Paru dans Cahiers d’Orient et d’Occident, 2005.
« La tradition n’est pas un cortège funèbre, mais pour ne pas en prendre l’apparence, il faut qu’elle soit perpetuelle renaissance; aussi bien n’est-il point d’initiation à la philosophie traditionnelle qui n’implique pas une nouvelle naissance spirituelle, et c’est sans doute ce qu’éprouvent les jeunes Iraniens qui de nos jours s’intéressent à cette renaissance. » (Henry Corbin, En Islam iranien, Gallimard, 1972, tome IV, p. 56, note 77)
Henry Corbin a été l’homme de plusieurs patries: la France, l’Allemagne et l’Iran. La dernière est le pays de sa « nouvelle naissance spirituelle ». Mais Henry Corbin avait comme patrie réelle, comme tout « exilé » sur cette terre, le Monde de l’Ange, le mundus imaginalis.
De l’Islam iranien à Eranos
Dans la géographie physique de sa Quête il faut noter une commune du Tessin, en Suisse: Ascona. Dans une villa nommée Casa Eranos, de 1949 à 1978, Henry Corbin a noué des liaisons fraternels avec d’autres chercheurs qui étaient préoccupés de spiritualité. On peut citer: Carl Gustav Jung, Adolf Portmann, Gershom Scholem, Ernst Benz. A ces noms il faut ajouter: Gilbert Durand, Martin Buber, Mircea Eliade, Louis Massignon, Henri-Charles Puech et Denis de Rougemont. Plus de 180 de conférenciers se sont succédés à Eranos, mais très peu ont été le vrai support du « concept Eranos ».
Selon Henry Corbin, le temps d’Eranos était le temps de la Quête, le temps chevaleresque. L’aventure spirituelle d’Eranos était née en 1933, sous l’inspiration de Rudolf Otto, lorsque Olga Froebe-Kapteyn créa la fondation Eranos, conçue comme une série de Conférences pour « l’étude des images et des forces archétypales dans leur rapport avec l’individu ».
Après la mort d’Adolf Portmann, en 1972, la direction d’Eranos échoit à Rudolf Ritsema, spécialiste en Yi King.
Eranos continue toujours d’exister, mais la Fondation est devenue une « Association des Amis d’Eranos ». Les conférences ont quitté la « Casa Eranos », les orateurs n’ont plus à disposition ni le fameux cèdre, ni la table ronde, symboles de la chevalerie spirituelle.
D’Orient et d’Occident
En Iran, Henry Corbin a fait aussi l’expérience d’un cercle d’études, dont la figure centrale était le shaykh Muhammad Hoseyn Tabataba’î, professeur de philosophie traditionnelle à l’Université théologique de Qomm. De cette expérience, Henry Corbin a retiré une certitude: celle que les gnostiques ne sont ni d’Orient ni d’Occident, mais de la même famille.
Henry Corbin a eu l’intuition qu’il est venu le temps pour les ésotérismes de chacune des Religions monothéistes de mettre en commun leurs richesses respectives, en s’interpénétrant: « Ce rapport entre leur ésotérisme constitue leur présence commune et simultanée en la Jérusalem mystique. C’est l’aspect sous lequel tous les ésotéristes abrahamiques sont des Horafâ’, et c’est un aspect tout autre quel l’aspect exotérique, canonique, qui est le seul qui peuvent envisager les bureaux des relations oficielles, voire politiques. Le malheur est que ces ésotéristes des trois rameaux ne se sont jamais retrouvés ensemble pour méditer sur leur parenté. Ils n’ont jamais eu de foyer commun, quel que fût leur petit nombre. » (Henry Corbin, La philosophie iranienne islamique aux XVIIe et XVIIIe siècles, Buchet/Chastel, 1981, p. 330)
L’Université Saint Jean de Jérusalem
Henry Corbin a initié en 1974 l’Université Saint Jean de Jérusalem, dans une tentative de ressembler des chercheurs spirituels appartenant aux trois traditions abrahamiques en une communauté.
Malheuresement, cette initiative n’a survécu que peu de temps à la mort du fondateur.
« Henry Corbin fut essentiellement un philosophe mystique et le héraut d’une chevalerie spirituelle mêlant les ésotéristes des trois religions du Livre. »
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