Gallimard, 1970.
C’est un recueil d’articles, assemblé par Roger Maridort – celui qui signe aussi la préface. Il aurait pu être entitulé Fragments d’une histoire inconnue. Peut-être même Guénon aurait difficilement fait un livre pour présenter ce sujet d’une manière continue et sans lacunes.
I.
Quelques remarques sur la doctrine des cycles cosmiques
Article publié en anglais dans le Journal of the Indian Society of Oriental Art, juin-décembre 1937, dédié à A.K. Coomaraswamy.
Quant à la difficulté d’exposer cette doctrine: „A la vérité, il nous semble que c’est là une tâche à peu près impossible, non seulement parce que la estion est fort complexe en elle-même, mais surtout à cause de l’extrême difficulté qu’il y a à exprimer ces choses en une langue européenne et de façon à les rendre intelligibles à la mentalité occidentale actuelle, qui n’a nullement l’habitude de ce genre de considérations.” (p. 13)
Le cycle est le processus de développement d’un état quelconque de manifestation. Dans un grand cycle il y a des cycles mineurs. Il existe en vertu de la loi de correspondance des analogies entre le grand cycle et ses parties les plus restreintes.
Le Kalpa est le développement total d’un monde, d’un état ou degré de l’Existence universelle.
Les Manvantaras sont les sous-divisions des Kalpas.
„[…] l’idée de considérer l’histoire humaine comme isolée en quelque sorte de tout le reste est exclusivement moderne et nettement opposée à ce qu’enseignent toutes les traditions, qui affirment au contraire, unanimement une corrélation nécessaire et constante entre les deux ordres cormique et humain.” (p. 15)
Une Manvantare est une ère de Manu. Chaque Kalpa en comprend 14. Nous vivons dans le septième Manvantara de ce Kalpa.
Les deux mots Manu et Loka sont employés l’un et l’autre comme désignations symboliques du nombre 14.
Dans le symbolisme traditionnel il n’y a pas de «coïncidence».
Chaque Dwîpa (ou „région”) se manifeste deux fois dans chaque Manvantara. La façon d’evisager les sept Dwîpas se trouve confirmée par l’ésotérisme islamique et la Kabbale hébraïque, qui parlent de „sept terres”, tout en étant figurées extérieurement par autant de divisions de la terre de Chanaan. Dans l’ésotérisme islamique, les „sept terres” apparaissent comme autant de tabaqât, ou catégories de l’existence terrestre, qui coexistent et s’interpénètrent en quelque sorte, mais dont une seule peut être actuellement atteinte par le sens, tandis que les autres sont à l’état latent et ne peuvent être perçues qu’exceptionnellement et dans certaines conditions spéciales.
Chacune des „sept terres” est régie par uin Qutb ou „Pôle”, qui correspond au Manu de la période pendant laquelle sa terre est manifestée. Ces sept Aqtâb sont subordonnés au „Pôle” suprême, tout comme les différents Manus le sont à l’Adi-Manu, ou Manu primordial.
La montagne Mêru de la tradition hindoue, à symbolisme „polaire”, correspond à la montagne de Qâf de la tradition islamique.
Chaque Manvantara est partagée en quatre Yugas. Il existe aussi d’autres cycles quaternaires: quatre saisons de l’année, quatre semaines du mois lunaire, quatre âges de la vie humaine.
Dans l’antiquité gréco-latine on parlait de quatre âges: d’or, d’argent, d’airain et de fer.
Chaque époque est marquée par une dégénérescence par rapport à celle qui l’a précédée. „[…] tout développement cyclique, c’est-à-dire en somme, tout processus de manifestation, impliquant nécessairement un éloignement graduel du principe, constitue véritablement en effet, une «descente», ce qui est d’ailleurs aussi le sens réel de la «chute» dans la tradition judéo-chrétienne.” (p. 20)
Chaque Yuga est plus court que le précédent, ce qui influence aussi la longueur de la vie humaine. Si la durée totale du Manvantara est représentée par 10, celle du Krita-Yuga ou Satya-Yuga le sera par 4, celle du Trêtâ-Yuga par 3, celle du Dwâpara-Yuga par 2, et celle du Kali-Yuga par 1.
La division du Manvantara: 10 = 4 + 3 + 2 + 1. Le langage de l’hermétisme occidental appele cela le problème inverse de la „quadrature du cercle”, qui exprime précisément le rapport de la fin du cycle à son commencement, l’intégration de son développement total.
La Tétraktys pythagoricienne: 1 + 2 + 3 + 4 = 10. Le langage de l’hermétisme occidental appelle cela la „circulature du quadrant”.
„[…] si la durée réelle du Manvantara était déterminé avec exactitude, chacun pourrait sans difficulté en tirer des déductions permettant de prévoir certains événements futurs; or, aucune tradition orthodoxe n’a jamais encouragé les recherches au moyen desquelles l’homme peut arriver à connaître l’avenir dans une mesure plus ou moins étendue, cette connaissance présentant pratiquement beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages véritables. C’est pourquoi le point de départ et la durée du Manvantara ont toujours été dissimulés plus ou moins soigneusement, soit en ajoutant ou en retranchant un nombre déterminé d’années aux dates réelles, soit en multipliant ou divisant les durées des périodes cycliquesn de façon à conserver seulement leurs proportions exactes; et ajouterons que certaines correspondances ont parfois aussi été interverties pour des motifs similaires.” (p. 21)
La durée de Manvantara est 4320. Celles des quatre Yugas seront:
ð 1728;
ð 1296;
ð 864;
ð 432. Mais on ne sait pas exactment ce que les chiffres représentent.
4320 = 360 x 12
La base principale des périodes cosmiques est la durée de 25920 ans, la période astronomique de la précession des équinoxes. Le déplacement des points équinoxiaux est d’un degré en 72 ans. „Ce nombre 72 est précisément un sous-multiple de 4320 = 72 x 60, et 4320 est à son tour un sous-multiple de 25920 = 4320 x 6; le fait qu’on retrouve pour la précession des équinoxes les nombres liés à la division du cercle est d’ailleurs encore une preuve du caractère véritablement naturel de cette dernière; mais la question qui se pose est maintenant celle-ci: quel multiple ou sous-multiple de la période astronomique dont il s’agit correpond réellement à la durée du Manvantara?” (p. 22)
La période qui apparaît le plus fréquemment dans toutes les traditions est la moitié de celle de la précession des équinoxes: de 12000 à 13000 ans (la durée exacte étant de 12960 ans).
Chez les Chaldéens, la durée du règne de Xisuthros, qui est identique à Vaivaswata, le Manu de l’ère actuelle, est de 64800 ans, soit exactement cinq „grandes années”.
Le nombre 5 est celui des bhûtas, ou éléments du monde sensible.
„D’autre part, les cinq «grandes années» seront naturellement réparties de façon inégale, mais suivant des rapports simples, dans les quatre Yugas: le Krita-Yuga en contiendra 2, le Trêtâ-Yuga 1 et ½, le Dwâpara-Yuga 1, et le Kali-Yuga ½; ces nombres sont d’ailleurs, bien entendu la moitié de ceux que nous avions précédemment en représentant par 10 la durée du Manvantara. Evaluées en années ordinaires, ces mêmes durées des quatre Yugas seront respectivement de 25920, 19440, 12960 et 6480 ans, formant le total de 64800 ans; et l’on reconnaîtra que ces chiffres se tiennent au moins dans des limites parfaitement vraisemblables, pouvant fort bien correspondre à l’ancienneté réelle de la présente humanité terrestre.” (p. 24)
Nous savons précisément que nous somme dans le Kali-Yuga, encore dans une phase assez avancée. Certaines descriptions très frappantes existent dans Purânas.
Compte rendu. Mircea Eliade: Le mythe de l’éternel retour. Archétypes et répétition. (Gallimard, Paris)
Le titre fait penser à plusieurs confusions modernes:
í celle de l’éternité avec la durée indéfinie;
í celle d’une répétition impossible, et nettement contraire à la véritable notion traditionnelle des cycles, suivant laquelle il y a seulement correspondance et non pas identité;
Ce que M. Eliade entend par „répétition” n’est pas autre chose que la reproduction ou plutôt l’imitation rituelle de «ce qui fut fait au commencement».
Eliade parle d’«archétypes des activités profanes», alors que précidément, tant qu’une civilisation garde un caractère intégralement traditionnel, il n’y a pas d’activités profanes.
„Ce qui est regrettable, c’est que, pour tout cela, on s’estime obligé de parler de «croyances», alors qu’il s’agit de l’application de connaissances très réelles, et de sciences traditionnelles qui ont une tout autre valeur que les sciences profanes; et pourquoi faut-il aussi, par une autre concession aux préjugés modernes, s’excuser da’voir «évité toute interorétation sociologique ou ethnographique», alors que nous ne saurions au contraire trop louer l’auteur de cette abstention, surtout quand nous nous rappelons à quel point d’autres travaux sont gâtés par de semblables interprétations?” (p. 27)
Les considérations finales, sur la «terreur de l’histoire», semblent trop inspirées par des préoccupations d’«actualité».
Gaston Georgel: Les Rythmes dans l’Histoire (Chez l’auteur, Belfort)
Un essai d’application des cycles cosmiques à l’histoire des peuples, aux phases de croissance et de décadence des civilisations.
Les données traditionnelles sont insufisantes, certaines même douteuses. La terminologie trahit des méprises et des confusions.
Des chiffres fantaisistes sont indiquées pour la chronologie des anciennes civilisations.
„[…] nous ne pensons pas qu’il soit possible d’établir d’établir un «synchronisme» général, car, pour des peuples différents, le point de départ doit être également différent; et, de plus, les civilisations diverses ne se succèdent pas simplement, elles coexistent aussi, comme on peut le constater encore actuellement.” (p. 29)
Aucune tradition n’a encouragé les calculs concernant le point de départ et la durée des cycles, et c’est pour y faire obstacle dans la mesure du possible que certains côtés de la doctrine des cycles ont toujours été enveloppés d’obscurité.
Gaston Georgel: Les Rythmes dans l’Histoire (Editions „Servir”, Besançon)
L’ouvrage a été modifié et approfondi selon les indications de Guénon.
Le livre, ainsi amélioré, est fort digne d’intérêt.
II.
Atlantide et Hyperborée
Il existe des scientifiques (Paul Le Cour, Herman Writh) qui parlent, à tort, d’une Atlantide hyperboréenne.
Selon certaines données traditionnelles, l’inclinaison du globe terrestre fait partie de la „chute” de l’homme. A l’origine elle n’aurait pas existé.
L’origine des traditions est polaire, donc ni occidentale ni orientale.
Excellent ouvrage sur l’origine polaire de la tradition, dans la lumière védique: B. G. Tilak, The Arctic Home in the Veda. „La terre où le soleil faisait le tour de l’horizon sans se coucher devait être en effet située bien près du pôle, sinon au pôle même; il est dit aussi que, plus tard, les représentants de la tradition se transportèrent en une région où le jour le plus long était double du jour le plus court, mais ceci se rapporte déjà à une phase ultérieure, qui, géographiquement, n’a évidemment plus rien à voir avec l’Hyperborée.” (p. 37)
Les Druides étaient les possesseurs d’une tradition dont une part notable était incontestablement de provenance hyperboréenne.
Le terme „Hyperborée” est consacré par les Grecs classiques. „En effet, il suffirait en réalité de dire «Borée», mot strictement équivalent au sanscrit Varâha, ou plutôt, quand il s’agit d’une terre, à son dérivé féminin Vârâhî: c’est la «terre du sanglier», qui devint aussi la «terre de l’ours» à une certaine époque, pendant la période de prédominance des Kshatriyas à laquelle mit fin Parashu-Râma.” (p. 40)
Place de la tradition atlantéenne dans le Manvantara
La Tradition primordiale, d’origine polaire au sens littéral du mot, a le point de départ dans celui du présent Manvantara. La tradition dérivée et secondaire fut la tradition atlantéenne.
La Tula atlanté, nom conservé dans l’Amérique centrale par les Toltèques, a été le siège d’un pouvoir spirituel qui était comme une émanation de celui de la Tula hyperboréenne. Comme le nom de Tula désigne la Balance, sa double application est en rapport étroit avec le transfert de cette même désignation de la constellation polaire de la Grande Ourse au signe zodiacal qui porte le nom de la Balance.
A la tradition atlantéenne il faut rapporter le transfert du sapta-riksha (la demeure symbolique des sept Rishis), à une certaine époque, de la même Grande Ourse aux Pléiades, constellation également formée de sept étoiles, mais de situation zodiacale; ce qui ne laisse aucun doute à cet égard, c’est que les Pléiades étaient dites filles d’Atlas et, comme telles, appelées aussi Atlantides.
L’Hyperborée correspond au Nord, et l’Atlantide à l’Occident.
„Le point de départ que l’on peut appeler normal, comme étant directement en conformité avec la Tradition primordiale, est le solstice d’hiver; le fait de commencer l’année à l’un des équinoxes indique le rattachement à une tradition secondaire, telle que la tradition atlantéenne.” (p. 48)
La tradition atlantéenne appartient à la seconde moitié du présent Manvantara.
„Nous pensons que la durée de la civilisation atlantéenne dut être égale à une «grande année» entendue au sens de la demi-période de précession des équinoxes; quant au cataclysme qui y mit fin, certaines données concordantes semblent indiquer qu’il eut lieu sept mille deux cent ans avant l’année 720 du Kali-Yuga, année qui est elle-même le point de départ d’une ère connue, mais dont ceux qui l’emploient encore actuellement ne semblent plus savoir l’origine ni la signification.” (p. 48)
L’héritage atlantéen peut être trouvé dans la tradition hébraïque, qui conçoit le monde comme créé à l’équinoxe d’automne (le premier jour du mois de Thishri), et peut-être est-ce là aussi la raison la plus immédiate de l’énonciation du soir (ereb) avant le matin (boqer) dans le récit des jours de la Genèse. Chez les Arabes également, l’usage est de compter les heures du jour à partir du maghreb, le coucher du soleil.
La signification du nom d’Adam est „rouge”, la tradition atlantéenne étant précisément celle de la race rouge.
Il semble que le déluge biblique correspond au cataclysme où disparut Atlantide. Il ne doit pas être mis en correspondance avec Satyavrata, déluge issu directement de la Tradition primordiale, qui a précédé le début de notre Manvantara.
„[…] il semble bien que le cycle atlantéen ait été pris comme base dans la tradition hébraïque, que la transmission se soit faite d’ailleurs par l’intermédiaire des Egyptiens, ce qui tout au moins n’a rien d’invraisemblable, ou par tout autre moyen.” (p. 50)
„[…] il semble particulièrement difficile de déterminer comment se fit la jonction du courant venu de l’Occident, après la disparition de l’Atlantide, avec un autre courant descendu du Nord et procédant directement de la Tradition primordiale, jonction dont devait résulter la constitution des différentes formes traditionnelles propres à la dernière partie du Manvantara.” (p. 50)
Il nous manque les informations précieuses quant aux traditions céltique, chaldéenne et égyptienne. Les reconstructions archéologiques ne peuvent pas remplacer les données offertes par des traditions vivantes, les seules qui comptent.
„On ne saurait être trop prudent quand il s’agit de civilisations entièrement disparues, et ce ne sont certes pas les tentatives de reconstitution auxquelles se livrent les archéologues profanes qui sont susceptibles d’éclaircir la question; mais il n’est pas moins vrai que beaucoup de vestiges d’un passé oublié sortent de terre à notre époque, et ce ne peut être sans raison. Sans risquer la moindre prédiction sur ce qui pourra résulter de ces découvertes, dont ceux qui les font sont généralement incapables de soupçonner la portée possible, il faut certainement voir là un «signe des temps»: tout ne doit-il pas se retrouver à la fin du Manvantara, pour servir de point de départ à l’élaboration du cycle futur?” (p. 50-51)
III.
Quelques remarques sur le nom d’Adam
La signification littérale du nom d’Adam est «rouge».
Selon une autre interprétation, Adam signifiérait „tiré de la terre” (adamah), mais on peut se poser le problème s’il ne vient pas de „dam” (sang). Mais l’opposition n’est que purement extérieure, étant donné que tous ces mots n’ont en réalité qu’une seule et même racine verbale: adam, qui signifie „être rouge”. La terre en général est erets. L’élément terre est iabashah. Adam est l’argile rouge – c’est pourquoi le travail du potier a été souvent pris pour symbole de la production des êtres manifestés à partir de la substance primordiale indifférenciée.
Dans le symbolisme hermétique la terre rouge a une importance spéciale, celle d’une figure de la „matière première”.
Si l’on rapporte ce nom d’Adam à la tradition de la race rouge, celle-ci est en correspondance avec la terre parmi les éléments, comme avec l’Occident parmi les points cardinaux.
Le mot dam est dérivé d’adam. Le sang est le support de la vitalité animale proprement dite.
La couleur rouge est, dans le symbolisme hermétique, celle du règne animal, tout comme la couleur verte est celle du règne végétal, et la couleur blanche celle du règne minéral.
„[…] c’est la race noire qui est en correspondance avec l’élément feu, comme elle l’est avec le Sud parmi les points cardinaux.” (p. 57)
Parmi les dérivés de la racine adam il existe aussi le mot edom, qui signifie „roux”. Edom est un surnom d’Esaü, d’où le nom d’Edomites, donné à ses descendants, et celui d’Idumée au pays qu’ils habitaient. „Ceci nous rappelle les «sept rois d’Edom» dont il est question dans le Zohar, et l’étroite ressemblance d’Edom avec Adam peut être une des raisons pour lesquelles ce nom est pris ici pour désigner les humanités disparues, c’est-à-dire celles des précédents Manvantaras.” (p. 58)
Hadith: „Avant l’Adam que nous connaissons, Dieu créa cent mille Adam.” – une affirmation aussi nette que possible de la multiplicité des périodes cycliques et des humanités correspondantes.
Le sang constitue un des liens de l’organisme corporel avec l’état subtil de l’être vivant, lequel est proprement l’âme (nephesh haiah de la Genèse).
„[…] comme le feu est, quant à ses qualités propres, polarisé en lumière et chaleur, l’état subtil est lié à l’état corporel de deux façons différentes et complémentaires, par le sang quant à la qualité calorique, et par le système nerveux quant à la qualité lumineuse.” (p. 59)
Quant au feu, la lumière représente l’aspect supérieur, et la chaleur l’aspect inférieur.
„Par suite, on peut dire que le sang est en rapport direct avec le côté inférieur de l’état subtil; et de là vient l’interdiction du sang comme nourriture, son absorption entraînant celle de ce qu’il y a de plus grossier dans la vitalité animale, et qui, s’assimilant et se mêlant intimement aux éléments psychiques de l’homme, peut effectivement amener de fort graves conséquences. De là aussi l’emploi fréquent du sang dans les pratiques de magie, voire de sorcellerie (comme attirant les entités «infernales» par conformité de nature); mais, d’autre part, ceci est aussi susceptible, dans certaines conditions, d’une transposition dans un ordre supérieur, d’où les rites, soit religieux, soit même initiatique (comme le «taurobole» mithriaque), impliquant des sacrifices animaux […].” (p. 60)
Qabbalah
Qabbalah en hébreu signifie „tradition”. Il désigne la tradition ésotérique et initiatique. Le Talmud ne se rattache pas à la Kaballe, il représente la tradition purement éxotérique, religieuse et légale.
L’hébreu et l’arabe, qui ont la plupart de leurs racines communes, peuvent très souvent s’eclairer l’une par l’autre.
La racine QBL signifie essentiellement le rapport de deux choses qui sont placées l’une en face de l’autre – d’où certaines connotations comme celle de rencontre ou celle d’opposition. De ce rapport résulte l’idée d’un passage de l’un à l’autre, d’où des idées comme celles de recevoir, d’accueillir, d’accepter, exprimées dans les deux langues par le verbe qabal.
Qabbalah est „ce qui est reçu” (ou transmis, en latin traditum).
La préposition qabal en hébreu et qabl en arabe signifie „devant” (en face, dans l’espace) et „avant” (dans le temps).
Mustaqbal (ar.) – ce au-devant de quoi l’on va.
Istaqbal (ar.) – aller au devant.
La racine QDM, commune à l’hébreu et à l’arabe, signifie l’idée de „précéder” (qadam), d’où tout ce qui se réfère à une autorité temporelle ou à une priorité d’ordre quelconque.
Les mots qedem (hébr.) et qidm ou qidam (ar.) signifient les sens d’origine et d’antiquité.
Taqaddum (ar.) signifie primauté, préséance, mais aussi marche, avance ou progression.
Qadmôn (hébr.), qadîm (ar.), signifient „ancien” dans l’usage courant, mais, lorsqu’ils sont rapportés au domaine des principes, doivent être traduits par «primordial».
El insânul-qadîm, c’est-à-dire l’«Homme primordial» est, en arabe, une des désignations de l’«Homme universel» (synonyme d’El-insânul-kâmil, qui est littéralement l’«Homme parfait» ou total); c’est exactement l’Adam Qadmôn hébraïque.
Les dérivés de la racine QDM servent aussi à désigner l’Orient, le point de départ de la marche diurne du soleil. Qedem signifie aussi „Orient”, et qadmôn „oriental”.
„Lorsqu’on se tourne vers le soleil levant comme nous venons de le dire, le Sud est désigné comme le «côté de la droite» (yamîn ou yaman; cf. le sanscrit dakshina qui a le même sens), et le Nord comme le «côté de la gauche» (shemôl en hébreu, shimâl en arabe); mais il arrive aussi que l’orientation est prise en se tournant vers le soleil au méridien, et alors le point qu’on a devant soi n’est plus l’Orient, mais le Sud: c’est ainsi que, en arabe, le côté du Sud a encore, entre autre dénominations, celle de qiblah, et l’adjectif qibli signifie „méridional”. Ces derniers termes nous ramènent à la racine QBL; et l’on sait que le même mot qiblah désigne aussi, dans l’Islam, l’orientation rituelle; c’est, dans tous les cas, la direction qu’on a devant soi; et ce qui est encore assez curieux, c’est que l’orthographe de ce mot qiblah est exactement identique à celle de l’hébreu qabbalah.” (p. 65)
Toute tradition est conditionnée par une transmission régulière et ininterrompue. Cette transmission est la „chaîne” (shelsheleth en hébreu, silsilah en arabe).
Kabbale et science des nombres
„Nous avons souvent insisté sur le fait que les «sciences sacrées» appartenant à une forme traditionnelle donnée en font réellement partie intégrante, tout au moins à titre d’éléments secondaires et subordonés, bien loin de ne représenter que des sortes d’adjonctions adventices qui s’y seraient rattachées plus ou moins artificiellement.” (p. 67)
Il existe de nous jours une tendance à ne pas tenir compte des sciences sacrées, parce qu’elles ne sont pas réductibles au niveau de „philosophies” ou de „mysticismes” – les seuls qui conviennent aux modernes.
Parfois, certaines sciences traditionnelles jouent un rôle plus important que l’on soupçonne – c’est le cas de la „science des nombres” de la Kabbale hébraïque, qui s’identifie en grande partie avec la „science des lettres” de l’ésotérisme islamique.
Il est de mode dans les cercles académiques de rattacher la Kaballe hébraïque au néo-platonisme grec – parce qu’il existe un principe conformément auquel tout vient des Grecs. Cette idée est entièrement fausse, d’abord parce que l’esprit judaïque n’a jamais été ouvert vers les emprunts, à cause de son „particularisme”, et ensuite parce que le néo-platonisme, en dépit de certaines idées esotériques, est une doctrine purement exotérique.
Il existe aussi une prétention formulée sur une soi-disante origine grecque de l’ésotérisme islamique; la philosophie seule, chez les Arabes, est d’origine grecque, comme l’est d’ailleurs, où qu’on le rencontre, tout ce à quoi peut s’appliquer proprement ce nom de «philosophie» (en arabe falsafah); mais ici ce n’est plus du tout de philosophie qu’il s’agit.
Evidemment, une science traditionnelle des nombres a existé chez les Grecs, elle a été la base du Pythagorisme, qui n’était pas une simple philosophie. C’est la base de la théorie cosmologique de Platon, telle qu’elle a été exposée en Timée, et aussi de sa „théorie des idées” qui n’est qu’une transposition des conceptions pythagoriciennes sur les nombres envisagés comme principes des choses.
„[…] nous sommes bien en présence de deux doctrines initiatiques qui donnent pareillement une importance capitale à la science des nombres; mais cette science se trouve présentée, de part et d’autre, sous des formes radicalement différentes.” (p. 70-71)
„[…] il est parfaitement normal qu’une même science se rencontre dans des traditions diverses, car la vérité, dans quelque domaine que ce soit, ne saurait être le monopole d’une seule forme traditionnelle à l’exclusion des autres […]” (p. 71)
„[…] des mêmes principes, on devait naturellement tirer les mêmes conséquences, quelle que soit d’ailleurs la façon spéciale dont on les aura exprimées ici ou là (sous la réserve, bien entendu, de certains modes symboliques d’expression qui, étant partout les mêmes, doivent être regardés comme remontant jusqu’à la Tradition primordiale).” (p. 72)
Là où il existe des ressemblances entre deux traditions, cela s’expplique moins par des „emprunts” que par des „affinités” dues à un certain ensemble de conditions communes et semblables (race, type de langage, mode d’existence etc.).
Il existe une théorie qui considère que la tradition de l’Egypte antique est à la base de la Kabbale et du Pythagorisme. Même si en principe cela pourrait être vrai, il est difficile de connaître des détails concernant des traditions disparues depuis des milliers d’années.
Il semble bien que le Pythagorisme a été la continuation de quelque chose qui préexistait en Grèce même: l’Orphisme.
Dans le Pythagorisme, la science des nombres apparaît liée à celle des formes géométriques. Platon aussi est entièrement pythagoricien. La mentalité hellénique est liée surtout à la considération des formes visuelles. Parmi toutes les sciences mathématiques, les Grecs avaient développé la géométrie, pendant que l’algèbre est d’origine indienne, et ne fut introduite en Occident que beaucoup plus tard, par l’intermédiaire des Arabes, qui lui donnèrent le nom qu’elle a toujours gardé (el-jabr).
Le Dieu „géomètre” de Pythagore et de Platon est Apollon.
Dans la Kabbale la science des nombres ne se présente nullement comme rattachée au symbolisme géométrique, car ce symbolisme ne pouvait convenir à des peuples nomades comme le furent essentiellement à l’origine les Hébreux et les Arabes. Il existe par contre une union étroite, identification sous bien des rapports, de la science des nombres avec celle des lettres, en raison des correspondances numériques de celles-ci.
Bien que chez les Grecs les lettres ont une valeur numérique (qui est d’ailleurs la même que dans les alphabets hébreu et arabe pour celles qui y ont leur équivalent) ce symbolisme n’a jamais fait véritablement corps avec la langue même. Au contraire, dans les langues telles que l’hébreu et l’arabe, la signification des mots est inséparable du symbolisme littéral, et il serait impossible d’en donner une interprétation complète, quant à leur sens le plus profond, sans tenir compte de la valeur numérique des lettres qui les composent. Les rapports existant entre des mots numériquement équivalents et les substitutions auxquelles ils donnent lieu parfois sont, à cet égard, un exemple particulièrement net.
„[…] si nous envisageons la science des nombres chez les Grecs et chez les Hébreux, nous la voyons revêtue de deux formes très différentes, et appuyée d’une part sur un symbolisme géométrique, de l’autre sur un symbolisme littéral.” (p. 79)
„En outre, l’hypothèse même d’une origine commune immédiate doit être également écartée, car nous voyons la tradition dont cette science fait partie intégrante remonter, d’une part, à une source «apolinienne», c’est-à-dire directement hyperboréenne, et, de l’autre, à une source «abrahamique», qui se rattache vraisemblablement surtout elle-même (comme le suggèrent d’ailleurs les noms mêmes des Hébreux et des Arabes) au courant traditionnel venu de l’«île perdue de l’Occident».” (p. 80)
«La Kabbale juive»
Compte rendu paru dans la revue Ignis, 1925, p. 116, traduit de l’italien par Gabriella Pirinoli.
Un certain ouvrage sur ce sujet élaboré par Adolphe Frank „malgré sa réputation, montrait surtout à quel point son auteur, imbu des préjugés universitaires et de plus complètement ignorant de l’hébreu, était incapable de comprendre le sujet qu’il s’était efforcé de traiter” (p. 81)
Un autre ouvrage „aussi indigeste que fantaisiste” comme celui de Papus ne vaut pas la peine d’être lu.
Le livre récensé est celle de Paul Vulliaud, La Kabbale juive: histoire et doctrine, 2 vol. in 8o de 520 et 460 p. (E. Nourry, Paris, 1923). Le contenu du livre est loin d’être sans défaut.
Le livre est placé du point de vue de la pure et simple érudition.
„[…] ce parti pris de considérer une doctrine du point de vue «profane» c’est-à-dire «de l’extérieur», nous semble exclure toute possibilité d’une compréhension profonde.” (p. 83)
Certaines critiques sont bien fondées, mais celles qui ciblent Fabre d’Olivet sont contestables. La transcription des mots hébraïques est faite avec un manque d’unifformité déplaisant.
„En effet, s’agissant de peuples comme les anciens Egyptiens et les Assyriens, qui ont disparu sans laisser de successeurs légitimes, nous n’avons évidemment aucun moyen de contrôle direct, et il est bien permis d’éprouver un certains scepticisme quant à la valeur de certaines reconstitutions fragmentaires et hypothétiques; mais au contraire pour l’Inde ou la Chine, dont les civilisations se sont continuées jusqu’à nous et demeurent toujours vivantes, il est parfaitement possible de savoir à quoi s’en tenir; ce qui importe ce n’est pas tant ce que disent les indianistes, mais ce que pensent les Hindous eux-mêmes.” (pp. 87-88)
„[…] quand donc comprendra-t-on que les dénominations qu’ont inventées les systèmes de la philosophie moderne ne sont applicables qu’à ceux-ci exclusivement?” (p. 93)
„Pour nous la Kabbale est beaucoup plus une métaphysique qu’une philosophie, et elle est bien plus initiatique que mystique […].” (p. 93)
Dans son sens le plus général, la Shekinah est la «présence réelle» de la Divinité.
Shekinah a deux aspects: un intérieur et un autre extérieur. Il existe dans la théologie chrétienne une phrase qui fait allusion à ces deux aspects: Gloria in excelsis Deo, et in terra Pax hominibus bonae voluntatis. Gloria est l’aspect intérieur et Pax est l’aspect extérieur.
Le mot arabe Sakinah (identique au mot hébreu) se traduit par „Grande Paix”, il est aussi l’équivalent exact de Pax Profunda des Rose-Croix.
L’idée centrale du Jubilée est le retour de toutes les choses à leur état primordial.
Pardes est le centre du monde, tout comme le cœur est le centre de l’être (Brahma-pura dans la doctrine hindoue).
Le Metatron est le pôle céleste, qui a son reglet dans le pôle terrestre (c’est pourquoi l’on dit que Metatron lui-même fut l’instructeur de Moïse).
Le Siphra di-Tzeniutha
Le Livre du Secret, une traduction de Paul Vulliaud.
Paul Vulliaud dit que l’Evangile de saint Jean et l’Apocalypse s’adressent à des initiés, et qu’il est impossible d’aborder correctement la traduction du Zohar sans posséder une initiation dans la Kabbale.
Sôd (hébr.) – secret.
Sirr (ar.) – secret.
Marcel Burlard: Le Scorpion, symbole du peuple juif dans l’art religieux des XIVe, XVe, XVIe siècles. (E. de Boccard, Paris)
C’est un étude, accompagné de reproductions, qui traite de la figuration du scorpion soit sur l’étendard de la Synagogue, soit dans la représentation de certaines scènes de la Passion.
L’interprétation du symbole donnée par l’auteur est celle de fausseté et perfidie. Mais il remarque à juste titre que le symbolisme, de „dogmatique” qu’il était précédémment, était devenu principalement „moral”, ce qui revient à dire qu’il était en train de dégénérer en simple „allégorie”, conséquence directe et inévitable de l’affaiblissement de l’esprit traditionnel.
Il existe une tradition qui dit que l’Antéchrist devrait être de descendance juive.
Sir Charles Marston: La Bible a dit vrai. Version française de Luce Clarence. (Librairie Plon, Paris)
Ce livre contient une critique de la „critique” biblique, faisant ressortir tout ce qu’il y a de partial dans ses méthodes et d’erroné dans ses conclusions.
IV
La Tradition hermétique
J. Evola: La Tradizione Ermetica nei suoi Simboli, nella sua Dottrina et nella sua „Ars Regia”, vol. in-8o, G. Laterza, Bari, 1931.
Guénon a des réserves quant à l’interprétation donnée au symbolisme hermétique.
Le mot „hérmétisme” indique qu’ils s’agit „d’une tradition d’origine égyptienne, revêtue par la suite d’une forme hellénisée, sans doute à l’époque alexandrine, et transmise sous cette forme, au moyen âge, à la fois au monde islamique et au monde chrétien.
Ce qui s’est maintenu sous le nom d’hermétisme ne constitue pas une doctrine traditionnelle complète. Il s’agit de connaissances d’ordre non pas métaphysique, mais cosmologique – ce dernier ne peut être que secondaire et contingent, une application de la doctrine à la connaissance du „monde intermédiaire”.
„Il serait intéressant, mais sans doute assez difficile, de rechercher comment cette partie de la tradition égyptienne a pu se trouver en quelque sorte isolée et se conserver d’une façon apparemment indépendante, puis s’incorporer à l’ésotérisme islamique et à l’ésotérisme chrétien du moyen âge (ce que n’aurait pu faire une doctrine complète, au point de devenir véritablement partie intégrante de l’un et de l’autre, et de lui fournir tout un symbolisme qui, par une transposition convenable, a pu même y servir parfois de véhicule à des vérités d’un ordre plus élevé).” (p. 122)
„[…] les sciences de cet ordre sont effectivement celles qui, dans toutes les civilisations traditionnelles ont été surtout l’apanage des Kshatriyas ou de leurs équivalents, tandis que la métaphysique pure était celui des Brâhmanes. C’est pourquoi, par un effet de la révolte des Kshatriyas contre l’autorité spirituelle des Brâhmanes, on a pu voir se constituer parfois des courants traditionnels incomplets, réduits à ces seules sciences séparées de leur principe, et même déviés dans le sens «naturaliste», par négation de la métaphysique et méconnaissance du caractère subordonné de la science «physique» […].” (p. 122)
Un point de vue contestable chez Evola: l’assimilation de l’hermétisme à la magie.
Dès que l’on parle de «magie», on pense à une science destinée à produire des phénomènes plus ou moins extraordinaires, notamment mais non exclusivement dans l’ordre sensible. Ce n’est alors que la plus inférieure de toutes les applications de la connaissance traditionnelle, la plus méprisée, dont l’exercice est abandonné à ceux que leurs limitations individuelles rendent incapables de développer d’autres possibilités.
Evola insiste sur la nature purement spirituelle et intérieure de la véritable alchimie, qui n’a absolument rien à voir avec les opérations matérielles d’une chimie quelconque. Les véritables alchimistes prennent les précurseurs des chimistes actuels pour des „souffleurs” et „brûleurs de charbon”. Dans le monde arabe également, l’alchimie matérielle a toujours été fort peu considérée, parfois même assimilée à une sorte de sorcellerie, tandis que l’alchimie spirituelle a été nommée Kimia es-saâdah – alchimie de la félicité.
Hermès
Le principal attribut de l’Hermès grec est le caducée. Le symbolisme du caducée se rapporte essentiellement et directement à ce qu’on peut appeler l’«alchimie humaine», et qui concerne les possibilités de l’état subtil, même si celles-ci ne doivent être prises que comme le moyen préparatoire d’une réalisation supérieure, comme le sont, dans la tradition hindoue, les pratiques équivalentes qui relèvent du Hatha-Yoga.
Il est dit dans les Rasâil Ikhwân es-Safâ: „le monde est un grand homme, et l’homme est un petit monde” (el-âlam insân kabir, wa el insân âlam çeghir).
Hermès concerne surtout le monde intermédiaire, où sont mises en œuvre des forces dont la nature duelle est très nettement figurée par les deux serpents du caducée.
Il existe un rapprochement entre Hermès et Buddha. La mère de Hermès s’appelait chez les Grecs et les Latins: Maïa, et la mère de Buddha Mâyâ-Dêvî. Il n’est pas arbitraire le fait que les Romans ont assimilé l’Odin scandinave, Woden ou Wotan, à Mercure. Ce qui est plus remarquable encore c’est que le même nom se trouve dans le Votan des anciennes traditions de l’Amérique centrale, qui a d’ailleurs les attributs d’Hermès, car il est Quetzalcohuatl, l’«oiseau-serpent» - l’union de ces deux animaux symboliques (correspondant respectivement aux deux éléments air et feu) est aussi figurée par les ailes et les serpents du caducée.
Le serpent est opposé ou associé à l’oiseau suivant qu’il est envisagé sous son aspect maléfique ou bénéfique.
„Nous ajouterons qu’une figure comme celle de l’aigle tenant un serpent dans ses serres (qui se rencontre précisément au Mexique) n’évoque pas exclusivement l’idée de l’antagonisme que représente, dans la tradition hindoue, le combat du Garuda contre le Nâga; il arrive, notamment dans le symbolisme héraldique, que le serpent est ici remplacé par l’épée (substitution particulièrement frappante quand celle-ci a la forme de l’épée flamboyante, qui est à rapprocher par ailleurs des foudres que tient l’aigle de Jupiter), et l’épée, dans sa signification la plus élevée, figure la Sagesse et la puissance du Verbe (voir par exemple Apocalypse, I, 16).” (p. 133)
„Il faudrait être aveugle pour ne pas voir, dans des faits de ce genre, une marque de l’unité foncière de toutes les doctrines traditionnelles; malheureusement, un tel aveuglement n’est que trop commun à notre époque où ceux qui savent vraiement lire les symboles ne sont plus qu’une infime minorité, et où, par contre, il ne se rencontre que trop de «profanes» qui se croient qualifiés pour interpréter la «science sacrée», qu’ils accommodent au gré de leur imagination plus ou moins désordonnée.” (p. 133)
Dans la tradition islamique, Seyidna Idris est identifié à la fois à Hermès et à Hénoch. A Seyidna Idris sont attribuées les sciences intermédiaires, parmi lesquelles figurent au premier rang l’alchimie et l’astrologie.
Ce n’est pas Seyidna Idris qui préside ainsi au ciel de Mercure, mais Seyidna Idris. Il ne s’agit pas d’un cas isolé dans les sciences traditionnelles, parce que dans l’angéologie hébraïque aussi Mikaël est l’ange du Soleil et Raphael est l’ange de Mercure.
Le Tombeau d’Hermès
„[…] le fait même que les Egyptiens actuels ne se préoccupent aucunement des recherches concernant cette civilisation disparue suffirait à montrer qu’il ne peut y avoir à cela, au point de vue qui nous intéresse, aucun bénéfice effectif; s’il en était autrement, en effet, il est bien évident qu’ils n’en auraient pas abandonné en quelque sorte le monopole à des étrangers, qui d’ailleurs n’en ont jamais fait rien de plus qu’une affaire de simple érudition.” (p. 138)
Entre l’Egypte antique et l’Egypte actuelle il n’y a qu’une coïncidence géographique, sans la moindre continuité historique.
Il est dit que la Grande Pyramide serait le tombeau de Seyidna Idris, autrement dit du prophète Hénoch. Etant donné que celui-ci a été enlevé vivant au Ciel, ce n’est pas le corps d’Idris qui fut enterré dans la Pyramide, mais sa science.
„[…] c’est que la science d’Idris est bien vraiment cachée dans la Pyramide, mais parce qu’elle se trouve incluse dans sa structure même, dans sa disposition extérieure et intérieure et dans ses proportions; et tout ce qu’il peut y avoir de valable dans les «découvertes» que les modernes ont faites ou cru faire à ce sujet ne représente en somme que quelques fragments infimes de cette antique science traditionnelle.” (p. 142)
La version arabe de l’origine des Pyramides attribue leur construction au roi antédiluvien Surid. Celui-ci, ayant été averti par un songe de l’imminence du Déluge, les fit édifier selon le plan des sages, et ordonna aux prêtres d’y déposer les secrets de leurs sciences et les préceptes de leur sagesse.
Selon une hypothèse partagée par Guénon, les pyramides ont été des lieux d’initiations.
Le ternaire des grands prophètes antédiluviens: Adam, Seth, Enoch.
A côté de la forme correcte, Hermes, dans la tradition arabe circule aussi Armis. Il est employé El-muthalleth bil-hikam, littéralement „triple par la sagesse”, ce qui équivaut à l’épithète grec Trismegistos.
Enel: Les Origines de la Genèse et l’enseignement des Temples de l’ancienne Egypte. Volume I, 1re et 2e parties. (Institut français d’Archéologie orientale, Le Caire).
Il existe dans cet ouvrage un louable souci de compréhension doctrinale, étranger dans la plupart des ouvrages égyptologiques, mais les vues exposées sont tout à fait hypothétiques.
Enel: A Message from the Sphinx. (Rider and Co, London)
L’auteur confond la magie avec la théurgie.
„Entre l’«évolutionnisme» antitraditionnel et l’acceptation des données traditionnelles, il faut nécessairement choisir, et tout compromis ne peut conduire qu’à d’insolubles contradictions.” (p. 153)
L’unité symbolique n’exclut pas la multiplicité des formes d’expression.
„[…] en réalité, même là où il peut y avoir une apparente similitude d’objet, le point de vue n’en est était pas moins totalement différent, et il y a toujours un véritable abîme entre les sciences traditionnelles et les sciences profanes.” (p. 155)
Xavier Guichard: Eleusis Alésia: Enquête sur les origines de la civilisation européenne. (Imprimerie F. Paillart, Abbeville)
L’auteur a étudié tous les lieux qui, non seulement en France, mais à travers toute l’Europe, portent un nom paraissant dérivé, parfois sous une forme assez altérée, de celui d’Alésia. Il a remarqué qu’il s „occupent des sites entourés par des cours d’eau plus ou moins importants qui les isolent en presqu’îles” et „ils possèdent tous une source minérale”.
Le sens primitif du nom „Alésia” est celui de lieux de rassemblement.
L’auteur a constaté que les lieux alésiens étaient régulièrement disposés sur certaines lignes rayonnant autour d’un centre et allant d’une extrémité à l’autre de l’Europe. Il a trouvé vingt-quatre de ces lignes, qu’il appelle „itinéraires alésiens”, qui convergent toutes au mont Poupet, près d’Alaise, dans le Doubs.
L’unité prototipe du stade grec, du mille romain et de la lieue gauloise est égale à la sixième partie d’un degré, d’où il résulte que les hommes qui en avaient fixé la longueur devaient connaître avec précision les véritables dimensions de la sphère terrestre.
Noël de la Houssaye: Les Bronzes italiotes archaïques et leur symbolique. (Editions du Trident, Paris).
L’étude débute par des considérations sur les origines de la monnaie dans le bassin de la Méditérranée.
L’auteur dit que la monnaie était pour les Anciens une chose sacrée, contrairement à la conception tout profane de nos jours.
L’idée du rapprochement entre l’Enée et l’Atlantide est complètement fausse.
Noël de la Houssaye: Le Phœnix, poème symbolique. (Editions du Trident, Paris).
Simple bêtises.
Lettres d’Humanité, tome III.
Une curieuse étude de M. Paul Maury: „Le Secret de Virgile et l’architecture des Bucoliques”. L’auteur a découvert une véritable „architecture”, presque aussi étonnante que celle de la Divine Comédie.
Georges Dumézil: L’Héritage indo-européen à Rome. (Gallimard, Paris).
Même parti d’un point de vue purement profane, il lui est arrivé de rencontré dans ses recherches certaines données traditionnelles, dont il obtient des déductions qui ne manquent pas d’intérêt.
Il cherche à réduire trop les choses au niveau purement social.
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