16 mai 2005

Camara Laye, L’enfant noir, (note de lectura)





Paru chez Plon, Paris, 1953.

Chapitre premier
La première scène est celle d’un enfant qui, près de la case de son père (forgeron), joue avec un serpent (il lui enfonce un roseau dans a bouche). Il est retiré par Damany, un apprenti de son père.
Quelques détails de construction: „Mon père avait la case à proximité de l’atelier, et souvent je jouais là, sous la véranda qui l’entourait. C’était la case personnelle de mon père. Elle était faite de briques en terre battue et pétrie avec de l’eau; et comme toutes nos cases, ronde et fièrement coiffée de chaume. On y pénétrait par une porte rectangulaire. A l’intérieur, un jour avare tombait d’une petite fenêtre. A droite, il y avait le lit, en terre battue comme les briques, garni d’une simple natte en osier tressé et d’un oreiller bourré de kapok. Au fond de la case et tout juste sous la petite fenêtre, là où la clarté était la meilleure, se trouvaient les caisses à outils. A gauche, les boubous et les peaux de prière. Enfin, à la tête du lit, surplombant l’oreiller et veillant sur le sommeil de mon père, il y avait une série de marmites contenant des extraits de plantes et d’écorces. Ces marmites avaient toutes des couvercles de tôle et elles étaient richement et curieusement cerclées de chapelets de cauris; on avait tôt fait de comprendre qu’elles étaient ce qu’il y avait de plus important dans la case; de fait, elles contenaient les gris-gris, ces liquides mystérieux qui éloignent les mauvais esprits et qui, pour peu qu’on s’en enduise le corps, le rendent invulnérable aux maléfices, à tous les maléfices.” (pp. 10-11)
Le père de l’enfant est forgeron.
„Mon domaine, en ce temps-là, c’était la véranda qui entourait la case de mon père, c’était la case de ma mère, c’était l’oranger planté au centre de la concession.” (p. 12) La forge de son père ne sera que plus tard „son domaine”.
Le père est chef de famille, homme „d’une extrême sobriété” (p. 13). L’hospitalité est sacrée.
Les rails du chemin de fer passent auprès de la concession. Les serpents y pénètrent souvent.
Sur un serpent particulier, sa mère lui dit: „Celui-ci, mon enfant, il ne faut pas le tuer, ce serpent n’est pas un serpent comme les autres, il ne te fera aucun mal; néanmoins ne contrarie jamais sa course.” (p. 15) Elle l’apellera „le génie de ton père”.
„Qu’étaient ces génies que je rencontrais au peu partout, qui défendaient telle chose, commandaient telle autre? Je ne l’expliquais pas clairement, encore que je n’eusse cessé de croître dans leur intimité.” (p. 16)
Le serpent est, selon les paroles du père: „le génie de notre race” (p. 17). Ici, le sens du mot „race” est d’abord confus: s’agit-il de „clan” (liaison biologique) ou de „caste” (liaison de métier)?
„Ce serpent, poursuivit-il, est toujours présent; toujours il apparaît à l’un de nous. Dans notre génération, c’est à moi qu’il s’est présenté.” (p. 17)
Le père du personnage est chef des forgerons de la région.
Avant d’arriver chez le père, le serpent lui paraît deux fois dans le rêve.
„Tu vois bien toi-même que je ne suis pas plus capable qu’un autre, que je n’ai rien de plus que les autres, et même que j’ai moins que les autres puisque je donne tout, puisque je donnerais jusqu’à ma dernière chemise. Pourtant je suis plus connu que les autres, et mon nom est dans toutes les bouches, et c’est moi qui règne sur tous les forgerons des cinq cantons du cercle. S’il en est ainsi, c’est par la grâce seule de ce serpent, génie de notre race. C’est à ce serpent que je dois tout, et c’est lui aussi qui m’avertit de tout. Ainsi je ne m’étonne point, à mon réveil, de voir tel ou tel m’attendant devant l’atelier: je sais que tel ou tel sera là. Je ne m’étonne pas davantage de voir se produire telle ou telle panne de moto ou de vélo, ou tel accident d’horlogerie: d’avance je savais ce qui surviendrait. Tout m’a été dicté au cours de la nuit et, par la même occasion, tout le travail que j’aurais à faire, si bien que, d’emblée, sans avoir à y réfléchir, je sais comment je remédierai à ce qu’on me présente; et c’est cela qui a établi ma renommée d’artisan. Mais, dis-le-toi bien, tout cela, je le dois au serpent, je le dois au génie de notre race.” (p. 20-21)
Sur l’initiation: „Il y a une manière de conduite à tenir et certaines façons d’agir, pour qu’un jour le génie de notre race se dirige vers toi aussi.” (p. 20)
Le présentiment du père: „J’ai peur, j’ai bien peur, petit, que tu ne me fréquente jamais assez. Tu vas à l’école et, un jour, tu quitteras cette école pour une plus grande. Tu me quitteras, petit.” (p. 20)
Les caressements que le père accorde au petit serpent noir.

Chapitre II
Son père est aussi orfèvre.
Les griots chantent les „louanges du père” – les hauts faits des ancêtres. „Où le gruit puisait-il ce savoir? Dans une mémoire particulièrement exercée assurément, particulièrement nourrie aussi par ses prédécesseurs, et qui est le fondement de notre tradition orale. Y ajoutait-il? C’est possible: c’est métier de griot que de flatter! Il ne devait pourtant pas beaucoup malmener la tradition, car c’est métier de griot aussi de la maintenir intacte.” (pp. 25-26)
Précaution (mais aussi erreur métalurgique): „[…] on ne doit en effet, durant tout le temps que l’or fond, puis refroidit, travailler ni le cuivre ni l’aluminium à proximité, de crainte qu’il ne vînt à tomber dans le récipient quelque parcelle de ces métaux sans noblesse. Seul l’acier peut encore être travaillé. Mais les ouvriers qui avaient un ouvrage d’acier en train, ou se hâtaient de l’achever, ou l’abandonnaient carrément pour rejoindre les apprentis rassemblés autour de la forge.” (p. 28) On ne travaille pas l’aluminium chez un humble forgeron!
Pendant le travail de l’or, son père prononce des incantations, pendant que les autres doivent se taire: „Quelles paroles mon père pouvait-il bien former? Je ne sais pas; je ne sais pas exactement: rien ne m’a été communiqué de ces paroles. Mais qu’eussent-elles été, sinon des incantations? N’était-ce pas les génies du feu et de l’or, du feu et du vent, du vent soufflé par les tuyères, du feu né du vent, de l’or marié avec le feu, qu’il invoquait alors; n’était-ce pas leur aide et leur amitié, et leurs épousailles qu’il appelait?” (p. 29)
Contribution de l’auteur, qui témoigne aussi de son incompréhension: „autour de mon père, il y avait ce silence absolu et cette attente anxieuse” (p. 29) En fait, il n’y avait point d’anxieusité, mais le développemment d’un rituel.
Activité traditionnelle: „L’artisan qui travaille l’or doit se purifier au préalable, se laver complètement par conséquent et, bien entendu, s’abstenir, tout le temps de son travail, de rapports sexuels. Respectueux des rites comme il l’était, mon père ne pouvait manquer de se conformer à la règle.” (p. 32)
Sur la conduite traditionnelle du père: „Je crois au reste que mon père n’entrait jamais dans son atelier qu’en état de pureté rituelle; et ce n’est point que je cherche à le faire meilleur qu’il n’est – il est assurément homme, et partage assurément les faiblesses de l’homme – mais toujours je l’ai vu intransigeant dans son respect des rites.” (p. 33)
„[…] la douga, ce grand chant qui n’est chanté que pour les hommes de renom, qui n’est dansé que par ces hommes.” (p. 34)

Chapitre III
Le village Tindican est le lieu de naissance de la mère.
„[…] chez nous, on ne parle guère des défunts qu’on a beaucoup aimés; on a le cœur trop lourd sitôt qu’on évoque leur souvenir.” (p. 39)
Le jument de son oncle, celui qui a le goût de l’aventure dans le sang, celui que l’on appelle Bô: „J’ai conservé le souvenir d’un homme extrêmement séduisant et qui parlait beaucoup, qui n’arrêtait pas de parler, et qu’on ne se lassait pas d’écouter.” (p. 46)

Chapitre IV
„Décembre, c’est la saison sèche, la belle saison, et c’est la moisson du riz.” (p. 55)
Sur la fête de la moisson: „La fête évidemment ne tombait pas à date fixe: elle dépendait de la maturité du riz, et celle-ci à son tour dépendait du ciel, de la bonne volonté du ciel. Peut-être dépendait-elle plus encore de la volonté des génies du sol, qu’on ne pouvait se passer de consulter. La réponse était-elle favorable, il ne restait plus, la veille de la moisson, qu’à demander à ces mêmes génies un ciel serein et leur bienveillance pour les moissonneurs exposés aux morsures des serpents.” (p. 55)
Sur l’ordre rituel: „Tel était l’usage. Quant à dire pourquoi on en usait ainsi, pourquoi le signal n’était donné qu’après qu’une javelle eût été prélevée sur chaque champ, je n’aurais pu le dire à l’époque; je savais seulement que c’était l’usage et je ne cherchais pas plus loin. Cet usage, comme tous nos usages, devait avoir sa raison, raison qu’on eût facilement découvert chez les anciens du village, au profond du cœur et de la mémoire des anciens; mais je n’avais pas l’âge alors ni la curiosité d’interroger les vieillards, et quand enfin j’ai atteint cet âge, je n’étais plus en Afrique.” (p. 56)
Observation très intéressante: „Il arrive que l’esprit seul des traditions survive, et il arrive aussi que la forme, l’enveloppe, en demeure l’unique expression.” (p. 56) C’est le fragment où, rigoureusement, le mot „tradition” apparaît pour la première fois dans le volume.
La cueillete du riz avec l’oncle Lansana. Le chant des paysans.
„Je ne sais d’où vient que l’idée de rusticité – je prends le mot dans son acception de manque de finesse, de délicatesse – s’attache aux champs: les formes de la civilité y sont plus respectées qu’à la ville; on y observe un ton cérémonieux et des manières que, plus expéditive, la ville ne connaît pas. C’est la vie, la vie seulement, qui y est plus simple, mais les échanges entre les hommes – peut-être parce que tout le monde se connaît – y sont plus strictement réglés. Je remarquais dans tout ce qui se faisait, une dignité dont je ne rencontrais pas toujours l’exemple à la ville; et on ne faisait rien à quoi on n’eût été au préalable invité, même s’il allait de soi qu’on le fît: on y montrait en vérité un extraordinaire souci de la liberté d’autrui. Et pour l’esprit, s’il était plus lent, c’est que la réflexion précédait la parole, mais aussi la parole avait-elle meilleur poids.” (p. 65)
Superstition: „[…] car on ne doit ni siffler ni ramasser du bois mort durant tout le temps que dure la moisson: ce sont des choses qui attirent le malheur sur le champ.” (p. 66)

Chapitre V
Le lieu de naissance de l’enfant, la ville de résidence de ses parents, s’appelle Kouroussa.
„[…] ma mère avait beaucoup de bonté, beaucoup de droiture, beaucoup d’autorité aussi et l’œil à tout; c’est dire que sa bonté n’allait pas absolument sans sévérité […]” (p. 69)
L’apprenti Sidafa.
Sur le repas, la présence féminine de sa mère et les rites: „Je ne puis dire exactement que ma mère présidait le repas: mon père le présidait. C’était la présence de ma mère pourtant qui se faisait sentier en premier. Etait-ce par qu’elle avait préparé la nourriture, parce que les repas sont choses qui regardent d’abord les femmes? Sans doute, mais ce n’était pas tout: c’était ma mère, par le seul fait de sa présence, et bien qu’elle ne fût pas directement assise devant notre plat, qui veillait à ce que tout se passât dans les règles; et ces règles étaient strictes.” (pp. 71-72)
Sur les règles à observer pendant le repas: „Ainsi il m’était interdit de lever les yeux sur les convives plus âgés, et il m’était également interdit de bavarder: toute mon attention devait être portée sur le repas. De fait, il eût été très peu poli de bavarder à ce moment; mes plus jeunes frères même n’ignoraient pas que l’heure n’était pas à jacasser: l’heure était à honorer la nourriture; les personnes âgées observaient quasiment le même silence. Ce n’était pas les seules règles: celles qui concernaient la propreté n’étaient pas les moindres. Enfin s’il y avait de la viande au centre du plat, je n’avais pas à m’en emparer; je devais me servir devant moi, mon père se chargeant de placer la viande à ma portée. Toute autre façon de faire eût été mal vue et rapidement réprimée; du reste les repas étaient très suffisamment copieux pour que je ne fusse point tenté de prendre plus que je ne recevais.” (p. 72)
Sur la femme africaine, la mère du héros, et sa relation avec le père: „le plus souvent on imagine dérisoire le rôle de la femme africaine, et il est des contrées en vérité où il est insignifiant, mais l’Afrique est grande, aussi diverse que grande. Chez nous, la coutume ressortit à une foncière indépendance, à une fierté innée; on ne brime que celui qui veut se laisser brimer, et les femmes se laissent très peu brimer. Mon père, lui, ne songeait à brimer personne, ma mère moins que personne; il avait grand respect pour elle, et nous avions tous grand respect pour elle, nos voisins aussi, nos amis aussi. Cela tenait, je crois bien, à la personne même de ma mère, qui imposait; cela tenait encore aux pouvoirs qu’elle détenait.” (p. 73)
La scène du cheval élevé par les mots: „S’il est vrai que, depuis que je suis née, jamais je n’ai connu d’homme avant mon mariage; s’il est vrai encore que, depuis mon mariage, jamais je n’ai connu d’autre homme que mon mari, cheval, lève-toi!” (p. 75)
L’enfant né immédiatement après les jumeaux est un sayon, c’est-à-dire puîné des jumeaux, et il est doué du don de sorcellerie.
Sur sa mère aussi: „Combien de fois n’ai-je point vu ma mère, au lever du jour, s’avancer de quelque pas dans la cour, tourner la tête dans telle ou telle direction, et puis crier d’une voix forte:
- Si cette entreprise se poursuit, je ne tarderai plus à la révéler! Tiens-toi-le pour dit!” (p. 76)
Toujours sur la mère: „Ma mère était avertie de ces manœuvres durant son sommeil; c’est la raison pour laquelle on ne la réveillait jamais, de peur d’interrompre le déroulement de ses rêves et des révélations qui s’y glissaient. Ce pouvoir était bien connu à nos voisins et à tout notre quartier; il ne se trouvait personne qui le contestât.” (p. 77)
Le père de sa mère avait été forgeron, la mère „détenait les pouvoirs habituels de cette caste, qui fournit la majorité des circonciseurs et nombre de diseurs de choses cachées.” (p. 78)
La mère, une Daman, avait hérité de son père son totem, le crocodile. Cela lui permettait de puiser impunément l’eau du fleuve Niger.
„[…] il y a identité entre le totem et son possesseur; cette identité est absolue, est telle que le possesseur a le pouvoir de prendre le forme même de son totem […]” (p. 79)
Peut-être plus que simple rhétorique: „Je ne veux rien dire de plus et je n’ai relaté que ce que mes yeux ont vu. Ces prodiges – en vérité, c’étaient des prodiges! – j’y songe aujourd’hui comme aux événements fabuleux d’un lointain passé. Ce passé pourtant est tout proche: il date d’hier. Mais le monde bouge, le monde change, et le mien plus rapidement peut-être que tout autre, et si bien qu’il semble que nous cessons d’être ce que nous étions, qu’au vrai nous ne sommes plus ce que nous étions, et que déjà nous n’étions plus exactement nous-mêmes dans le moment où ces prodiges s’accomplissaient sous nos yeux. Oui, le monde bouge, le monde change; il bouge et change à telle enseigne que mon propre totem – j’ai mon totem aussi – m’est inconnu.” (p. 80)

Chapitre VI
Le héros fréquente très tôt l’école coranique, puis l’école française.
Le portrait du maître et de l’enseignement aussi: „Notre maître était comme du vif-argent: il ne demeurait pas en place; il ici, il était là, il était partout à la fois; et sa volubilité eût étourdi des élèves moins attentifs que nous. Mais nous étions extraordinairement attentifs et nous l’étions sans nous forcer: pour tous, quelque jeunes que nous fussions, l’étude était chose sérieuse, passionnante; nous n’apprenions rien qui ne fût étrange, inattendu et comme venu d’une autre planète […].” (p. 84)
Le cauchemar du tableau noir, la solide volée de coups de bâton, la correction reçue sur la derrière. Le maître était „un homme comme du vif-argent, et il maniait le bâton avec une joyeuse verdeur!” (p. 85)
Des punitions écolières: celle de balayer la cour, le travail dans le potager, le gardiennage du trupeau de l’école („notre école possédait ainsi la plus singulière, la plus variée, la plus complète collection de bêtes au coup de corne sournois ou se défilant à gauche quand on les appelait à droite”). A ceux-ci il faut ajouter les mauvais traitements infligés par les élèves-suveillant de dernière année.
La révolte de Kouyaté Karamoko. La fin du règne des grands. Le père cogne le directeur.

Chapitre VII
L’entrée du héros dans l’association des non-initiés. „Cette société un peu mystérieuse – et à mes yeux de ce temps-là, très mystérieuse, encore que très peu secrète – rassemblait tous les enfants, tous les incirconcis de douze, treize ou quatorze ans, et elle était dirigée par nos aînés, que nous appelions les grands «Kodén». J’y entrai un soir précédant le Ramadan.” (p. 102).
La rencontre avec Kondén Diara. Le père explique ce qui va se passer: „Rien que tu doives vraiment craindre, rien que tu ne puisses surmonter en toi. Rappelle-toi: tu dois mater ta peur, te mater toi-même! Kondén Diara ne t’enlèvera pas; il rugit; il se contente de rugir.” (p. 105)
L’engagement vers un lieu sacré, où chaque année l’initiation s’accomplit. Les fils blancs qui nouent les arbres et les maisons.
„Plus tard, j’ai su qui était Kodén Diara et j’ai su aussi que les risques étaient inexistants, mais je ne l’ai appris qu’à l’heure où il m’était permis de le savoir. Tant que nous n’avons pas été circoncis, tant que nous ne sommes pas venus à cette seconde vie qui est notre vie, on ne nous révèle rien, et nous n’arrivons à rien surprendre.” (pp. 118-119)

Chapitre VIII
„Plus tard, j’ai vécu une épreuve autrement inquiétante que celle des lions, une épreuve vraiment menaçante cette fois et dont le jeu est totalement absent: la circoncision.” (p. 123)
Rite public dédié à la joie et rite secret. La danse du soli, celle des futurs circoncis. Les cadeaux faits aux jeunes hommes (des bœufs, des sacs de maïs, de riz ou de mil). La danse du coba, réservée aux futurs circoncis, qui ne se danse que la veille de la circoncision.
„Je n’ai pas eu le temps d’avoir peur: j’ai senti comme une brûlure, et j’ai fermé les yeux une fraction de seconde. Je ne crois pas que j’ai crié. Non, je ne dois pas avoir crié: je n’ai sûrement pas eu le temps non plus de crier!” (p. 139)
La fièvre. La convalescence. L’isolation: „Nous ne devions en effet point rencontrer de femme, nous ne devions voir de femmes sous aucun prétexte, même pas notre mère, tant que notre plaie ne serait pas convenablement cicatrisée. L’interdit tend simplement à ne pas contrecarrer la cicatrisation; je ne crois pas qu’il faille chercher des explications plus lointaines.” (p. 145)
Au rite de circoncision pour les hommes correspond le rite de l’excision pour les femmes.
„Pour le cas où, plus tard, un non-initié eût cherché à surprendre ce qui avait été enseigné, et se fût fait à cette intention passer pour un initié, on nous informait des moyens de le démasquer. Le plus simple, mais non le moins laborieux de ces moyens, consiste en des phrases avec refrains sifflés. Il y a quantité de ces refrains, il y en a suffisamment pour que l’imposteur, fût-il parvenu par extraordinaire à en retenir deux ou trois, se voie néanmoins dépisté au quatrième ou au dixième, sinon au vingtième! Toujours longs, toujours compliqué, ces refrains sont impossibles à répéter, si on ne vous les a abondamment serinés, si on ne les a patiemment appris.” (p. 146)
La mère ne peut être vue qu’après trois semaines, de loin. Après quatre semaines, la liberté. Homme. Sa case à lui, avec des vêtements d’homme.

Chapitre IX
A quinze ans, départ pour Conakry. Enseignement technique à l’école Georges Poiret, devenue depuis le Collège technique. Conakry est a 600 km de Kouroussa.
Le festin du départ. „Les marabouts, eux, usaient de formules plus longues. Ils commençaient par réciter quelques textes du Coran adaptés à la circonstance; puis, leurs invocations achevées, ils prononçaient le nom d’Allah; immédiatement après, ils me bénissaient.” (p. 156)
Sa mère lui donne de l’eau de Kankan (préparée de l’eau qui a servi pour effacer des planchettes contenant des textes de Coran, à laquelle on ajoute du miel). Son père lui donne une vieille corne de bouc contenant des talismans.
Les adieux. La famille, les amis, la petite amie Fanta. Les louanges des griots. Les petits frères.
Le trajet du train: Dabola (à l’entrée du pays peul) – Mamou (arrêt de nuit) – Kindia (où commence l’aire géographique du dialecte soussou) – Conakry.
Le rencontre avec l’oncle Mamadou. Son accueil chaleureux. Ses tantes Awa et N’Gady. Le déchirement de l’arrivée. Un nouvel univers. La mer.
„[…] mes deux tantes s’ingénièrent à remplacer ma mère et elles persévérèrent durant tout le temps de mon séjour.” (p. 172)
L’oncle Mamadou: „Il était musulman, et je pourrais dire: comme nous le sommes tous; mais il l’était de fait beaucoup plus que nous ne le sommes généralement: son observance du Coran était sans défaillance. Il ne fumait pas, ne buvait pas, et son honnêteté était scrupuleuse. Il ne portait de vêtements européens que pour se rendre à son travail; sitôt rentré, il se deshabillait, passait un boubou qu’il exigeait immaculé, et disait ses prières.” (p. 173)
L’oncle Sékou. Ecole technique ou école normale? L’hospital: „[…] autour de moi, on ne parlait que le soussou; et je suis Malinké, hormis le français, je ne parle que le malinké.” (p. 179)

Chapitre X
Réorganisation de l’enseignement technique. L’amitié avec Marie. L’amour pour Marie.
„[…] j’y rêve avec une mélancolie inexprimable, parce qu’il y eut là un moment de ma jeunesse, un dernier et fragile moment où ma jeunesse s’embrasait d’un feu que je ne devais plus retrouver et qui, maintenant, a le charme doux-amer des choses à jamais enfuies.” (p. 189)
L’île sur la mer.
A la fin de la troisième année d’études – certificat d’études. Premier sur sept admis.

Chapitre XI
Les vacances à Kouroussa. Les améliorations à la case faites par la mère du héros.
Les nuits passées en chantant avec Kouyaté et Check.
La maladie de Check. La souffrance. La mort.
„[…] on ne doit pas appeler les morts à voix haute!” (p. 208)
„[…] je ne pense plus à la mort comme j’y pensais alors: je pense plus simplement. Je songe à ces jours, et très simplement je pense que Check nous a précédés sur le chemin de Dieu, et que nous prenons tous les jours ce chemin qui n’est pas plus effrayant que l’autre, qui certainement est moins effrayant que l’autre… L’autre?… L’autre, oui: le chemin de la vie, celui que nous abordons en naissant, et qui n’est jamais que le chemin momentané de notre exil…” (p. 209)

Chapitre XII
Le retour à Kouroussa, le certificat d’aptitude professionnelle dans la poche.
La proposition d’aller en France, pour y achever les études.
Le départ pour la France: „J’entends encore ma mère se lamenter, je vois mon père qui ne peut retenir ses larmes, je vois mes sœurs, mes frères… Non, je n’aime pas me rappeler ce que fut ce départ: je me trouvai comme arraché à moi-même!” (p. 219)

Camara Laye, Entracte de L’enfant noir

De l’Empire du Mali à la République de Guinée
L’actuelle Guinée a fait partie de l’ancien empire du Mali (1200-1400), dominé par des princes soudanais convertis à l’Islam.
1881 – protectorat français sur le Fouta-Djalon, royaume peul depuis 1725.
Annexion de cette région par la France en 1897.
Construction de Conakry à partir de 1890.
Guerre entre la France et Samory de 1891 à 1898.
De 1893, la Guinée devient colonie française, englobée dans le gouvernement de l’Afrique Occidentale française.
1945, des manifestations dans la capitale contre la colonisation.
1958, la Guinée est le seul pays qui vote contre la constitution d’une Communauté française rassemblant les anciennes colonies.

De Guinée en Guinée
Il y a maintenant trois Guinées:
 la Guinée-Bissau, ex-colonie portugaise, indépendante depuis 1973;
 la Guinée équatoriale, ancienne colonie espagnole, indépendante depuis 1964;
 la République de Guinée, ancien fleuron de l’Empire colonial français, indépendante depuis 1958.

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