08 juin 2020

Frithjof Schuon, Du divin à l’humain (note de lectura)


Première partie. Subjectivité et connaissance
Conséquences découlant du mystère de la subjectivité
Notre pensée est un reflet lointain de la Conscience absolue.
Le saut évolutif de la matière à l’intelligence est la chose la plus inconcevable qui soit.
Les idées de « Grand Esprit » et de primauté de l’Invisible sont naturelles à l’homme.
La raison d’être de l’intelligence est l’adéquation au réel.
L’homme, étant intégralement intelligent, est par là même intégralement libre, ce qui signifie que, seul parmi les créatures terrestres, il est libre d’aller à l’encontre de sa nature.
Tout ce qui existe se trouve inscrit a priori dans la substance théomorphique de notre intelligence.
L’actualisation intellectuelle du réel ou du possible est fonction, soit de la perfection de notre nature, soit d’un facteur externe qui mette en valeur cette perfection ou qui la réalise si elle est partielle. Un facteur que la Révélation ou, d’une façon plus particulière, tel qu’une expérience provoquant le ressouvenir archétypique dont parlait Platon.
En Dieu seul nous sommes absolument libres.
L’homme possède la liberté paradoxale de pouvoir se faire Dieu à son tour.
La faculté rationnelle détachée de son contexte surnaturel est forcément contre l’homme.
L’orgueil – ce manque de sens des proportions.
L’Esprit est la Substance, la matière est l’accident.
Le rayonnement de l’Esprit produit la polarité en sujet et objet.
Pour les sens, l’objet est la matière, le domaine physique perceptible. Pour l’Intellect, la réalité objective c’est l’Esprit sous toutes ses formes.
Ce que nous pouvons et devons connaître, nous le sommes.
L’essence du réel, c’est le miraculeux; le miracle de la conscience, de l’intelligence, de la connaissance.


Aspects du phénomène théophanique de la conscience
Humaniser, c’est sacraliser, c’est ouvrir le naturel au surnaturel.
La raison prolonge l’Intellect vers la relativité.
Ce qui est propre à l’homme est la capacité de connaissance intégrale, de sacralisation et d’ascension.
Il y a une complémentarité compensatoire entre l’intellection et l’orgasme. La connaissance intellectuelle, tout d’abord mentale et théorique, exige une concrétisation en profondeur qui lui ajoute une dimension extatique.
Il n’y a pas de connaissance plénière sans le concours de l’élément amour ou beauté, pas plus qu’il n’y a d’amour accompli sans le concours de l’élément connaissance ou vérité.
Ce dont l’esprit humain a besoin, ce n’est pas l’élément sexuel, c’est l’élément d’infinitude dont la sexualité est la manifestation sur le plan vital et psychique.
Il y a une spiritualisation de la sexualité comme il y a, en sens inverse, une animalisation de l’intelligence.
Notre existence matérielle est un exil.

Transcendance n’est pas contresens
Qui dit connaissance humaine, dit connaissance de l’Absolu.
La spéculation dogmatique ignore cette mobilité intérieure qui permet de hiérarchiser des perspectives différentes sans en sacrifier aucune.
Une hypostase est distincte de l’autre sous peine d’être l’autre et non elle-même, mais elle est identique à l’autre sous le rapport de la substance principielle, donc du caractère divin.
C’est une perversion de l’esprit de croire que la nature de Dieu doive apparaître comme absurde à l’intelligence humaine.
Les lois de l’intelligence, donc aussi de la raison, reflètent les lois de l’Intellect divin.
L’homme se distingue de l’animal par la totalité de son intelligence, et le signe de cette totalité est non seulement la faculté rationnelle, mais aussi le langage.
L’idée des degrés du Réel indique la totalité de la connaissance.
La connaissance de l’Absolu coïncide en principe avec la plénitude de l’intelligence. L’homme n’a le droit de revendiquer des vérités transcendantes que dans la mesure de sa sincérité, prouvée par les conséquences qu’il tire de ces vérités sur le plan individuel.
Admettons que la logique humaine est parfois inopérante; mais elle n’est pas inopérante parce qu’elle est logique, elle l’est parce qu’elle est humaine; parce que, étant humaine, elle est soumise à des contingences psychologiques et matérielles qui l’empêchent d’être ce qu’elle est par elle-même, et ce qu’elle est par son origine et dans sa source, où elle coïncide avec l’être des choses.

Seconde partie. Ordre divin et universel
Le jeu des hypostases
L’Infinitude est un aspect intrinsèque de l’Absolu.
Cet Absolu-Infini est l’Agathon (le Souverain Bien) de Platon.
L’Absolu est la Réalité nécessaire.
L’Infinitude et la Perfection sont des dimensions intrinsèques de l’Absolu.
L’Absolu est infini, donc Il rayonne, et en rayonnant, Il se projette. C’est le fondement même de ce que la doctrine chrétienne appelle les Hypostases.
Le mal ne peut pas ne pas être, mais son existence est toujours limitée sous le double rapport de l’étendue spatiale et temporelle, alors que le Souverain Bien n’a aucune limite.
Le mal concret est partiellement incompréhensible à l’homme.
A l’Absolu correspond, en théologie trinitaire, l’Etre et la Puissance; à l’Infini, la Volonté ou l’Amour, donc la fonction de projection et de rayonnement; et au Bien, l’Intelligence ou la Connaissance.
L’Absolu, le Bien, l’Infini: Sat, Chit, Ananda (Etre, Conscience, Béatitude).
L’Absolu – le Père
Le Bien – le Fils
L’Infini – le Saint Esprit.
Le Fils est au Père ce que le cercle est au centre. Le Saint Esprit est au Père ce que le rayon est au centre.
Les Hypostases sont relatives par rapport à l’Essence, et absolues par rapport au monde, ce qui revient à dire qu’elles sont “relativement absolues”.

Le problème de la possibilité
La notion de possibilité donne lieu a priori à deux interprétations, dont l’une est « horizontale » (cela est possible, donc cela peut se faire) et l’autre « verticale » (cela s’est fait, ou cela existe, donc c’était possible).
C’est le possible qui est le réel, la manifestation étant l’accident ou l’illusoire.
Dieu est à la fois absolue Nécessité et infinie Possibilité.
Les possibilités qui se manifestent effectivement sont celles qui par leur nature sont les plus conformes à la réalisation d’un plan divin déterminé.
L’Omnipotence ne saurait englober ce qui est contraire à la Nature divine et qui est l’absurde.
A rigoureusement parler, tout ce qui est réel est connaissable en principe.
Le néant est l’impossibilité totale.

Structure et universalité des conditions de l’existence
La matière fondamentale est l’éther, dont surgissent les quatre éléments sensibles.
La forme fondamentale est la sphère.
Le nombre initial est l’unité.
La matière est la manifestation sensible de l’existence.
La forme est la manifestation d’une idée, d’une possibilité particulière ou d’un archétype.
Le plaisir et le bonheur semblent raccourcir le temps extérieur, tandis que l’expérience contraire le prolonge.
Le temps est le complément de l’espace. L’énergie est le complément de la masse.
La matière-énergie, la forme, le nombre, l’espace et le temps sont des conditions de l’existence.
Le temps, comme l’espace, semblent vouloir nous ravir à nous-mêmes.
 A la vertu « spatiale » de détachement doit se joindre la vertu « temporelle » de vigilence.
Les arts plastiques appartiennent à l’espace. La poésie et la musique appartiennent au temps. La danse combine les six conditions de l’existence.
Le Principe suprême est pure Substance, sans accident (sans contingence, sans limite, sans imperfection).
L’Absoluité se reflète dans l’espace sous l’apparence d’un point ou du centre; dans le temps, sous celle de l’instant ou du présent; dans la matière, sous celle de l’éther, lequel véhicule l’énergie; dans la forme, sous celle de la sphère; dans le nombre, sous celle de l’unité.

Troisième partie. Monde humain
Esquisse d’une anthropologie spirituelle
Les contenus ou modes de la divine Perfection sont essentiellement de l’ordre de la Connaissance, de l’Amour et de la Puissance.
Toute science de l’homme doit prolonger une science de Dieu.
Il y a dans l’homme un seul esprit, et celui-ci est connaissance et amour. Et il y a une volonté qui les prolonge chacun.
Intelligence, sentiment, volonté: ou vérité, vertu, liberté.
L’intelligence comporte quatre fonctions: l’objectivité (la raison), la subjectivité (l’intuition), l’activité (l’imagination) et la passivité (la mémoire).
La hierarchie des types mentaux: le contemplatif ou le sacerdotal, le combatif ou le princier, le pratique ou l’industrieux, l’obéissant ou le loyal.
L’objet de la connaissance est la Vérité ou la Réalité; l’objet de l’amour est la Beauté; l’objet de la volonté est le Bien.
L’esprit ou le sujet, qui par définition connaît, aime ou veut, est en son essence la Vérité, la Beauté et le Bien.

Le message du corps humain
Dire que l’homme est « fait à l’image de Dieu »                 signifie qu’il manifeste quelque chose d’absolu et de parfait.
Le corps masculin accentue l’aspect absolu. Le corps féminin accentue l’aspect infini.
Le corps masculin exprime la Transcendence, et le corps féminin, l’Immanence.

Le sens du sacré
Le sens du sacré est une adéquation au Réel, le sujet connaissant étant l’âme entière.
Le sacré est la projection de l’Immuable dans le muable.
Le sens du sacré implique la dignité: la dignité morale, les vertus, et ensuite la dignité du maintien, des gestes.
Le ritualisme relève du sens du sacré.
Dans une civilisation traditionnelle, l’intellectualité aussi bien que l’art ont la possibilité et par conséquent le droit d’être originaux, à condition expresse que l’originalité soit le fruit d’une inspiration et non d’un désir.
L’intelligence n’est pas capable à elle seule d’exclure toute possibilité d’erreur, étant donné que les erreurs ont souvent leur source dans l’imperfection de l’âme, car l’homme est un tout.
L’homme ne saurait être pleinement métaphysicien sans posséder le sens du sacré.
L’intelligence se définit essentiellement par sa capacité de saisir l’objet, et d’une manière secondaire par ses qualités subjectives, celles de l’expression, de la logique, de la combinaisons des idées, etc.
Le miracle est une preuve du sacré, d’où sa puissance catalysante sur les âmes.

Refuser ou accepter la Révélation
Les religions diffèrent dans leur façon d’envisager et d’exprimer les deux vérités fondamentales, à savoir Dieu et l’immortalité, mais non dans leur fonction unanime de détacher l’homme de l’ici-bas et de l’ego.
Si l’humanité n’était pas diverse, une seule individualisation divine pourrait suffire; mais l’homme est divers non seulement au point de vue des tempéraments ethniques, mais aussi à celui des possibilités spirituelles; les diverses combinaisons des deux choses rendent possibles et nécessaires la diversité des Révélations.
Telle religion résume en réalité toute religion, et toute religion se retrouve en telle religion.
Une des choses moralement les plus difficiles qui soient, c’est d’accorder à l’absurde existentiel le droit métaphysique à l’existence; non en théorie seulement, mais au contact concret avec l’absurdité, ce qui est presque la victoire sur le dragon.
L’homme est contingent et il est condamné à la contingence, et celle-ci implique par définition l’insoluble et l’absurde.
Sans Divinité, il n’y a pas d’efficacité.
L’expérience prouve que la disparition de la foi et de la morale entraîne celle de la dignité personnelle et de la vie privée, lesquelles en effet n’ont de sens et de valeur que si l’homme possède une âme immortelle.
Nous apprendre ce qu’est Dieu, c’est nous rappeler ce que nous sommes.
L’art sacré est le Ciel descendu sur terre, plutôt que la terre tendue vers le Ciel.
Contempler l’Absolu à partir du contingent, c’est corrélativement voir les choses en Dieu et voir Dieu dans les choses, de façon à ce qu’elles ne nous éloignent pas de Dieu et qu’au contraire elles nous rapprochent de lui.
Tout ce que nous pouvons connaître, nous le portons en nous-mêmes, donc nous le sommes; et c’est pour cela que nous pouvons le connaître.
L’homme moyen, ou l’homme collectif, a besoin d’un dieu qui lui ressemble.


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