26 juin 2017

Martin Lings, Croyances anciennes et superstitions modernes (note de lectura)

Pardès, 1987

Titre original: Ancient Beliefs and Modern Superstitions

Préface

Le culte de notre siècle est le culte de nous-mêmes, une inflation psychique tout à fait incompatible avec l’intelligence véritable.

Il est possible d’apprécier les avantages du présent, à la seule condition que nous voyions notre époque telle qu’elle est.


Chapitre I. Le passé à la lumière du présent

Question: y a-t-il vraiment incompatibilité entre la religion et la science?

Nos ancêtres avaient une perception plus qualitative du temps que nous, c’est-à-dire un sens plus aigu de ses rythmes.

La perspective du monde ancien: c’est seulement après avoir accordé à l’humanité plusieurs milliers d’années de bien-être spirituel que Dieu lui permit de passer par une période relativement courte de déclin, ou lui permit de « vieillir ». <= c’est la tradition des quatre âges du cycle temporel;
L’Hindouisme possède la tradition la plus explicite des cycles temporels.

La tradition antique et universelle des quatre âges suggère une interprétation allégorique plutôt que littérale de la Genèse. Le nom d’Adam peut désigner non seulement le premier homme mais aussi l’ensemble de l’humanité primordiale.

Toutes les religions parlent de la perfection de l’homme primordial et de sa chute. Les religions sont unanimes à enseigner l’involution, et non l’évolution.

Beaucoup d’hommes de science on projeté leurs instincts religieux sur l’évolutionnisme.

La théorie de Darwin dut son succès à la conviction largement répandue que l’Européan du XIXe siècle représentait le type humain le plus achevé alors atteint. Elle fut aussitôt saluée par les humanistes comme une confirmation scientifique de leur croyance au « progrès ».

Le meilleur milieu pour l’homme est son milieu primordial.

L’agriculture, après qu’un certain degré de développement eut été atteint, loin de constituer un quelconque « progrès », représenta « le premier pas » de la phase finale dans la dégénérescence humaine.

Caïn représente l’agriculture en ce qu’elle se distingue de la chasse et de l’élevage. C’est Caïn qui construisit les premières cités et commit le premier crime.

Dans le monde ancien, de même que l’état de berger fut toujours associé à l’innocence, de même les villes furent toujours considérées, relativement parlant, comme des lieux de corruption.

Les Druides considéraient que confier les doctrines sacrées à l’écriture reviendrait à les profaner.
Sans l’écriture la mémoire est parfaite, la tradition exacte.

L’imprimérie a transformé le monde moderne en un véritable fatras de livres inutiles.

Dans le Judaïsme, il est enseigné que c’est par une Révélation Divine qu’Adam apprit la langue véritable, c’est-à-dire la langue dans laquelle le son correspondait exactement au sens.

Chaque langue dont nous avons connaissance est une forme dégradée d’une langue plus ancienne et plus nous remontons au passé, plus la puissance de la langue devient impressionnante.

La religion nous dit qu’il existe un moyen pour les individus d’échapper à la tendance descendante collective, et qu’il est possible à certains d’y résister, à d’autres même d’aller à contre-courant, et à une élite d’en triompher tout à fait en remontant, en cette vie même, jusqu’à la source elle-même.


Chapitre II. Les rythmes du temps

Les Anciens, partout dans le monde, croyaient en l’établissement primordial soudain sur la terre de la perfection humaine, un sommet d’où seule la chute est possible.

Les événements capitaux des trois dernières millénaires, les missions de Bouddha, du Christ et de Mahomet furent des interventions soudaines, en opposition avec la tendance générale des événements.

Le rythme « Dieu-homme », cette soudaine élévation suivie d’une chute graduelle, l’association de ce qui est au-dessus du temps et de ce qui lui est soumis, pourrait être décrit en termes de saisons comme un printemps soudain précédant un été, à la suite duquel un automne s’installe peu à peu.

Plus l’homme est inspiré, au vrai sens du terme, plus ses activités échappent au rythme inférieur et se conforment au rythme supérieur.

Toutes les civilisations dont l’homme a gardé la mémoire furent pénétrées par un sentiment général d’imperfection, le sentiment d’une chute bien loin d’un idéal.

Selon la tradition juive, si Adam ne possédait pas au début « la connaissance du bien et du mal », il surpassait même les anges dans sa connaissance de Dieu.

Le point de jonction des deux natures, le sommet de l’âme, qui est aussi son centre, - car le Royaume des Cieux est à « l’intérieur » aussi bien qu’« au-dessus » - est ce que la plupart des religions nomment le Cœur; le Cœur est le trône de l’Intellect, au sens où le mot Intellectus était employé tout au long du Moyen Age, c’est-à-dire la faculté « solaire » qui perçoit directement les vérités spirituelles à la différence des facultés « lunaires »: raison, mémoire et imagination, qui sont les reflets différenciés de l’Intellect.

Ce fut l’indépendence du mental, représentée par l’« égarement de la Lune », qui fournit la possibilité d’impulsions et d’actions purement profanes.


Chapitre III. Le présent à la lumière du passé

Le monde moderne enregistre un intérêt développé pour les moyens d’élever le corps dans les airs. C’est le désir subconscient de recouvrir ce qui a été perdu par la Chute.

Une superstition est quelque chose du passé qui « demeure » et qui continue d’exister, sans être compris.

Durant les 400 dernières années, la pensée occidentale a été de plus en plus dominée par l’humanisme qui ne repose pas sur le concept de l’« Homme véritable » mais sur celui de « l’homme tel que nous le connaissons », le membre suprême du règne animal.

Les communistes parlent de bienfaits « spirituels ». S’il existe une œuvre d’art nébuleusement dépourvue de signification, les critiquent n’hésitent pas de l’appeler « mystique ». Ce sont des abus de langage.

Selon les Purânas hindoues, la maladie corporelle était inconnue jusqu’à une époque avancée du Dwâpara Yuga, c’est-à-dire l’Age de Bronze, le troisième des quatre âges. Les premiers guérisseurs étaient des prêtres, et leur science était liée à la religion.

En un sens supérieur, la majesté est un reflet de l’Absolu et de l’Eternel. La beauté comprend explicitement toutes les vertus et reflète la Richesse et la Bonté Infinie de Dieu.

La cause principale de la maladie chez l’homme est la perte de la relation directe, en lui-même, entre ce monde et l’autre, et la perte, par conséquent, de la sensibilité de l’âme au magnétisme divin du Cœur qui seul peut faire contrepoids à l’impulsion extériorisante à laquelle toute création est soumise.

Si les Anciens, d’une manière générale, ne savaient pas que la Terre tourne autour du Soleil, ils savaient fort bien que l’âme individuelle, qui correspond à la Terre, tourne autour du soleil intérieur, en dépit de l’illusion selon laquelle l’ego humain est lui-même un centre indépendant, illusion à laquelle l’homme déchu est, par définition, soumis.

Le vol dans les airs, la guérison des malades et la connaissance de ce qui est central et périphérique sont trois exemples de possibilités qui, étouffées ou réprimées à un niveau supérieur, se sont développées séditieusement à un niveau inférieur.

La vertu de l’espérance consiste à considérer la vie humaine comme un voyage qui mène à la satisfaction infinie et éternelle de tous les désirs possibles, pourvu que certaines conditions, ne dépassant pas nos capacités, soient remplies.

L’agnostique et l’athée sont libres de s’amputer d’un membre, mais ils ne peuvent pas, en refusant de croire au Transcendant, se débarrasser de ces éléments psychiques dont la fonction normale est d’être les véhicules de l’aspiration vers le Transcendent.


Chapitre IV. Liberté et égalité

Le monde d’aujourd’hui est un chaos d’opinions et d’aspirations désordonnées: le soi-disant « monde libre » est un chaos fluide; la partie totalitaire du monde est un chaos rigide. Par opposition, le monde ancien constituait toujours un ordre, c’est-à-dire une hiérarchie de concepts, chacun au niveau qui lui est propre.

Le désir de liberté est avant tout le désir de Dieu, la Liberté Absolue étant un aspect essentiel de la Divinité.

Les plus grands saints sont égaux, en vertu de l’égalité de leur vacuité, qui reçoit la Plénitude de l’Infini; et cette égalité a, en deçà de son aspect divin, ce qu’on pourrait appeler un aspect céleste.

Le « système des castes » fut un moyen, parmi d’autres, de sauvegarder autant que possible tout ce qui restait d’excellence et de le mettre en mesure de profiter de la meilleure manière à l’ensemble de la société.

L’existence des castes inférieures, anormale en elle-même, devient normale à la fin d’un cycle temporel. Le monde ancien était préoccupé par sa propre conservation et cherchait la meilleure façon d’endiguer le flot de la dégénérescence, c’est-à-dire de freiner la multiplication de types humains inférieurs et de ralentir le mouvement descendant qu’il savait être inévitable.

En considérant la manière dont il serait possible de constituer un Etat idéal, Platon parle d’« aristocratie », mais de la description qu’il fait de ces aristocrates, il est clair qu’il ne s’agit rien moins que de saints. L’Etat de Platon est une théocratie.

Les plus mauvais papes et les plus mauvais califes de l’Islam furent incomparablement moins dévastateurs que des hommes comme Henri VIII, Ataturk et les autres inaugurateurs du triste désespoir laïques.


Chapitre V. Intellect et raison

Selon la doctrine des correspondances entre le macrocosme et le microcosme, les détenteurs du pouvoir temporel, c’est-à-dire le roi et ses délégués, sont l’équivalent, dans le macrocosme, de la faculté de raison dans le microcosme, tandis que les représentants de l’autorité spirituelle correspondent à l’Intellect.

La religion est l’extériorisation partielle de l’intellect, rendue nécessaire parce que l’homme a perdu contact avec l’Intellect qui est en lui.

L’âme comprend la raison, l’Esprit comprend l’Intellect.

La pensée à trois dimensions, le seul mode de pensée qui puisse être considéré comme intellectuel, signifie ne rien juger entièrement selon les apparences, mais toujours se référer, suivant la troisième dimension, à un principe supérieur.

Le rationaliste est celui dont la raison refuse d’accepter l’autorité de quelque chose qui lui est supérieur.

Le roi Jacques Ier: « pas d’êveque, pas de roi ».

Si la raison se révolte contre l’Intellect, alors l’imagination et l’émotion se révoltent contre la raison.
L’accomplissement régulier des rites, qui seul peut mettre en mouvement un flux et un reflux rythmiques entre les deux mondes, est la base de toute vie spirituelle, car c’est seulement en maintenant un perpétuel « va et vient » dans le canal entre l’âme et l’Esprit, entre le mental et l’Intellect, que ce canal pourra être débarrassé une fois de plus de tout ce qui l’obstrue.


Chapitre VI. La jonction des extrêmes

Bien des choses indiquent que le présent âge approche de sa conclusion – une conclusion qui sera elle-même la grande jonction des extrêmes – et parmi ces « signes des temps » il faut compter les petites jonctions des extrêmes.


Aujourd’hui les hérésies sont tout aussi accessibles que les religions authentiques.

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