1957
L’immortalité de l’âme est le postulat de “l’égalitarisme”
religieux. Le caractère quasi divin de l’intellect et partant de l’élite
intellectuelle est le postulat du système des castes.
L’Hindouisme réalise l’égalité dans la super-caste des
moines errants (sannyâsîs).
Les castes sont autant de façons d’envisager un “réel”
empirique.
Pour le brâhmana, le type purement intellectuel,
contemplatif, sacerdotal, c’est l’immuable, le transcendant, qui est “réel” (la
vérité, la connaissance, la contemplation, le rite, la voie).
Le kshatriya, le type “chevaleresque”, a une intelligence
aiguë mais orientée vers l’action et l’analyse, plutôt que vers la
contemplation et la synthèse. Il compense l’agressivité de son énergie par sa
générosité, sa nature passionnelle par sa noblesse, sa domination de soi, sa
grandeur d’âme. Pour lui, c’est l’acte qui est “réel”.
Pour le vaishya – le marchand, l’artisan, le paysan – c’est
la richesse, la sécurité, la prospérité, qui sont “réels”. Son imagination
s’épanouit sur le plan de la stabilité économique, de la perfection matérielle
du travail et du rendement. Le vaishya est habile, il manque de qualités
spécifiquement intellectuelles et aussi de vertus chevaleresques, d’idéalisme
dans un sens supérieur.
Le dwîja (le “deux-fois né”), c’est-à-dire les trois
premières castes, est un esprit doué d’un corps, tandis que le shûdra, la
quatrième caste, est un corps doué d’une conscience humaine.
Le shûdra est l’homme qui n’est qualifié réellement que pour
des travaux manuels plus ou moins quantitatifs. Pour lui, c’est le corporel qui
est “réel”, c’est le manger et le boire qui font son bonheur. Il dépend d’un
vouloir autre que le sien. Sa vertu est la fidélité.
Les brâhmanas et les vaishyas sont les castes paisibles. On
confond shûdras et kshatriyas à cause des aspects de violence propres à ces
deux castes.
L’homme sans caste, l’intouchable, a tendance à réaliser les
possibilités psychologiques exclues par les autres hommes, d’où sa tendance à
la transgression. Le plus bas des intouchables, le chandâla, est issu d’un
shûdra et d’une brâhmanî.
“Nous pourrions nous exprimer aussi de la manière suivante:
le brâhmana est ‘objectif’ et centré dans ‘l’esprit’; le kshatrya tend vers
‘l’esprit’, mais d’une manière ‘subjective’; le vaishya est ‘objectif’ sur le
plan de la ‘matière’; quant au shûdra, il est ‘subjectif’ sur le même plan.”
L’Occidental a de la peine à comprendre la système des
castes parce qu’il sous-estime la loi de l’hérédité. L’hérédité de notre espace
est devenue précaire et flottante.
Pour l’Islam, les déterminations de la nature sont des
accidents, l’humanité originelle était sans castes et sans races, c’est elle
que l’Islam veut restaurer, en conformité des conditions de notre millénaire.
L’histoire comme telle ne saurait
rendre compte pleinement de l’âme d’une époque lointaine : elle enregistre
surtout les calamités et laisse de côté tous les facteurs statiques de bonheur.
L’idéologie du progrès est une de ces
absurdités qui frappent par le manque d’imagination autant que par celui du
sens des proportions; c’est, du reste, essentiellement une illusion de vaishya, un peu comme la «culture», qui n’est
autre qu’une «intellectualité» sans intelligence.
le nivellement moderne détruit partout
les beautés de l’égalité religieuse, car étant sa caricature, il est
incompatible avec elle.
La caste, comme nous l’entendons, a
essentiellement deux aspects, à savoir
celui du «degré» et celui du «mode» de l’intelligence, distinction qui est due,
non à l’essence de l’intellect, mais aux accidents de sa manifestation.
L’égalité — ou plutôt
l’indifférenciation — réalisée par le Bouddhisme, l’Islam et d’autres
traditions, se réfère au pôle «existence» plutôt qu’au pôle «intelligence»; l’existence,
l’être des choses, neutralise et unit, tandis que l’intelligence discerne et
sépare.
Nous pourrions nous exprimer aussi de
la manière suivante : pour le Bouddhisme, — qui ne «nie» pas expressément les
castes, mais les «ignore» plutôt, — tous les hommes sont «un», d’abord dans la
souffrance, et ensuite dans la voie qui délivre; pour le Christianisme, tous
sont «un», d’abord par le péché originel, et ensuite par le baptême, gage de la
Rédemption; pour l’Islam, tous sont «un», d’abord parce que créés de poussière,
et ensuite par la foi unitaire; mais pour l’Hindouisme, qui part de la
Connaissance et non de l’homme, c’est avant tout la Connaissance qui est «une»,
et les hommes sont divers par leurs degrés de participation à la Connaissance,
donc aussi par leurs degrés d’ignorance; on pourrait dire qu’ils sont «un» dans
la Connaissance, mais celle-ci n’est accessible, dans sa pureté intégrale, qu’à
une élite, d’où l’exclusivisme des brahmanes.
L’expression individuelle de
l’intelligence est le discernement; l’expression individuelle de l’existence
est la volonté.
impossible à l’inférieur de comprendre
réellement le supérieur, car qui comprend réellement, «est» ce qu’il comprend le
kshatriya a la noblesse et l’énergie, le vaishya l’honnêteté et l’habileté, et le shûdra la fidélité et la diligence; la
contemplativité et le détachement du type brahmanique contiennent éminemment
toutes ces qualités;
Le principe des castes se reflète non
seulement dans les âges, mais aussi, d’une autre manière, dans les sexes : la
femme s’oppose à l’homme, en un certain sens, comme le type chevaleresque
s’oppose au type sacerdotal, ou encore, sous un autre rapport, comme le type
«pratique» s’oppose au type «idéaliste», si l’on peut dire.
les maux les plus profonds dont
souffre l’humanité sont sortis des grandes agglomérations urbaines, non de la
nature vierge;
La caste, dans son sens spirituel, est
la «loi» (dharma) régissant telle catégorie d’hommes
en conformité de leurs qualifications
Le
sens des races
LA CASTE PRIME LA RACE, PARCE QUE
l’esprit l’emporte sur la forme; la race est une forme, la caste un esprit.
Pourtant, il est impossible d’admettre
que les races ne signifient rien en dehors de leurs caractères physiques, car
s’il est vrai que les contraintes formelles n’ont rien d’absolu, les formes
n’en doivent pas moins avoir une raison suffisante; si les races ne sont pas
des castes 23 , elles doivent néanmoins correspondre à des différences humaines
d’un autre ordre, un peu comme des différences de style peuvent exprimer des
équivalences spirituelles tout en marquant des divergences de mode.
la pensée du Blanc — qu’il soit
Occidental ou Oriental — est incisive et mouvementée, comme ses idiomes et
comme les traits de son visage; elle a quelque chose «d’auditif», si l’on peut
dire, tandis que celle du Jaune a un caractère plus ou moins «visuel» et opère
par touches discontinues.
Nègre possède, au fond, une «mentalité
non-mentale», d’où l’importance «mentale» du corporel, l’assurance physique et
le sens du rythme; par tous ces caractères, le Noir s’oppose à la fois au Blanc
et au Jaune
Pour comprendre le sens des races, il
importe avant tout de voir qu’elles dérivent d’aspects fondamentaux du genre
humain et non pas de quelque cause fortuite de la nature.
Le prognathisme, lui, indique de la
puissance vitale, de l’ampleur existentielle, donc une conscience centrée sur
le pôle «être», tandis que le type orthognathe correspond à une conscience
relativement détachée de ce pôle, donc plus ou moins «déracinée» ou «isolée»
par rapport à lui, et «créateur» pour cette raison même.
Il importe de préciser ici que les
religions créées par les Jaunes, à savoir la tradition de Fo-Hi et du Yi-King, puis le Confucianisme et le Taoïsme
qui s’y rattachent, et enfin le Shintoisme, n’ont pas donné lieu à des
civilisations foncièrement et irréductiblement différentes comme c’est le cas
des grandes civilisations blanches : Christianisme, Islam et Hindouisme, sans
parler de l’Occident gréco-romain, de l’Égypte ancienne et des autres
civilisations blanches de l’Antiquité.
Peut-être pourrions-nous dire aussi
que le Blanc est essentiellement «poète», son âme est «crevassée» et
mouvementée à la fois; le Jaune, lui, est avant tout «peintre», c’est un visuel
intuitif dont la vie psychique, nous l’avons dit, est plus «lisse» et plus
statique, moins «projetée» en avant, en ce sens que les choses sont vues dans
l’âme au lieu que celle-ci se projette dans les choses. Quant au Noir, il n’est
ni un «cérébral» ni un «visuel», mais un «vital», donc un danseur né; c’est un
«vital profond», comme le Jaune est un «visuel fin», les deux étant, par
rapport au Blanc, des «existentiels» plutôt que des «mentaux». Toutes ces
expressions ne peuvent être que des approximations, car tout est relatif,
surtout dans un ordre aussi complexe que celui des races. Une race est
comparable à un style d’art aux formes multiples, et non à une forme exclusive.
Signalons l’extrême importance, chez
les Noirs, des tams-tams, dont la fonction est centrale et quasiment sacrée : ce
sont les véhicules des rythmes qui, en se communiquant aux corps, ramènent tout
l’être aux essences cosmiques. C’est l’intelligence plutôt que le corps — aussi
paradoxal que cela puisse paraître — qui a besoin, chez le Nègre, de rythmes et
de danses, précisément parce que son esprit a une allure «plastique» ou
«existentielle» et non «abstraite»;
si le Blanc est un «feu» inquiet et
dévorant, il peut être aussi — c’est le cas de l’Hindou — une flamme calme et
contemplative; quant au Jaune, s’il est de «l’eau», il peut refléter la lune,
mais aussi se déchaîner en ouragans : et si le Noir est de la «terre», il a, à
côté de l’innocente massivité de cet élément, la force explosive des volcans;
Dans l’âme jaune, qui est fort peu
déclamatoire, les petites choses dévoilent leur secrète grandeur : une fleur,
une coupe de thé, un coup de pinceau précis et transparent; la grandeur
préexiste dans les choses, dans leur vérité première. C’est ce qu’exprime aussi
la musique d’Extrême-Orient : sons grêles qui perlent comme l’écume d’une
cascade solitaire, dans une sorte de mélancolie matinale; coups de gong qui
sont comme le tressaillement d’une montagne d’airain; mélopées qui surgissent
des intimités de la nature, mais aussi du sacré, de la danse grave et dorée des
Dieux.
les Hindous, en effet, attribuent le
feu — qui monte et qui illumine à la tendance ascendante (sattwa); l’eau — qui est transparente et et
qui se répand en sens horizontal — à la tendance expansive (rajas); et la terre — qui est lourde et opaque
— à la tendance descendante ou solidifiante (tamas).
La race jaune, elle, est contemplative
sans mettre l’accent sur l’élément dialectique, c’est-à-dire sans éprouver le
besoin de revêtir sa sagesse de mentalisations complexes et mouvantes; cette
race a donné naissance au Taoïsme, au Confucianisme, au Shintoïsme, elle a créé
une écriture unique en son genre et un art original, profond et puissant, mais
n’a déterminé aucune civilisation étrangère; elle a été profondément marquée
par le Bouddhisme, sagesse d’origine blanche, — ce n’est pas la sagesse qui est
raciale, mais le véhicule humain de la Révélation, — tout en donnant à cette
tradition l’empreinte de son génie à la fois puissant et subtil. Les conquêtes
des Jaunes se répandent commeun raz de marée, en renversant tout sur leur
passage, mais sans-transformer leurs victimes comme le font les conquêtes des
Blancs; les Jaunes, quelle que soit leur impétuosité, «conservent» comme l’eau,
ils ne «transmuent» pas comme le feu; vainqueurs, ils se laissent absorber par
les vaincus de civilisation étrangère. Quant à la race noire, elle est
«existentielle», nous l’avons dit, ce qui explique sa passivité et son
inaptitude au rayonnement, même au sein de l’Islam; mais ce caractère devient
qualitatif et spirituel par l’intervention de l’élément contemplatif qui est au
fond de tout homme et qui met en valeur toute détermination naturelle.
les Hindous se caractérisent par leur
extraordinaire contemplativité et le génie métaphysicien qui en découle; mais
la race jaune est à son tour beaucoup plus contemplative que le rameau
occidental de la race blanche, ce qui permet, d’une façon globale, de parler
d’une prééminence spirituelle de l’Orient traditionnel, qu’il soit blanc ou
jaune, en englobant d’ailleurs dans cette supériorité le messianisme ou
prophétisme sémitique, qui est parallèle à l’avatarisme aryen;
Les races existent, et nous ne pouvons
les ignorer, d’autant moins que les temps des univers clos sont révolus, et
avec eux le droit aux simplifications conventionnelles; ce qu’il importe en
tout cas de comprendre en premier lieu, c’est que la détermination raciale ne
saurait être que relative, l’homme
déterminé ne cessant jamais d’être
l’homme comme tel.
la vérité n’est pas bonne parce
qu’elle est opportune ou efficace, mais parce qu’elle est vraie, sans oublier,
qu’elle coïncide avec la réalité et que, par conséquent, vincit omnia Veritas.
Principes et critères de l’art
universel
L’homme seul — parmi les êtres
terrestres — peut penser, parler, produire des oeuvres; lui seul peut
contempler et réaliser l’Infini. L’art humain comporte, comme l’Art divin, des
aspects de détermination et d’indétermination, de nécessité et de liberté, de
rigueur et de joie.
L’art profane, qu’il soit naturaliste
et «religieux» comme l’art chrétien des temps modernes, ou qu’il soit à la fois
traditionnel et mondain comme les miniatures médiévales ou indo-persanes, ou
encore les gravures japonaises, présuppose souvent un point de vue
extra-sacerdotal, donc une «mondanité» qui est un phénomène relativement tardif
dans les civilisations théocratiques; aux époques primordiales, l’art se
réduisait, soit à des objets d’usage rituel, soit à des instruments de travail
ou à des objets ménagers; mais même ces instruments et objets, de même que les
activités qu’ils impliquaient, étaient éminemment symboliques et se
rattachaient, par là, au rituel et au sacré.
L’absence du besoin de beauté est une
infirmité qui n’est pas sans rapport avec la laideur inévitable de l’ère
machiniste, et qui s’est généralisée avec l’industrialisme; et comme il est
impossible d’échapper à celui-ci, on fait de la dite infirmité une vertu et on
calomnie la beauté et le besoin de beauté.
Le génie est à la fois traditionnel et
collectif, spirituel et racial, et ensuite personnel; le génie personnel n’est
rien sans le concours d’un génie plus vaste ou plus profond. L’art sacré
représente avant tout l’esprit, et l’art profane le génie collectif, l’âme, à
condition bien entendu de s’intégrer dans la tradition; l’ensemble des génies
spirituel et collectif fait le génie traditionnel, celui qui donne son
empreinte à la civilisation entière
Un art est sacré, non par l’intention
personnelle de l’artiste, mais par le contenu, le symbolisme et le style, donc
par des éléments objectifs. Par le contenu : le sujet représenté doit être tel
et non un autre, soit au point de vue du modèle canonique, soit dans un sens
plus large, mais toujours canoniquement déterminé; par le symbolisme : le saint
personnage — ou le symbole anthropomorphe — doit être vêtu ou orné de telle
façon, non autrement, et il peut faire tels gestes, non tels autres; par le
style : l’image doit s’exprimer moyennant tel langage formel hiératique, et non
dans un style étranger ou fantaisiste. En résumé, l’image doit être sainte par
son contenu, symbolique par les détails, hiératique par son traitement, sans
quoi elle manque de vérité spirituelle, de qualité liturgique et, à plus forte
raison, de caractère sacramental; l’art n’a aucun droit, sous peine de
s’enlever sa raison d’être, d’enfreindre ces règles, et il a d’autant moins
intérêt à le faire que ces apparentes restrictions, par leur vérité
intellectuelle et esthétique, lui confèrent des qualités de profondeur et de
puissance que l’individu a fort peu de chances de pouvoir tirer de soi.
L’Écriture, l’anagogie et l’art
dérivent, à des degrés très divers, de la
Révélation. L’Écriture est
l’expression directe de la Parole céleste, et l’anagogie en est le commentaire
inspiré et indispensable53; l’art, lui, est comme l’extrême limite ou l’écorce
matérielle de la tradition et rejoint par là, en vertu de la loi des «extrêmes
qui se touchent», ce que la tradition a de plus intérieur; il est donc, lui
aussi, inséparable de l’inspiration. L’anagogie véhicule l’intelligence
métaphysique et mystique, — à part l’interprétation purement légale, — tandis
que l’art est le support de l’intelligence collective; il est contingent dans
la mesure où l’est la collectivité comme telle.
Le naturalisme intégral résulte du
culte de la «forme» envisagée, non en tant que «symbole», mais en tant que
«fini»; la raison régit en effet la science du fini, de la limite, de l’ordre,
et il n’est que logique que l’art de la raison partage avec celle-ci une
platitude réfractaire à tout mystère; on a comparé l’art antique à la clarté du
jour, mais on a oublié qu’il en a aussi «l’extériorité», l’absence de secret et
de qualité d’infini.
si nous partons de l’idée que l’art
parfait se reconnaît surtout à trois critères, à savoir la noblesse du contenu,
— condition spirituelle sans
laquelle l’art n’a aucun droit à
l’existence, — puis l’exactitude du symbolisme, ou au moins l’harmonie de la
composition quand il s’agit d’une oeuvre profane, et enfin la pureté du style
ou l’élégance des lignes et des couleurs, nous pouvons discerner à l’aide de
ces critères les qualités et les défauts de toute oeuvre d’art, qu’elle soit
sacrée ou non.
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