Pour cette fiche j’ai utilisée l’édition parue en 1844, à Bruxelles, chez Société nationale pour la propagation des bons livres.
Chapitre premier. Des révolutions
« Nous sommes tous attachés au trône de l'Etre Suprême par une chaîne souple, qui nous retient sans nous asservir. »
Les êtres sont libres sous la main divine.
Sur les ouvrages de l’homme et les ouvrages divins: « Dans les ouvrages de l'homme, tout est pauvre comme l'auteur; les vues sont restreintes, les moyens roides, les ressorts inflexibles, les mouvements pénibles, et les résultats monotones. Dans les ouvrages divins, les richesses de l'infini se montrent à découvert jusque dans le moindre élément: sa puissance opère en se jouant: dans ses mains tout est souple, rien ne lui résiste; pour elle tout est moyen, même l'obstacle: et les irrégularités produites par l'opération des agents libres, viennent se ranger dans l'ordre général. »
Le miracle est un effet produit par une cause divine ou surhumaine, qui suspend ou contredit une cause ordinaire.
Le grand mot des révolutions est: « Je n’y comprends rien. » « Ce mot est très sensé, s'il nous ramène à la cause première qui donne dans ce moment un si grand spectacle aux hommes: c'est une sottise, s'il n'exprime qu'un dépit ou un abattement stérile. »
Le première condition d’une révolution décrétée est que tout ce qui pouvait la prévenir n’existe pas.
« On a remarqué, avec grande raison, que la révolution française mène les hommes plus que les hommes ne la mènent. Cette observation est de la plus grande justesse; et quoiqu'on puisse l'appliquer plus ou moins à toutes les grandes révolutions, cependant elle n'a jamais été plus frappante qu'à cette époque. »
La révolution française n’a pas eu de plan. Elle a été conduite par les plus médiocres hommes du royaume, au gré des circonstances.
La révolution a été conduite par des gens médiocres: « Ainsi, des hommes sans génie et sans connaissances, ont fort bien conduit ce qu'ils appelaient le char révolutionnaire; ils ont tout osé sans crainte de la contre-révolution; ils ont toujours marché en avant, sans regarder derrière eux; et tout leur a réussi, parce qu'ils n'étaient que les instruments d'une force qui en savait plus qu'eux. »
La révolution a favorisé l’opportunisme et le manque de principes: « Le torrent révolutionnaire a pris successivement différentes directions; et les hommes les plus marquants dans la révolution n'ont acquis l'espèce de puissance et de célébrité qui pouvait leur appartenir, qu'en suivant le cours du moment: dès qu ils ont voulu le contrarier ou seulement s'en écarter en s'isolant, en travaillant trop pour eux, ils ont disparu de la scène. »
Mirabeau avait le pouvoir d'agiter la multitude, sans avoir celui de la dominer, ce qui forme le véritable cachet de la médiocrité dans les troubles politiques
Conclusion du premier chapitre: « Enfin, plus on examine les personnages en apparence les plus actifs de la révolution, plus on trouve en eux quelque chose de passif et de mécanique. On ne saurait trop le répéter, ce ne sont point les hommes qui mènent la révolution; c'est la révolution qui emploie les hommes. On dit fort bien, quand on dit qu'elle va toute seule. Cette phrase signifie que jamais la Divinité ne s'était montrée d'une manière si claire dans aucun événement humain. Si elle emploie les instruments les plus vils, c'est qu'elle punit pour régénérer. »
Chapitre II. Conjectures sur les voies de la Providence dans la révolution française
Chaque nation a une mission à remplir. La France avait une mission chrétienne, qu’elle a trahi. Rien de plus prévisible que la punition divine pour cette faute.
Sur le sort des savants qui ont été condamné pendant la révolution: « Ils disaient comme tant d'autres: Il est impossible qu'une grande révolution s'opère sans amener des malheurs. Mais lorsqu'un philosophe se console de ces malheurs en vue des résultats; lorsqu'il dit dans son coeur: Passe pour cent mille meurtres, pourvu que nous soyons libres; si la Providence lui répond J'accepte ton approbation, mais tu feras nombre, où est l'injustice? Jugerions-nous autrement dans nos tribunaux? »
Nos idées sur le bien et le mal, sur l'innocent et le coupable, sont souvent altérées par nos préjugés.
Jamais un plus grand crime que celui de Louis XVI n’eut plus de complices.
« Il faut encore faire une observation importante; c'est que tout attentat commis contre la souveraineté, au nom de la nation, est toujours plus ou moins un crime national; car c'est toujours plus ou moins la faute de la nation, si un nombre quelconque de factieux s'est mis en état de commettre le crime en son nom. »
La révolution française a été une insurrection anti-religieuse et anti-sociale, couronnée par un régicide.
La plupart des instruments actifs de la révolution ont pérri d’une mort violente. Les grands coupables de la révolution sont tombés sous le coup de leurs complices.
Au cas où la contre-révolution aurait réussi, elle aurait choisi quelques grands coupables, et le reste aurait obtenu grâce. Pratiquement, la révolution a été cent mille fois plus sanglante.
Une des faces les plus intéressantes de la révolution est la persecution exercitée contre la religion. Le premier coup porté contre l’Eglise a été l’envahissement de ses propriétés; le second – le serment constitutionnel des prêtres.
Ce qui semble à premier vue mauvais, est en fait porteur de possibilités positives: « Les biens du clergé étant dissipés, aucun motif méprisable ne peut de longtemps lui donner de nouveaux membres; en sorte que toutes les circonstances concourent à relever ce corps. »
Si la Providence efface, sans doute c'est pour écrire.
Sur la France: « La Providence, qui proportionne toujours les moyens à la fin, et qui donne aux nations, comme aux individus, les organes nécessaires à l'accomplissement de leur destination, a précisément donné à la nation française deux instruments, et pour ainsi dire, deux bras, avec lesquels elle remue le monde, sa langue et l'esprit de prosélytisme qui forme l'essence de son caractère, en sorte qu'elle a constamment le besoin et le pouvoir d'influencer les hommes. »
Etant donné que l’église galicane était la pierre angulaire de l’Eglise chrétienne, il est normal de constanter que c’est en France que la déesse Raison a agi le plus contre le christianisme.
Conclusion du deuxième chapitre: « L'horrible effusion du sang humain, occasionnée par cette grande commotion, est un moyen terrible; cependant c'est un moyen autant qu'une punition, et il peut donner lieu à des réflexions intéressantes. »
Chapitre III. De la destruction violente de l'espèce humaine
Dans un certain sens, la guerre est l’état habituel du genre humain de notre époque. La paix n’est qu’un répit accordé de temps en temps.
Parcours des violences dans l’histoire du christianisme.
La guerre produit des effets différents, selon les circonstances. « […] lorsque l'âme humaine a perdu son ressort par la mollesse, l'incrédulité et les vices gangréneux qui suivent l'excès de la civilisation, elle ne peut être retrempée que dans le sang. »
L’extrême carnage va de pair avec l’extrême population.
« […] les véritables fruits de la nature humaine, les arts, les sciences, les grandes entreprises, les hautes conceptions, les vertus mâles, tiennent surtout à l'état de guerre. »
Il n'y a qu'un moyen de comprimer le fléau de la guerre, c'est de comprimer les désordres qui amènent cette terrible purification.
On arrive à la question des innocents qui sont sacrifiés à la guerre avec les coupables. Mais, dans toutes les religions antiques, et aussi dans le christianisme, existe le sacrifice de l’innocent pour les coupables.
La philosophie moderne dit que tout est bien, tandis que le mal a tout souillé, donc tout est mal, rien n’étant à sa place.
Il n’y a point de châtiment qui ne purifie, il n’y a point de désordre que Dien ne retourne contre le principe du mal.
Chapitre IV. La république française peut-elle durer?
Il faudrait poser la question comme ça: la république, peut-elle exister?
Il ne peut exister une grande nation libre sous un gouvernement républicain. L’expérience est ici parfaitement d’accord avec la théorie.
La république romaine signifiait un grand empire conduit par une poignée de républicains. Jamais dans l’histoire une grande république, donc un peuple d’égaux, n’a existé.
Le système représentatif n’est pas la découverte de la république, mais une pièce du système féodal: « L'autorité royale ayant formé les communes, les appela dans les assemblées nationales; elles ne pouvaient y paraître que par leurs mandataires: de là le système représentatif. Pour le dire en passant, il en fut de même du jugement par jurés. »
Sur l’impossibilité du régime représentatif: « Mais si l'on veut que tout le peuple soit représenté, qu'il ne puisse l'être qu'en vertu d'un mandat, et que tout citoyen soit habile à donner ou à recevoir de ces mandats, à quelques exceptions près, physiquement et moralement inévitables; et si l'on prétend encore joindre à un tel ordre de choses l'abolition de toute distinction et fonction héréditaire, cette représentation est une chose qu'on n'a jamais vue, et qui ne réussira jamais. »
Le peuple est toujours enfant, toujours fou et toujours absent.
Sur la démocratie américaine: « On nous cite l'Amérique: je ne connais rien de si impatientant que les louanges décernées à cet enfant au maillot: laissez-le grandir. »
Dans la république, la souveraineté du peuple est exclue. Le souverain sera toujours à Paris, le peuple étant parfaitement étranger au gouvernement, pendant que la construction « grande république » a autant de sens que « cercle carré ».
« Le mal n'a rien de commun avec l'existence; il ne peut créer, puisque sa force est purement négative: Le mal est le schisme de l'être; il n'est pas vrai. »
Ce qui distingue la révolution française par rapport aux autres événements de l’histoire est qu’elle est mauvaise radicalement, sans aucun élément de bien. La liberté apportée par la révolution commence par une gangrène.
Jugement sur la révolution française: « C'était un certain délire inexplicable, une impétuosité aveugle, un mépris scandaleux de tout ce qu'il y a de respectable parmi les hommes: une atrocité d'un nouveau genre, qui plaisantait de ses forfaits; surtout une prostitution impudente du raisonnement, et de tous les mots faits pour exprimer des idées de justice et de vertu. »
L’atrocité systématique, la barbarie savante, l’irréligion qui sont à la base de la révolution française seront aussi les causes de son extinction. Rien ne peut durer à partir de ces bases.
Chapitre V. De la révolution française considérée dans son caractère anti-religieux. - Digression sur le christianisme
Il y a dans la révolution française un caractère satanique, qui la distingue de tous les autres événements de l’histoire. Beaucoup de scènes, surtout celles concernant la déesse Raison, autorisent cette opinion.
Toutes les institutions doivent reposer sur une idée religieuse, ou passer. La raison humaine est essentiellement désorganisatrice, et ne peut servir de fondement. « Lorsqu'on réfléchit sur des faits attestés par l'histoire entière; lorsqu'on envisage que la chaîne des établissements humains, depuis ces grandes institutions qui sont des époques du monde, jusqu'à la plus petite organisation sociale, depuis l'empire jusqu'à la confrérie, ont une base divine, et que la puissance humaine, toutes les fois qu'elle s'est isolée, n'a pu donner à ses oeuvres qu'une existence fausse et passagère; que penserons-nous du nouvel édifice français et de la puissance qu'il a produite? Pour moi, je ne croirai jamais à la fécondité du néant. »
Sur une certaine attente: « Je suis si persuadé des vérités que je défends, que lorsque je considère l'affaiblissement général des principes moraux, la divergence des opinions, l'ébranlement des souverainetés qui manquent de base, l'immensité de nos besoins et l'inanité de nos moyens, il me semble que tout vrai philosophe doit opter entre ces deux hypothèses: ou qu'il va se former une nouvelle religion, ou que le christianisme sera rajeuni de quelque manière extraordinaire. »
Sur la liaison entre le christianisme et la Tradition Primordiale: « Cette religion ne s'arrête pas même à cette époque antique; arrivée à son fondateur, elle se noue à un autre ordre de chose, à une religion typique qui l'a précédée. L'une ne peut être vraie sans que l'autre le soit: l'une se vante de promettre ce que l'autre se vante de tenir; en sorte que celle-ci, par un enchaînement qui est un fait visible, remonte à l'origine du monde. EIle naquit le jour que naquirent les jours. »
Sur le christianisme: « Le christianisme a été prêché par des ignorants et cru par des savants, et c'est en quoi il ne ressemble à rien de connu. »
Chapitre VI. De l’influence divine dans les constitutions politiques
L’homme peut tout modifier dans la sphère de son activité, mais il ne crée rien.
Sur la genèse des constitutions: « Toutes les constitutions libres, connues dans l'univers, se sont formées de deux manières. Tantôt elles ont, pour ainsi dire, germé d'une manière insensible, par la réunion d'une foule de ces circonstances que nous nommons fortuites, et quelquefois elles ont un auteur unique qui paraît comme un phénomène, et se fait obéir. »
Aucune constitution ne résulte d’une délibération, mais d’un héritage dont l’origine est obscure.
Dans la formation des constitutions les circonstances font tout.
Les droits du peuplent partent de la concession des souverains, mais les droits du souverain n’ont ni date ni auteur.
Les concessions accordées par le souverain ne dépendent pas de lui, mais de la tradition.
Si les lois écrites proviennent d’un usage traditionnel, tout ne peut pas être écrit. Plus que cela, il y a dans chaque constitution quelque chose qui doit être laissé dans l’ombre, sous peine de renverser l’Etat.
Plus on écrit, plus l’institution est faible. La multiplicité des lois écrites prouve la multiplicité des chocs que la pratique de lois reçoive.
Nulle nation ne peut se donner la liberté si elle ne l’a pas. Chaque loi doit être le développement d’un état existant, même confus ou méconnu.
« Lorsque la Providence a décrété la formation plus rapide d'une constitution politique, il paraît un homme revêtu d'une puissance indéfinissable: il parle et il se fait obéir: mais ces hommes merveilleux n'appartiennent peut-être qu'au monde antique et à la jeunesse des nations. » Ces législateurs ne font que rassembler des éléments préexistants.
La liberté, dans un sens, est un don des rois, car toutes les nations libres furent constituées par les rois.
Une assemblée quelconque d’hommes ne peut constituer une nation.
Les véritables législateurs ne sont pas des savants. Les législateurs n’écrivent point de livres, ils agissent, avec une force morale qui fait faiblir les autres volontés.
« Il y a entre la politique théorique et la législation constituante, la même différence qui existe entre la poétique et la poésie. »
« […] il n'y a point d'homme dans le monde. J'ai vu, dans ma vie, des Français, des Italiens, des Russes, etc.; je sais même, grâces à Montesquieu, qu'on peut être Persan: mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie; s'il existe, c'est bien à mon insu. »
Sur le caractère abstrait de la constitution française: « Cette constitution peut être présentée à toutes les associations humaines, depuis la Chine jusqu'à Genève. Mais une constitution qui est faite pour toutes les nations, n'est faite pour aucune: c'est une pure abstraction, une oeuvre scolastique faite pour exercer l'esprit d'après une hypothèse idéale, et qu'il faut adresser à l'homme, dans les espaces imaginaires où il habite. »
Chapitre VII. Signes de nullité dans le gouvernement française
Le législateur ressemble au Créateur; il ne travaille pas toujours; il enfante, et puis il se repose.
Le nombre gigantesque des lois modernes montre qu’il n’y a pas de législateur.
Sur l’exacerbation de l’appareil bureaucratique républicain: « Tout annonce que la nature n'est pour rien dans ces mouvements; car le premier caractère de ses créations, c'est la puissance jointe à l'économie des moyens: tout étant à sa place, il n'y a point de secousses, point d'ondulations; tous les frottements étant doux, il n'y a point de bruit, et ce silence est auguste. »
La philosophie moderne est trop matérielle et trop présomptueuse pour comprendre les ressorts de la politique.
Nulle grande institution ne résulte d’une délibération.
Comparaison entre le système législatif anglais et français: « L'Anglais, libre par la loi et indépendant par sa fortune, qui vient à Londres représenter la nation à ses frais, a quelque chose d'imposant. Mais ces législateurs français qui lèvent cinq ou six millions tournois sur la nation pour lui faire des lois; ces facteurs de décrets, qui exercent la souveraineté nationale, moyennant huit myriagrammes de froment par jour, et qui vivent de leur puissance législatrice; ces hommes-là, en vérité, font bien peu d'impression sur l'esprit; et lorsqu'on vient à se demander ce qu'ils valent, l'imagination ne peut s'empêcher de les évaluer en froment. »
Tout représentant d’une souveraineté fausse ne peut exciter que la curiosité ou la terreur.
Sur les costumes: « Un habit ordinaire, contemporain d'un grand événement, peut être consacré par cet événement; alors le caractère dont il est marqué le soustrait à l'empire de la mode: tandis que les autres changent, il demeure le même, et le respect l'environne à jamais. C'est à peu près de cette manière que se forment les costumes des grandes dignités. »
La victoire dans les batailles ne garantit pas la survie de la république, parce que ce n’est pas la guerre qui assure la survie, mais la paix.
L’Amérique anglaise avait un roi, dont elle ne voulait pas. Elle a hérité la démocratie, telle qu’elle était dans la métropole.
Chapitre VIII. De l'ancienne constitution française. - Digression sur le Roi et sur sa déclaration aux Français du mois de juillet 1793
Sur l’ancienne constitution française (celle d’avant la revolution), certains ont prétendu qu’il n’y en avait pas, d’autres qu’il y en avait.
Ceux qui ont prétendu qu’il n’y avait point de constitution se sont trompés, parce qu’ils ont pris en consideration uniquement les lois écrites et les deliberations.
Le sacerdoce était en France monarchique une des colonnes qui soutenaient le trône.
Il y avait des lois que même les rois ne pouvaient transgresser, les soi-disantes lois du royaume, qui n’étaient pas les lois du roi.
Analyse des fragments des lois monarchiques.
« S'il est un lieu commun dans la morale, c'est que la puissance et les grandeurs corrompent l'homme, et que les meilleurs Rois ont été ceux que l'adversité avait éprouvés. »
La liberté n’est pas quelque chose d’absolu, mais quelque chose susceptible de plus ou de moins. L’art du législateur n’est pas de rendre le people libre, mais assez libre.
L’arbitraire est un domaine comun, auquel tout le monde a un droit égal. La force du roi est la force de la Tradition.
Analyse sur les discourse de Louis XVIII.
Chapitre IX. Comment se fera la contre-révolution, si elle arrive?
Le people n’est pour rien dans les revolutions, ou seulement comme instrument passif.
En politique comme en mécanique, les théories trompent, si l'on ne prend en considération les différentes qualités des matériaux qui forment les machines.
Les efforts du people pour atteindre un objet sont précisément les moyens que la Providence employe pour l’en éloigner.
« Mais c'est surtout dans l'établissement et le renversement des souverainetés que l'action de la Providence brille de la manière la plus frappante. Non seulement les peuples en masse n'entrent dans ces grands mouvements que comme le bois et les cordages employés par.un machiniste; mais leurs chefs même ne sont tels que pour les yeux étrangers: dans le fait, ils sont dominés comme ils dominent le peuple. Ces hommes qui, pris ensemble, semblent les tyrans de la multitude, sont eux-mêmes tyrannisés par deux ou trois hommes, qui le sont par un seul. Et si cet individu unique pouvait et voulait dire son secret, on verrait qu'il ne sait pas lui-même comment il a saisi le pouvoir; que son influence est un plus grand mystère pour lui que pour les autres, et que des circonstances qu'il n'a pu ni prévoir ni amener ont tout fait pour lui et sans lui. »
Chaque peuple a une constitution naturelle, beaucoup plus importante que la constitution écrite, qui n’est que du papier.
Chapitre X. Des prétendus dangers d’une contre-révolution
01. Considérations générales
On insiste sur les prétendus dangers d’une contre-révolution pour justifier l’idée de ne pas revenir à la monarchie.
Sophisme: étant donné que la monarchie ne peut revenir qu’appuyée de beaucoup de revolutions, et que les revolutions sont accompagnées de beaucoup de maux, il s’ensuit qu’il serait preferable de garder la république.
Les mots engendrent presque toutes les erreurs.
La contre-révolution n’a rien d’une revolution, tout comme le retour de la maladie à la santé n’a rien du passage de la santé à la maladie.
« Pour faire la révolution française, il a fallu renverser la religion, outrager la morale, violer toutes les propriétés, et commettre tous les crimes: pour cette oeuvre diabolique, il a fallu employer un tel nombre d'hommes vicieux, que jamais peut-être autant de vices n'ont agi ensemble pour opérer un mal quelconque. Au contraire, pour rétablir l'ordre, le Roi convoquera toutes les vertus; il le voudra, sans doute; mais, par la nature même des choses, il y sera forcé. Son intérêt le plus pressant sera d'allier la justice à la miséricorde; les hommes estimables viendront d'eux-mêmes se placer aux postes où ils peuvent être utiles; et la religion, prêtant son sceptre à la politique, lui donnera les forces qu'elle ne peut tenir que de cette soeur auguste. »
Sans Dieu, l’homme n’est fort que pour construire.
« Le règne de Robespierre a tellement écrasé ce peuple, a tellement frappé son imagination, qu'il tient pour supportable et presque pour heureux tout état de choses où l'on n'égorge pas sans interruption. »
L’opinion est la fibre sensible de l’homme. On lui fait pousser des hauts cris quand on le blesse dans cet endroit.
La monarchie est le gouvernement qui donne le plus de distinction à un plus grand nombre de personnes.
La république, par sa nature, est le gouvernement qui donne le plus de droits au plus petit nombre d'hommes qu'on appelle le souverain, et qui en ôte le plus à tous les autres qu'on appelle les sujets. Plus la république approchera de la démocratie pure, et plus l'observation sera frappante.
Sur l’impossibilité d’occuper certaines fonctions dans la monarchie: « Il y a trop de mouvement dans l'État, et pas assez de subordination, lorsque tous peuvent prétendre à tout. L'ordre exige qu'en général les emplois soient gradués comme l'état des citoyens, et que les talents, et quelquefois même la simple protection, abaissent les barrières qui séparent les différentes classes. De cette manière, il y a émulation sans humiliation, et mouvement sans destruction; la distinction attachée à un emploi n'est même produite, comme le mot le dit, que par la difficulté plus ou moins grande d'y parvenir. »
Le pouvoir est à la portée de tout le monde, depuis qu’il est place dans la poussière.
2. Des biens nationaux
On a effrayé les Français que la restauration signifie aussi la restitution des biens nationaux.
3. Des vengeances
Un autre épouvantail agité contre le retour du roi est celui des vengeances dont ce retour doit être accompagné.
En réalité, un gouvernement légitime a le droit et le pouvoir de proclamer l’amnistie.
Le souverain le plus puissant n'a que deux bras; il n'est fort que par les instruments qu'il emploie, et que l'opinion lui soumet.
Il est des propositions vraies, dont la vérité n’a qu’une époque.
Il n'y a point de hasard dans le monde, et même dans un sens secondaire il n'y a point de désordre, en ce que le désordre est ordonné par une main souveraine qui le plie à la règle, et le force de concourir au but.
M. de Saint-Pierre a observé quelque part, dans ses Études de la Nature, que si l'on compare la figure des nobles français à celle de leurs ancêtres, dont la peinture et la sculpture nous ont transmis les traits, on voit à l'évidence que ces races ont dégénéré. Il y a dans chaque État un certain nombre de familles, qu'on pourrait appeler co-souveraines, même dans les monarchies; car la noblesse, dans ces gouvernements, n'est qu'un prolongement de la souveraineté. Ces familles sont les dépositaires du feu sacré; il s'éteint lorsqu'elles cessent d'être vierges.
L’histoire assiste aussi au mouvement contraire: certaines familles s’élancent dans le service de l’Etat, grâce à un anoblissement naturel, que le roi valide ultérieurement.
Un des textes favoris de la philosophie moderne est celui du hasard des naissances. Il n’y a pas plus de hasards sur ce point que sur d’autres. Il y a des familles nobles, comme il y a des familles souveraines.
Lorsque le sacerdoce est membre politique de l'État, et que ses hautes dignités sont occupées, en général, par la haute noblesse, il en résulte la plus forte et la plus durable de toutes les constitutions possibles.
« Le rôle joué par quelques nobles dans la révolution française est mille fois, je ne dis pas plus horrible, mais plus terrible que tout ce qu'on a vu pendant cette révolution. »
Il existe une loi invariable de la révolution française qui veut que tout se fasse malgré les hommes, et contre toutes les probabilités.
L’anarchie nécessite la vengeance, l’ordre l’exclut sévèrement.
Chapitre IX. Fragment d'une histoire de la révolution française, par David Hume
Citations de l'édition anglaise de Bâle, 12 volumes in-8o, chez Legrand, 1789.
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