08 juin 2005

Jacques Rogissart, René Guénon, sociologue, (note de lectura)

Paru en La Revue Générale, septembre-octobre 2002.
René Guénon (1886-1951) exécrait les sciences humaines. „Car il ne se voulait que métaphysicien, connaisseur d’une métaphysique étrange, inclassable, où chrétiens, francs-maçons, musulmans, hindous, déistes, agnostiques ou athées trouvent des échos à leurs préoccupations pour peu qu’ils se frottent à l’ésotérisme.” (p. 31)
„Ce Tourangeau écrit dans un français limpide, ce féru de mathématiques est un logicien auquel il faut souvent rendre les armes de la pensée; les brouillard et le jargon obscur d’un occultisme de pacotille ne sont point son fait et il en a souvent raillé le ridicule. Il n’a même aucune pitié pour la subjectivité et l’émotion dévotionnelle.” (p. 31)
La vérité provient de la Tradition primordiale de valeur universelle.
La vérité est encore accessible en Orient par une intuition suprasensible assez répandue là-bas, mais en Occident uniquement par une exégèse ésotérique du christianisme et par deux filières initiatiques, la franc-maçonnerie et le compagnonage, quoiqu’il dénonce l’ignorance et la profanisation des adeptes.
„[…] l’Occident moderne s’éloigne toujours plus vite de toutes les formes de spiritualité et s’abandonne à une agitation croissante dans la dispersion de sa pensée et de ses actes, non sans que pénètre en lui une anxiété lancinante.” (p. 32)
Il se souciait comme un poisson d’une pomme de l’analyse sociale et de la prévision politique.
Il a réfusé l’entraînement dans toutes les idéologies réactionnaires.
„Ses conversions furent toutes spirituelles. Né dans une famille ardemment catholique, il fut déçu par l’évolution séculière et par ce qui lui semblait l’excès d’exotérisme de cette religion. Il tâta de la franc-maçonnerie sur l’ésotérisme de laquelle il écrivit des pages qui font encore autorité, mais sa profanisation à outrance sous la IIIe République ne pouvait que le révulser. Finalement, il embrassa l’islam des soufis, secrètement d’abord, puis ouvertement après le décès de sa première femme, catholique pratiquante. Les plus grands docteurs de l’université d’El-Azhar ne tardèrent pas à le reconnaître comme un de leurs pairs et il prit la nationalité égyptienne pour manifester son immersion dans un Orient d’où il pouvait le mieux contempler la Traditions des origines.” (p. 32)
„[…] cet homme étrange qui a vingt ans possède à fond les grandes langues mortes et vivantes du monde, qui se hisse à vingt-cinq au niveau des meilleurs indologues – l’élite hindoue lui accorde alors une estime qui ne faiblira pas – et qui est, dès la trentaine, un merveilleux «comparatiste», brassant une matière énorme rassemblée à partir des religions, philosophies et enseignements dérivés de toute la planète.” (p. 33)
Il ne faut pas confondre la fin du monde avec la fin d’un monde.
La connaissance européene:
○ la recherche pour la recherche, faite de succession de plus en plus rapide de théories et d’hypothèses sans fondement qui, à peine édifiées, s’écroulent pour être remplacées par d’autres qui dureront moins encore;
○ assujettissement du chercheur à l’utilitarisme le plus immédiat;
○ le danger de réalisations dangereusements incontrôlables.
L’économie et la finance ont mis le grappin sur la recherche fondamentale.
L’individualisme c’est le triomphe de la démocratie, avec la négation des hiérarchies sociales. Il engendre des tensions sociales.
Traits du monde moderne:
○ sacrifice des spécificités individuelles à des modèles uniformisants;
○ encadrement des masses par de mauvaises hiérarchies fondées sur l’ignorance, sur le mensonge et l’argent;
○ subjugation de la compétence par le discours etc.
La religions chez les modernes, par R. Guénon: „[…] quelques notions apprises par cœur, d’une façon toute scolaire et machinale, qu’ils ne se sont nullement assimilées, auxquelles ils n’ont même jamais réfléchi le moins du monde, mais qu’ils gardent dans leur mémoire et qu’ils répètent à l’occasion parce qu’elles font partie d’un certain formalisme, d’une attitude conventionnelle qui est tout ce qu’ils peuvent comprendre sous le nom de religion.” (p. 35-36)
La profusion de biens matériels engendrée par le monde moderne naît de continuelles frustrations, soit par sentiment de privation, soit par mobilité du désir. D’où une agitation continuelle pour gagner de l’argent.
L’époque est à la vulgarisation de la connaissance puisque l’esprit moderne professe que tout intellectuellement est à la portée de tout le monde. Guénon y voit un encouragement à la superficialité et un danger de plus de la mise à la disposition d’incompétents de pouvoirs techniques dont ils pourraient mésuser.
Uniformisation et vulgarisation ont engendré la haine du secret et l’horreur du mystère.
„Le contraste spirituel entre un Occident malade d’amnésie de la Tradition et un Orient resté en phase avec cette dernière est un des grands thèmes récurrents de l’œuvre guénonienne.” (p. 39)
„Guénon est un ébranleur de certitudes. S’il est encore prisé par un vaste public d’agnostiques, d’athées et de religieux, c’est parce qu’il posait les grandes problèmes de la métaphysique en des termes qui trancendent les clivages de cet ordre pour susciter, sans outrage à la raison, des questionnements intimes. Ethnologues, historiens et philosophes (des espèces dont il avait horreur!) ont une dette envers lui pour avoir lumineusement capté l’essence des initiations et du sens des symboles.” (p. 41)

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