22 janvier 2006

Raymond Abellio, Guénon, oui. Mais…





Paru dans Planète, no 15, avril 1970.

L’œuvre de Guénon est une œuvre polémique, tout au moins en ce qui concerne sa position sur l’Occident et les jugements qu’il porte sur les doctrines et philosophies de son temps.

« Lorsque Guénon est apparu au début de ce siècle, les doctrine ésotériques constituaient un véritable fatras de notions confuses et mal définies. Il a effectué un travail d’épuration considérable, il a défini des notions et fixé un vocabulaire, et surtout il a étudié la convergence des différentes traditions et dégagé les concepts primordiaux. » (p. 109)

« Guénon, lui, n’écrit pas des essais. Il expose la Tradition, il la veut et la voit toute donnée. Il ne la re-crée pas du dedans. Il la dégage comme on fait d’un trésor enfoui qu’on débarrasse de sa gangue de terre mais qui apparait alors tout constitué et intact. » (p. 110-111)

« On peut admettre que l’Occident actuel est le lieu de la plus grande opacité, mais aussi, par la loi des polarités, pour notre âge, celui de la conscience la plus qualifiée. Les guénoniens qui accablent l’Occident se réfèrent à un Orient traditionaliste idéal, tout à fait théorique et intemporel, alors que l’Orient réel, nullement protégé par sa Tradition, est engagé dans un processus d’entropisation qui n’a rien à envier à celui de l’Occident. » (p. 112)

« Je ne méconnais pas l’importance des rites et des institutions, mais c’est sous-estimer, me semble-t-il, le pouvoir de l’invisible que de ne pas reconnaître la possibilité d’un autre mode de consécration. En d’autres termes, je crois à une tradition re-virginisée par l’effort « autonome » de l’esprit occidental, tout en prenant soin de mettre le mot « autonome » entre guillemets puisque tout participe de l’interdépendance universelle. Mais c’est peut-être le propre de l’esprit occidental de s’affirmer d’abord comme autonome pour mieux prendre ensuite conscience, dans la crise diluvienne de l’Occident, des conditions mêmes de sa dépendance et de sa soudaine ordination. » (p. 112-113)

Aucun commentaire: