04 mai 2005

René Guénon, Deux lettres au peintre René Burlet

Parues dans René Guénon, Cahiers de l’Herne, 1985.

Le Caire, 31 juillet 1949
[…] Pour votre tableau utilisant le swastika, si vous ne pensez pas pouvoir l’exposer en public, ce n’est certainement pas une raison pour vouloir le détruire, car vous n’avez alors qu’à le «réserver» pour vous-même et pour quelques-uns. – Aucun des deux sens de rotation n’est bénéfique ou maléfique en lui-même; tout dépend de la forme traditionnelle que l’on considère, ce qui est bénéfique pour l’une pouvant être maléfique pour l’autre et inversement, conformément à leurs caractéristiques propres. Dans une même forme traditionnelle, le sens opposé à celui qui est considéré comme bénéfique est parfois employé, non pour des actions maléfiques, mais pour ce qui est en rapport avec des événements malheureux, par exemple pour les rites funéraires. Il arrive aussi que la différence de sens sert de signe distinctif à deux traditions que les circonstances ont amenées à coexister dans une même région, comme le lamaïsme et le bön au Thibet. L’opposition swastika-sauvastika est une pure fantaisie au point de vue linguistique: le nom de swastika est le seul qui s’applique dans les deux cas indistinctement, et sauvastika n’est qu’un adjectif qui en est dérivé et qui désigne ce qui se rapporte au swastika. Quant aux expressions «vers la droite» et «vers la gauche», elles sont très équivoques et peu satisfaisantes; ce qu’il faut considérer en réalité pour éviter toute erreur, c’est si une personne accomplissant la rotation aurait sa droite ou sa gauche tournée vers le centre.

Croyez, je vous prie, cher Monsieur, à mes sentiments les meilleurs.


Le Caire, 22 novembre 1950

Cher Monsieur,

Le premier numéro de votre revue [Sur le Métier – n.] m’est arrivé peu après que je vous ai écrit; je trouve qu’en somme, dans l’ensemble, c’est très bien pour un début, en particulier vos nots sur la fresque, car, comme je vous le disais, je pense qu’il est tout à fait essentiel d’insister sur le côté «métier», et aussi, bien entendu, les articles de R. Pouyaud, à qui je trouve seulement toujours un peu trop de partialité contre le gothique; d’autre part, la comparaison entre la peinture et la musique, au point de vue rythmique, est vraiment très curieuse. J’ai fait tout de suite un compte rendu, et vous verrez que j’ai préféré passer sous silence les quelques points qui auraient pu donner lieu à des objections; en cela, je veux parler surtout de l’article de Dom Angelico Surchamp, qui ne m’a guère satisfait car il exprime une vue vraiment bien étroite du symbolisme; qu’il y ait lieu de tenir compte de la théologie, je crois bien que tout le monde doit être d’accord là-dessus, mais ce n’est pas tout, et cela n’empêche pas d’y mettre aussi bien d’autres choses qui dépassent ce domaine, comme on le faisait constamment au moyen âge; seulement, les exotéristes exclusifs ne voient rien de tout cela […].

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