapportées aux quatre phases d’un développement cyclique, l’enceinte circulaire du « Paradis terrestre », laquelle n’est autre que la coupe horizontale de la forme sphérique universelle dont il a été question plus haut.
L’« Arbre de Vie » se retrouve au centre de la « Jérusalem céleste », ce qui s’explique aisément quand on connaît les rapports de celle-ci avec le « Paradis terrestre »: il s’agit de la réintégration de toutes choses dans l’« état primordial », en vertu de la correspondance de la fin du cycle avec son commencement, suivant ce que nous expliquerons encore par la suite. Il est remarquable que cet arbre, d’après le symbolisme apocalyptique, porte alors douze fruits [17], qui sont, comme nous l’avons dit ailleurs, assimilables aux douze Adityas de la tradition hindoue, ceux-ci étant douze formes du soleil qui doivent apparaître toutes simultanément à la fin du cycle, rentrant alors dans l’unité essentielle de leur nature commune, car ils sont autant de manifestations d’une essence unique et indivisible, Aditi, qui correspond à l’essence une de l’« Arbre de Vie » lui-même, tandis que Diti correspond à l’essence duelle de l’« Arbre de la Science du bien et du mal ». D’ailleurs, dans diverses traditions, l’image du soleil est souvent liée à celle d’un arbre, comme si le soleil était le fruit de l’« Arbre du Monde »; il quitte son arbre au début du cycle et vient s’y reposer à la fin. Dans les idéogrammes chinois, le caractère désignant le coucher du soleil le représente se reposant sur son arbre à la fin du cycle); l’obscurité est représentée par un caractère qui figure le soleil tombé au pied de l’arbre. Dans l’Inde, on trouve l’arbre triple portant trois soleils, image de la Trimûrti, ainsi que l’arbre ayant pour fruits douze soleils, qui sont, comme nous venons de le dire, les douze Adityas: en Chine, on trouve également l’arbre à douze soleils, en relation avec les douze signes du Zodiaque ou avec les douze mois de l’année comme les Adityas, et quelque-fois aussi à dix, nombre de la perfection cyclique comme dans la doctrine pythagoricienne. D’une façon générale, les différents soleils correspondent aux différentes phases d’un cycle; ils sortent de l’unité au commencement de celui-ci et y rentrent à la fin, qui coïncide avec le commencement d’un autre cycle, en raison de la continuité de tous les modes de l’Existence universelle.

Notes:

[01] Le Roi du Monde; sur l’« Arbre du Monde » et ses différentes formes, voir aussi L’Homme et son devenir selon le Vêdânta. – Dans l’ésotérisme musulman, il existe un traité de Mohyiddin ibn Arabi intitulé L’Arbre du Monde (Shagaratul-Kawn).

[02] Sur le symbolisme végétal en relation avec le « Paradis terrestre », voir L’Esotérisme de Dante.

[03] Genèse II, 9.

[04] Ibid. III, 3.

[05] Ibid. III, 22.

[06] Ibid. II, 17.

[07] Sur l’« arbre séphirotique », voir Le Roi du Monde. – De même, dans le symbolisme médiéval, l’« arbre des vifs et des morts », par ses deux côtés dont les fruits représentent respectivement les œuvres bonnes et mauvaises, s’apparente nettement à l’« Arbre de la Science du bien et du mal »; et en même temps son tronc, qui est le Christ lui-même, l’identifie à l’« Arbre de Vie ».

[08] Genèse, III, 22. – Lorsque « leurs yeux furent ouverts », Adam et Eve se couvrirent de feuilles de figuier (ibid., III, 7); ceci est à rapprocher du fait que, dans la tradition hindoue, l’« Arbre du Monde » est représenté par le figuier, et aussi du rôle que joue ce même arbre dans l’Evangile.

[09] Ce symbolisme est à rapprocher de ce que saint Paul dit des deux Adam (Ire Epitre aux Corinthiens, XV), et à quoi nous avons déjà fait allusion plus haut. La figuration du crâne d’Adam au pied de la croix, en relation avec la légende d’après laquelle il aurait été enterré au Golgotha même (dont le nom signifie « crâne »), n’est qu’une autre expression symbolique du même rapport.

[10] Il est à remarquer que la croix, sous sa forme ordinaire, se rencontre dans les hiéroglyphes égyptiens avec le sens de « salut » (par exemple dans le nom de Ptolémée Soter). Ce signe est nettement distinct dans la « croix ansée » (ankh), qui, de son côté, exprime l’idée de « vie », et qui fut d’ailleurs employée fréquemment comme symbole par les Chrétiens des premiers siècles. On peut se demander si le premier de ces deux hiéroglyphes n’aurait pas un certain rapport avec la figuration de l’« Arbre de Vie », ce qui relierait l’une à l’autre ces deux formes différentes de la croix, puisque leur signification serait ainsi en partie identique; et, en tout cas, il y a entre les idées de « vie » et de « salut » une connexion évidente.

[11] Le bâton d’Esculape a une signification similaire; dans le caducée d’Hermès, on a les deux serpents en opposition, correspondant à la double signification du symbole.

[12] Dans un passage de l’Astrée d’Honoré d’Urfé, il est question d’un arbre à trois jets, d’après une tradition qui paraît bien être d’origine druidique.

[13] Cette identification de la croix à l’« Axe du Monde » se trouve énoncée expressément dans la devise des Chartreux: « Stat Crux dum volvitur orbis ». – Cf. le symbole du « globe du Monde », où la croix surmontant le pôle, tient également la place de l’axe.

[14] Ces deux formes se rencontrent notamment sur des bas-reliefs de l’époque des Han.

[15] L’arbre dont il s’agit porte des feuilles trilobées rattachées à deux branches à la fois, et, à son pourtour, des fleurs en forme de calice: des oiseaux volent autour ou sont posés sur l’arbre. – Sur le rapport entre le symbolisme des oiseaux et celui de l’arbre dans différentes traditions, voir L’Homme et son devenir selon le Vêdânta, où nous avons relevé à cet égard divers textes des Upanishads et la parabole évangélique du grain de sénevé; on peut y ajouter, chez les Scandinaves, les deux corbeaux messagers d’Odin se reposant sur le frêne Ygdrasil, qui est une des formes de l’« Arbre du Monde ». Dans le symbolisme du moyen âge, on trouve également des oiseaux sur l’arbre Peridexion, au pied duquel est un dragon; le nom de cet arbre est une corruption de Paradision, et il peut sembler assez étrange qu’il ait été ainsi déformé, comme si l’on avait cessé de le comprendre à un certain moment.

[16] Au lieu de l’« arbre lié », on trouve aussi parfois deux rochers joints de la même façon; il y a d’ailleurs un rapport étroit entre l’arbre et le rocher, équivalent de la montagne, en tant que symboles de l’« Axe du Monde »; et, d’une façon plus générale, il y a un rapprochement constant de la pierre et de l’arbre dans la plupart des traditions.

[17] Les fruits de l’« Arbre de Vie » sont les « pommes d’or » du jardin des Hespérides; la « toison d’or » des Argonautes, également placée sur un arbre et gardée par un serpent ou un dragon, est un autre symbole de l’immortalité que l’homme doit reconquérir.

[*] Cette source est, suivant la tradition des « Fidèles d’Amour », la « fontaine de jouvence » (fons juventutis), toujours représentée comme située au pied d’un arbre; ses eaux sont donc assimilables au « breuvages d’immortalité » (l’amrita de la tradition hindoue); les rapports de l’« Arbre de Vie » avec le Soma vêdique et le Haoma mazdéen sont d’ailleurs évidents (cf. Le Roi du Monde). Rappelons aussi, à ce propos, la « rosée de lumière » qui, d’après la Qabbalah hébraïque, émane de l’« Arbre de Vie », et par laquelle doit s’opérer la résurrection des morts; la rosée joue également un rôle important dans le symbolisme hermétique. Dans les traditions extrême-orientales, il est fait mention de l’« arbre de la rosée douce », situé sur le mont Kouen-lun, qui est souvent pris comme un équivalent du Mêru et des autres « montagnes sacrées » (la « montagne polaire », qui est, comme l’arbre, un symbole de l’« Axe du Monde », ainsi que nous venons de le rappeler). – Suivant la même tradition des « Fidèles d’Amour » (voir Luigi Valli, Il Linguaggio segreto di Dante et dei « Fedeli d’Amore »), cette source est aussi la « fontaine d’enseignement », ce qui se rapporte à la conservation de la Tradition primordiale au centre spirituel du monde; nous retrouvons donc ici, entre l’« état primordial » et la « Tradition primordiale », le lien que nous avons signalé ailleurs au sujet du symbolisme du « Saint Graal », envisagé sous le double aspect de la coupe et du livre (Le Roi du Monde). Rappelons encore la représentation, dans le symbolisme chrétien, de l’agneau sur le livre scellé de sept sceaux, sur la montagne d’où descendent les quatre fleuves; nous verrons plus loin le rapport qui existe entre le symbole de l’« Arbre de Vie » et celui du « Livre de Vie ». – Un autre symbolisme pouvant donner lieu à des rapprochements intéressants se trouve chez certains peuples de l’Amérique centrale, qui, « à l’intersection de deux diamètres rectangulaires tracés dans un cercle, placent le cactus sacré, peyotl ou hicouri, symbolisant la « coupe d’immortalité », et qui est ainsi censé se trouver au centre d’un sphère creuse et au centre du monde.

(fragment du livre Symbolisme de la Croix, Vega)


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