06 novembre 2005

Frithjof Schuon, L’esprit d’une œuvre, (note de lectura)

Paru dans Planète, no 15, avril 1970.

La définition de l’œuvre de Guénon tient en quatre mots: intellectualité, universalité, tradition, théorie. Elle a exposé quatre grands sujets: la doctrine métaphysique, les principes traditionnels, le symbolisme et la critique du monde moderne.

Le mérite de Guénon en ce qui concerne la doctrine métaphysique est non seulement de l’avoir exposée, mais surtout d’en avoir expliqué la vraie nature. « C’est là qu’est le grand mérite de la thèse guénonienne: d’avoir rappelé ce que la pensée moderne, à l’instar de la pensée « classique », a oublié ou voulu oublier, à savoir la distinction essentielle entre l’intuition intellectuelle et l’opération mentale ou, en d’autres termes, entre l’intellect, qui est universel, et la raison, qui est individuelle et même spécifiquement humaine. » (p. 35)
La plupart des philosophies partent d’une sorte de cécité axiomatique, d’où leurs hypothèses, leurs calculs, leurs conclusions, toutes choses inconnues en métaphysique pure, la dialectique de celle-ci étant fondée sur l’analogie et le symbolisme.

« La doctrine métaphysique n’est autre, au fond, que la science de la réalité et de l’illusion, et elle se présente, à partir de l’état terrestre, - donc avec son extension cosmologique, - comme la science des degrés existentiels ou principiels, suivant les cas: elle distingue d’une part entre le Principe et la Manifestation – ou « Dieu » et le « Monde » - et d’autre part, dans le Principe même, entre l’Etre et le Non-Etre, ou en d’autres termes, entre le Dieu personnel et la Divinité impersonnelle; dans la manifestation, la métaphysique – devenue alors cosmologie – distinguera entre l’informel et le formel, ce dernier se divisant à son tour en deux états, subtil ou animique l’un et grossier ou corporel l’autre. » (p. 36)

La tradition est ce qui rattache toute chose humaine à la Vérité Divine.

Le symbolisme s’impose parce que l’expression naturelle et universelle de la métaphysique est le symbole.

« Le symbolisme a deux avantages sur la raciocination: premièrement, loin de s’opposer artificiellement à ce qu’il exprime, il en est, au contraire un aspect ou une « incarnation »; deuxièmement, au lieu de ne suggérer qu’un seul aspect de telle réalité, il en manifeste plusieurs à la fois et présente les vérités dans leurs diverses connexions métaphysiques et spirituelles, ouvrant ainsi à la contemplation des « dimensions » incommensurables. » (p. 36)


Les principes immuables dans une inépuisable diversité

Le rôle de Guénon a été de poser des principes plutôt que d’en montrer l’application.


Le rôle de Guénon: transmettre

Si l’œuvre guénonienne a, sur le plan doctrinal, un caractère d’unicité, il n’est peut-être pas inutile de spécifier que cela ne tient pas à une nature plus ou moins « prophétique », mais à une conjoncture cyclique exceptionnelle dont l’aspect temporel est cette « fin d’un monde » que nous vivons, et dont l’aspect spatial est le rapprochement forcé des civilisations. On peut dire que pour l’Occident, Guénon est l’interprète providentiel de cette conjoncture, du moins sur le plan doctrinal.

« Le théoricien en tant que tel s’efface, par définition, derrière la doctrine; rien ne serait plus injuste que de la lui reprocher, et d’attendre de lui un autre argument que la vérité doctrinale. Il nous paraît sans objet, par conséquent, de parler de la personne de Guénon, et nous nous bornerons à relever l’impression d’effacement et de simplicité qu’il nous fit lors de toutes nos rencontres. L’homme semblait ignorer son génie, comme celui-ci, inversement, semblait ignorer l’homme. » (p. 37)

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