26 février 2017

Matgioi, La Voie rationnelle (note de lectura)

1907
Chapitre I. Laotseu
L’orgueil individuel est la chose qui est, dans toute la race jaune, la plus inconnue.
Le respect des Ancêtres morts.
La solidarité avec les vivants.
Dans la caste philosophique, on s’applique moins à être l’inventeur hardi de nouvelles conceptions que le fils pieux et le gardien incorruptible de la conception primitive et traditionnelle.
Tous les systèmes philosophiques chinois sont issus du premier système philosophique qui fut exprimé, c’est-à-dire du Yiking de Fohi et de Wenwang.
Tous les chefs d’école se sont déclarés modestement des « frères cadets » des grands maîtres du passé. Ils ont déclaré apporter une adaptation adéquate à l’époque, se défendant de la moindre innovation.

La vie des philosophes est marquée par une totale absence de prétentions, dans un éloignement calculé du bruit, des honneurs et des tragédies, conforme à la moyenne de l’existence des hommes de leur époque. Leur biographie s’inscrit en dix lignes.
Il faut retenir que le Tao et le Te (la Voie et la Vertu), seuls livres émanés directement de Laotseu en personne, furent écrits avant qu’il quittât l’Empire, et sans qu’il l’ait jamais quitté. Son enseignement est issu de la seule tradition primordiale, pieusement conservée par les Jaunes, et dont l’expression la plus exacte est Yiking.
Ce qui distingue la tradition des Jaunes de tous les autres systèmes que reçut et forgea la pensée humaine, c’est son extrême simplicité dans l’absence de toute affabulation mythique. Dépourvu, et complètement dédaigneux de toute espèce de merveilleux, Laotseu naquit, vécut et mourut comme un homme.
Au lieu de descendre à l’humanité avec des moyens divins, il monta à la divinité par des moyens humains.
Quand Laotseu obtint l’état de connaissance, il disparut du milieu de ses semblables, et acheva sa vie dans le silence complète d’une retraite ignorée de tous. Il se jugeait inutile dans la foule.
Les savants de la race blanche se sont presque exclusivement occupés des doctrines de Kongtseu (Confucius), concrètes, faciles à déterminer, et dont les applications continues et pratiques venaient à chaque instant en concurrence avec la propagande chrétienne.
L’enseignement de Laotseu, renfermé par son créateur dans quelques formules générales, confié seulement par Laotseu à deux adeptes, et qui ne renfermait que l’expression la plus exacte possible des vérités traditionnelles et des principes immuables, ne devait avoir qu’une influence cachée, puisque, par sa difficulté même, le nombre des adeptes ne pouvait être que tout à fait restreint.
Les Confucianistes se reconnaissent par leur verbiage et leur pusillanimité (excès de la propagande), et les Taoïstes par leur énergie et leur intransigeance (excès de l’isolement).
Les signes de l’intellectualisme instinctif et sans bases: l’éloquence paradoxale, la rhétorique aimable, le sentimentalisme.
Les empereurs taoïstes ont brûlé les livres des confucianistes. Furent brûlés tous les commentaires, tous les pamphlets, toutes les glosses paradoxales, tous les écrits pointilleux, tendancieux et analytiques, qui n’étaient que des simples commérages, et dont la perte ne fut sensible que pour ceux qui les écrivirent.
Pendant deux siècles, le taoïsme fut la doctrine impériale. Après, la liberté d’écrire fut rétablie. Les rhéteurs apparurent et reprirent leur domination. Les souverains se dégradèrent. Les sages taoïstes fondèrent les sociétés secrètes, qui subsistent aujourd’hui encore (ex: Wouweïkiao, la Société du Grand Vide).
Pendant la période où la Chine a été dépecée en quatre royaumes, les souverains et leurs conseils comprirent que la doctrine de Laotseu et celle de Kongtseu devaient être enseignées concurremment.
La doctrine de Kongtseu  a reçu les honneurs officiels, publics et nombreux, qui convenaient à une science concrète, facile, profitable à tous, populaire et respectable.
Il existe un principe universel qui veut que la science intégrale ne soit communiquée qu’à un petit nombre, et qu’on fasse profiter la multitude seulement des conséquences heureuses et des bénéfices terrestres que les adeptes de la science savent tirer d’elle.
La doctrine de Laotseu vit arriver sans envie et sans crainte les prêtres qui répandirent dans le Céleste Empire la doctrine de Fo (Bouddhisme indien), la philosophie de la nature (Confucianisme matérialiste), le Lamaïsme primitif (enseingnement de Pa-sse-pa), et le culte de Tathsin (religion des Guèbres).
Quand la dernière dynastie chinoise este remplacée violemment par une dynastie mongole (le premier souverain est Khoubïlaï, le petit-fils de Gengiskhan), toutes les écoles taoïstes ont été honnies, tous les livres brûlés, sauf les écrits de Laotseu lui-même.
Avec la dynastie nationale Ming, le taoïsme reprit sa place discrète, ignorée et tout-puissante auprès du trône.
De la société secrète « Raison céleste » sont sortis tous les grands mouvements qui maintiennent l’âme chinoise dans la Voie traditionnelle.

Chapitre II. Les Concordances Taoïstes
Pauthier – la doctrine de Laotseu est un Christianisme primitif.
Sou-Tong-po - « il n’y a pas une seule proposition de Laotseu qui ne puisse s’accorder avec la doctrine de Bouddha ».
Père Hue, missionnaire chrétien – Laotseu est « un précurseur des Esséniens, dont Jésus fut le révélateur ».
Montucci - « beaucoup de passages de Laotseu sont si clairs, que quiconque aura lu ce livre ne pourra douter que le mystère de la Très Sainte Trinité n’ait été révélé aux Chinois plus de cinq siècles avant la venue de Jésus-Christ ».
Ainsi, les Chrétiens prétendent que Laotseu fut inspiré par les Chrétiens; les Bouddhistes, par les Bouddhistes; les Gnostiques et les Esséniens, par les Thérapeutes; et les Catholiques par les Juifs, par Pythagore et par Platon. Ce n’est que l’hommage solennel, universel et imprévu à l’intelligence de cet homme.
Laotseu a dit: « Je ne fais qu’enseigner ce que les hommes ont déjà enseigné avant moi. »
Quand on dit d’un savant chinois qu’il a rompu tout lien traditionnel, on lui adresse la pire des injures, et, de plus, on a toutes chances de ne pas dire la vérité.
Ceux qui lisaient les livres de Laotseu y reconnaissaient, sous des voiles nouveaux, la Tradition primordiale.
Khien – Volonté céleste non manifestée; le premier hexagramme  de Fohi; la représentation graphique de l’Eternel Infini; dans la science des nombres, il est le zéro.
Khouen – principe de passivité, ou perfection agie par le principe d’activité.
La doctrine de Fohi et la doctrine de Laotseu sont une seule et même doctrine. Là où Fohi s’exprime dans le seul souci de la synthèse universelle, Laotseu s’exprime dans le souci de l’ésotérisme ascétique.

Chapitre III. Le Tao
L’œuvre de Laotseu comporte trois traités succints, dont les deux premiers (Tao – livre de la Voie et Te – livre de la Vertu) sont l’œuvre du maître. Le troisième (Kan-Ing – livre des Sanctions) est une tradition orale.
Lutte matérielle, passion sentimentale, révolte intellectuelle, tels sont les trois déplorables états créés par l’action, même jugée bonne par la conscience, et par la répétition de l’action.
La possession des richesses est contraire à la clarté de l’esprit.
Le mouvement hélicoïdal de l’évolution universelle
L’humanité distingue dans la Voie des images physiques, des êtres animés individuels, et une essence générale éternelle.
Principe universel: l’intention vaut l’acte.
La Voie donne naissance au ternaire des grandeurs:
a) le Ciel  - le positif, l’activité;
b) la Terre – la passivité, la manifestation;
c) le Roi – l’« Homme Universel ».
La douceur du puissant, l’obscurité de l’illustre, le silence du Sage, quand ils sont perpétuels et volontaires, sont la source de la vertu la plus constante et du bonheur parfait.
Les hommes primitifs agissaient suivant la Voie sans la connaître. Mais, du jour où ils surent qu’il était une Voie, et qu’ils cherchèrent à la suivre, alors ils la perdirent.

Chapitre IV. Le Te
Le Tao est le principe, le Te en est l’application.
Le Te est le livre de la raison, d’après lequel l’humain peut composer ses idées, ses moyens, et même sa conduite, du moment qu’il a connu Tao.
Le Té n’a aucun des caractères métaphysiques de Tao, il a tous les caractères rationnels d’un principe éternel et intangible, qui, pour le bien d’êtres parcellaires, se réduit à des contingences, et se resserre dans des limites formelles.
La Tradition primordiale émet le principe ternaire, en ayant soin toutefois de le séparer pieusement de l’Essence Une et Totale, et nous donne ce principe ternaire comme un éclaircissement.
Chaque acte porte avec lui le germe du futur, et la manifestation de l’acte déclenche nécessairement une sanction qui peut se produire immédiatement ou plus tard, mais dont le résumé accompagne l’auteur de l’action le long de sa personnalité.
Il faut que l’acte ne soit en rien modifié par les actes des autres, il faut donc, ou ne pas les connaître, ou les oublier profondément.

Chapitre V. Les Actions et les Réactions concordantes
Le Livre Kan-ing (le Livre des Sanctions) de Taï-Chang est le dernier des textes traditionnels du Taoïsme primitif. Ce texte n’est pas de Laotseu. Celui-ci est l’inspirateur de ce texte.
la vaniteuse ignorance de nos savants officiels
Le titre des traductions officielles: “Livre des Récompenses et des Peines”
Le titre correct devrait être: “Livre des Actions et des Réactions concordantes”
Les conséquences matérielles de l’acte humain ne peuvent dépasser la matière, ni dans le temps ni dans l’étendue. Les conséquences morales ou logiques de l’acte volontaire ne peuvent dépasser les limites où se meut la volonté et où se connaît la responsabilité de l’auteur.
L’acte humain, considéré comme source d’énergie s’irradiant en dehors du germe volontaire qui l’engendra, l’acte humain affecte tout ce qui est de sa nature, c’est-à-dire tout ce qui est humanité, et tout ce qui est énergie.
Chaque acte humain a deux vibrations: toutes deux bien entendu contingentes: l’une, toujours distincte, dans l’âme volontaire de chaque individu, l’autre, toujours générale, dans l’âme psychique universelle.
L’aura des volontés individuelles de l’homme est la somme des projections extérieures de tous ses actes raisonnés.
L’énergie développée par l’acte humain, et portée à l’extrêmité de son action (kan), révolue, par un mécanisme cosmique obligatoire et général, auquel rien de ce qui existe ne se soustrait, puisque ce mécanisme est la substance même de l’existence; et ce retour d’énergie constitue immédiatement la réaction cosmique (ing) de l’action humaine.
Pendant son influence en retour sur l’humanité, l’ing est temporaire et contingent, individuel et affectif. Il se manifeste sur le plan humain comme une sanction (récompense ou peine), mais comme une sanction de valeur correspondante à la responsabilité, et à l’intérieur des mêmes limites.
« Chaque acte porte en soi sa récompense ou son châtiment » - c’est dans le plan où l’acte fut commis que la sanction atteint l’auteur de l’acte.
La loi des séries: nul acte n’est indépendant de la série précédente et de la série suivante, ses éléments de causalité et de responsabilité ont des racines multiples et lointaines. La sanction qui lui est appliquée immédiatement est solidaire, non seulement des sanctions antécédentes et subséquentes, mais de toutes les réactions qui ne sont pas des sanctions.
Les énergies de la justice universelle qui affectent tout être en dehors du composé humain, ne sont point des sanctions, mais bien seulement des influences psychiques ou cosmiques indifférentes à l’état humain et à ce qui s’y passe.
Le cycle évolutif est ascensionnel, c’est-à-dire que, quelle qu’ait été la somme des actions humaines, quelles que soient les répercussions de ces actes dans l’océan universel, l’être humain monte en se perfectionnant à travers toutes ses dissociations, et atteint inévitablement la disparition de la limite, ou, précisément, la perfection.

Chapitre VI. Le Kan-Ing (traduction)

Chapitre VII. Les Hiérarchies Taoïstes et les Sociétés secrètes
Les centres initiatiques taoïstes sont les seules organes hiérarchiques d’une tradition qui ignore tout culte, tout rituel, toute liturgie et tout sacerdoce.
L’enseignement de la Science est la seule fonction et la seule cérémonie du Taoïsme. Les formules volontairement abstraites, générales et impersonelles, où se complaît l’enseignement de Laotseu ont besoin d’une perpétuelle paraphrase.
L’enseignement clasique du Taoïsme est donné par les tongsang (hommes qui voient clair).
Les phutuy se distinguent par un caractère hiératique traditionnel.
Les phap connaissent les toxicologies sacrées et profanes, et spécialement toutes les sciences divinatoires depuis la métaposcopie jusqu’au siderisme.
Tout n’est pas fait pour être divulgué.
On n’est vraiment digne d’obtenir la connaissance que quand on est capable de la découvrir soi-même.
Le collège des tongsang reçoit seulement les savants admis aux plus hauts grades de la hiérarchie non officielle des lettrés. L’enseignement public de tongsang réside dans la lecture, la paraphrase et les applications de Tao, du Te et du Kan-Ing.
Le collège des phutuy, qui vient au-dessus des tongsang dans le rite taoïste, est un collège fermé et sans élève, où l’on n’enseigne pas, et où seulement on étudie. Chaque phutuy vit isolé, car c’est ici le degré de science que l’on doit acquérir par soi-même.
Le phap n’est plus un dogmatique comme le tongsang, ni un contemplatif comme le phutuy, ni un sédentaire, mais essentiellement un actif et un errant.

Le Phankhoatu
Litérallement: Le Livre des choses en retour.
L’Occident ignore l’existence de ce livre. Ce n’est pas facile, pas seulement de voir ce livre, mais d’avoir une vague idée de son existence et de ce qu’il contient.
C’est là que sont réunis les plus redoutables secrets de la science extrême-orientale.
La toxicologie concerne des poisons et des essences qui devraient être considérées comme des moyens (chanvres, upas, lianes coca, sucs de lauriers et de mancenilliers, daturas et d’autres euphorbiacées).
D’autres sections concernent:
a) les parfums;
b) les phénomènes d’ordre inférieur ou intermédiaire (spiritisme);
c) les forces errantes (comment les reconnaître, les capter, la décoagulation);
d) la détermination astronomique des époques favorables;
e) la Divination;
f) l’Evocation;
g) la Naissance;
h) la Mort.
Le sentiment commun à tout Chinois est celui de la solidarité.
La société secrète du Nénuphar blanc (Bachlienhue) sollicite aux aspirants:
a) savoir interpréter des caractères;
b) savoir le sens intérieur et extérieur des textes sacrés;
c) connaître les tréfonds de l’enseignement taoïste
d) pouvoir agir en toute indépendance;
e) garder sa liberté d’action;
f) rompre, au moment voulu, toutes attaches sociales et même humaines.
Une société secrète dont le sens est connu abdique toute prétention politique et extérieure et n’est plus qu’une compagnie de gymnastique intellectuelle ou une assemblée de conférenciers.

Chapitre VIII. Les Sciences Sacrées
Sous le nom de Sciences sacrées sont conservés les résultats de l’expérience des Ancêtres touchant les sujets dangereux ou les sujets ésotériques, découlant immédiatement des dogmes ésotériques.
Des sciences dangereuses: la toxicologie, la science des parfums, les forces extérieures, l’évocation.
Des sciences secrètes: les phénomènes intermédiaires, l’extériorisation humaine, les lois des époques, les puissances, les influences et les pouvoirs, la divination, la mort heureuse.

La pathogénie chinoise
Toute la thérapeutique de l’Extrême-Orient est directement issue des dogmes de la plus ancienne étude. Il n’y a qu’une seule et irréductible affirmation sur le septénaire d’éléments premiers qui forment le composé humain.
En pathologie, ils ont fait la plus délicate application et la plus savante interprétation de leurs doctrines. Conscients que les maladies, telles qu’elles nous apparaissent, sont de simples effets, que les causes de ces maladies dans des organes spéciaux ne sont que des suites immédiates de la cause véritable, ils ont cherché l’origine du mal, au plan supérieur, dans l’un des principes essentiels de l’homme, afin de pouvoir, une fois la source morbide découverte, la tarir d’un seul coup par le remède approprié, non plus à la conséquence tangible, mais à la cause primordiale, souvent obscure, toujours cachée.
Les éléments inférieurs de l’homme: le corps et le sang.
Les éléments supérieurs de l’homme: la volonté céleste qui tient le composé humain en son intégrité et l’entendement, c’est-à-dire la faculté des associations d’idées.
Il existe aussi une faculté de chaleur, de mouvement, de lumière.
La pathogénie orientale consiste, après un diagnostic psychologique, à déterminer, parmi ces portes, celle qui aurait été ouverte ou brisée, afin que la thérapeutique puisse directement la refermer ou la reconstruire.
Le Khi est le souffle, véhicule de la vie générale.
Thân est un des éléments immortels (lumière et chaleur).
L’homme n’a pas besoin, pour vivre, de l’apparence humaine que nous appelons corps.
Les sept éléments:
a) Xuong – le corps
b) Maû – le sang
c) Thân – le mouvement
d) Khi – le souffle
e) Thân – la lumière
f) Tinh – l’association d’idées
g) Wun – la volonté d’en haut
La léthargie (état de rapport, catalepsie ou hypnose profonde) est un sommeil aggravé.
La volonté du hypnotiseur s’introduit dans les éléments de l’hypnotisé, les tient sous sa domination et comme à son service.
Dans les conditions léthargiques, le réveil imprévu ou sans précautions est fatal.
L’usage de l’alcool à dose enivrante est pernicieux tout autant que l’abus, tandis que l’usage de l’excitation par l’opium est salutaire parfois, inoffensif toujours, à condition que cette excitation soit maintenue toujours en dedans des mêmes limites.
La pathogénie orientale entre dans le domaine des maladies mentales (intellectuelles) et des maladies nerveuses (psychiques).

Chapitre IX. Le Taoïsme contemporain
Si préparé qu’il soit, si sympathique qu’il paraisse, un homme blanc ne parviendra jamais à la connaissance totale des conséquences que la Tradition Primordiale Jaune porte en elle.

Le Taoïsme, âme du mouvement ethnique chinois, est devenu une science fermée aux blancs. 

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