30 janvier 2007

Jean Moncelon, Théodore Monod – Ou le désert en vérité, (note de lectura)

Conférence prononcée à Toulouse, le 15 février 2001, décédé le 22 novembre 2000.
Paru dans Cahiers d’Orient et d’Occident, 2006.

Théodore Monod a dit: « Pour moi, la mort représente un départ sans peur, un appareillage comme disent les marins et le dernier de la vie n’est peut-être qu’une arrivée, une jubilation. »
Théodore Monod est né à Rouen, le 9 avril 1902, dans une famille de tradition protestante. A 18 ans il témoignait d’être pour la simplicité austère.
A Paris, la famille Monod habitait rue Cardinal-Lemoine.
Après le baccalauréat, Théodore Monod prépare une licence de Sciences naturelles.
Une mission, de décembre 1922 à novembre 1923, le conduit en Mauritanie, à Saint-Etienne. Ayant choisi de rentrer en France par Sénégal, il fait l’expérience du désert.
En 1925 découvre l’Afrique noire à Dakar.
Confronté à la colonisation, il écrit: « Je crois que la civilisation est le gros obstacle au christianisme, et en particulier que le machinisme et le développement industriel en sont la négation. »
Il nomme André Gide HQNCPAP, « l’homme qui ne croyait plus au péché ».
En 1926, Théodore se consacre à sa thése à propos de minuscules crustacés qu’on rencontre dans la vase des estuaires: les Gnathiides.
Au mois de mars 1928 il célèbre ses fiançailles avec Olga Pickova, une jeune juive d’origine tchèque.
Le service militaire, comme saharien de 2e classe dans la compagnie saharienne du Tidikelt-Hoggar. Il devient un véritable méhariste.
De retour en France, démobilisé, il marie Olga. Elle sera sa compagnie pour presque cinquante ans. Ils auront trois enfants, Béatrice, en 1931, Cyrille, en 1933, et Ambroise, en 1938.

Chinguetti
A l’origine de ce qui deviendra la quête spirituelle de Théodore Monod se trouve le rapport d’un officier français, signalant une énorme météorite dans l’Adrar mauritanien. Les recherches ont commencé en 1924. Dix ans plus tard, Monod lance une nouvelle expédition. En 1987 il organisera une nou autre expédition, toujours sans résultat.

Tanezrouft
Tanezrouft est une région désertique, totalement inhabitée, du Sud Algérien, vers la frontière du Mali. Monod se lance à son assaut.

Le dernier des naturalistes
On a dit de Massignon qu’il était le dernier des orientalistes. De la même manière, on a dit de Théodore Monod qu’il était le dernier des naturalistes.
En 1999, au forum méhariste de Saint Poncy, il a dit: « Ma devise, c’est un continent par existence. J’ai passé cette vie en Afrique où je me suis laissé tenté par beaucoup de choses. Au départ, j’étais zoologiste, mais en suivant les dunes, j’ai fini par récolter de tout: des fossiles, des plantes. Cela m’a conduit à devenir un peu botaniste, géologue, ethnologue, archéologue. »
Publiée en 1995, sa bibliographie scientifique contient 104 pages.

Le voyageur
L’image d’un Théodore Monod, marcheur dans le désert, est très répandue. Il est l’homme de quelques exploits en matière de « navigation hauturière »: l’exploration de Majâbat al-Koubrâ, vaste zone désertique entre Chinguetti et Tombouctou; un périple de 900 kilomètres sans point d’eau de Ouadane dans l’Adrar (Mauritanie) à Araouan (Mali) et retour – 1800 kilomètres en sept semaines.

L’IFAN (1938-1965)
Lorsque Théodore Monod arrive à Dakar, le 14 juillet 1938, l’Institut Français de l’Afrique Noire n’existe que sur le papier. Il l’organisera.
Dans le contexte de la France vaincue dans la guerre, il refuse de prêter serment au régime de Vichy. De octobre ’40 à octobre ’41 il anime des émissions qui témoigne de la liberté d’expression à Radio Dakar.
IFAN compte trois départements: Sciences naturelles, Sciences de l’homme et Géographie. S’ajoutent des centaines de publications scientifiques, un Bulletin, deux musées à Gorée (Sénégal).
Après l’indépendence des Etats africains, IFAN sera intégré à l’Université de Dakar et portera le nom d’Institut Fondamental d’Afrique Noire.
En 1963, Théodore Monod est élu à l’Académie des Sciences. Sa place à la tête de l’IFAN sera prise par Vincent Monteil, directeur du Département de l’Islam depuis 1959.
Il a dit: « L’Occident, c’est l’individualisme. L’Afrique, c’est le groupe. Ces deux systèmes ne sont pas compatibles. L’un est hélas en train de détruire l’autre. »

Profondeurs marines
Théodore Monod a participé à la première plongée du bathyscaphe du professeur Auguste Picard, le FNRS-2.

Une amitié: Louis Massignon
Il a dit à propos de Massignon: « Je me découvrais dans une convergence sans cesse croissante, non certes avec le savant (je ne suis moi-même qu’un modeste zoologiste) mais avec l’infatigable défenseur de la justice et de la miséricorde. »
Un premier échange de correspondance en 1938 inaugurera une amitié de quelque 25 ans.
Monod a eu une réelle admiration pour Massignon: « [Il] aura été l’héroïque champion des causes justes et impopulaires – vous excuserez le pléonasme -, l’ami de toutes les victimes de la violence, de tous les meurtris, de tous les spoliés. »

Amadou Hampâté Bâ
Il lui a dit: « Tu as bien assez étudié le français, il est temps pour toi de devenir un vrai Peul. »
Au moment de leur connaissance, en 1938, Amadou Hampâté Bâ était un fonctionnaire exilé à Ouagadougou. Monod fit sa connaissance par le truchement d’un manuscrit qu’il voulait lui soumettre.
Théodore Monod est ainsi entré dans l’intimité de Tierno Bokar, le sage de Bandiagara: « C’est une grande joie pour le chercheur sincère et sans doute un des rares motifs qui lui reste de ne pas désespérer entièrement de l’être humain, que de retrouver sans cesse, dans tous les temps, dans tous les pays, chez tous les races, dans toutes les religions, la preuve de cette affirmation de l’Ecriture: « L’Esprit souffle où il veut. »
Ce qui a boulversé Théodore Monod est ce Tierno Bokar, qui avait vécu dans une province reculée du Mali tenait des propos identiques à ceux des auteurs chrétiens d’Europe.
La personnalité d’Amadou Hampâté Bâ le rapproche de celles de Louis Massignon et de Théodore Monod. Il disait de lui-même: « Je suis à la fois religieux, poète peul, traditionaliste, initié aux sciences secrètes peule et bambara, historien, linguiste, ethnologue, sociologue, théologie, mystique musulman, arithmologue et arithmosophe. »

Albert Schweitzer
Théodore Monod mentionne dans ses dialogues un nombre de personnalités du XXe siècle qui ont marqué ses années d’apprentissage, dont Gandhi et Teilhard de Chardin, mais surtout Albert Schweitzer.

A propos de celui-ci, Monod dit: « Reconnaissons-lui le mérite d’avoir inventé le concept genial d’hôpital dans lequel le malade vit entouré de sa famille. » C’est vrai que Schweitzer a parlé de « reverence devant la vie ».

Un certain 30 avril 1960
Ce jour-là a eu lieu une protestation contre les champs d’internement des suspects nord-africains. L’initiative a appartenu à Lanza del Vasto, l’auteur du Pèlerinage aux sources, le fondateur de la Communauté des Arches. Parmi les manifestants il y avaient des prêtres, des religieux, des messieurs qui portaient la legion d’honneur, des dames d’un certain âge. Monod et Louis Massignon ont été arrêtés.
Théodore Monod était non-violent, pacifiste et anti-militariste.

Le manifeste des 121
Le 6 septembre 1960, des écrivains, des universitaires et des artistes rendent publique une Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie, plus connue sous le nom de « Manifeste des 121 ». Monod est parmi les signataires. I a souffert quelques mesures disciplinaires.

Jeûner
Théodore Monod était végétarien et ne buvait jamais d’alcool. Il jeûnait chaque vendredi, le jeûne total, sans nourriture et sans eau. Il nommait le jeûne « une petite victoire, un petit signe que l’esprit est encore le patron à l’intérieur de l’organisme ».

Taverny
Chaque année, en plein été, une poignée de manifestants auquel s’ajoutait Monod se rassemblait devant l’unité militaire où se trouve le commandement des forces stratégiques françaises. Pour lui c’était une occasion de faire un jeûne de 4 jours en mémoire du 6 août 1945, anniversaire de l’explosion de la bombe atomique de Hiroshima. Par rapport à ce geste, il a dit: « Je prétends toujours que le peu qu’on peut faire, il faut le faire, pour l’honneur, mais sans illusion. »

Son blason
Il avait conçu lui-même son blason: « au centre, le signe des non-violents, surmonté d’une croix, signe du christianisme, aux quatre coins des symboles religieux, en haut à gauche, le bouclier de David avec en son centre le Nom divin, en haut à droite, inséré dans son cercle le nom divin: ‘Allâh, en bas à droite, une fleur de lotus qui symbolise les religions de l’Inde, et enfin en bas à gauche, les signes du Yin et du Yang, pour les religions de la Chine. Ces signes sont encadrés de citations latines: « Le soleil luit pour tout le monde », « De nombreuses fleurs, une seule racine », ainsi qu’un extrait de l’Apocalypse de Jean, en latin aussi: « Il y avait un arbre de vie, dont les feuilles servaient à la guérison des nations ».

La communauté des Veilleurs
Monod avait l’habitude de réciter chaque jour les Béatitudes, vers le milieu de la journée.
La communauté des Veilleurs, qui existe toujours, a été la création de Wilfred Monod, le père de Théodore, est est fondamentalement une association chrétienne qui se propose de mettre en accord la conduite des membres avec les Béatitudes. Elle est donc centrée sur l’obéissance volontaire à l’enseignement du Sermon sur la montagne.

La lumière des animaux
En 1948 paraissait à Dakar un mystérieux opuscule édité par la Société Protrectrice des Animaux. Il laisse à penser que l’auteur est un musulman (la formule d’introduction est bismillah) mais le texte contient des citations de Saint Paul et d’Isaïe.
Beaucoup pensent que l’auteur est en fait Théodore Monod.
Le message est celui de la compassion à l’égard des animaux.

Le désert
« Le désert en tant que tel est très émouvant. On ne peut rester insensible à la beauté du désert. Le désert est beau parce qu’il est propre et ne ment jamais. Sa netteté est extraordinaire. On est jamais sale dans le désert. »

Aucun commentaire: