Le titre complet est Les Soirées de Saint-Pétersbourg, ou Entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence (1821). Lecture à partir de la version de 1842, Editeur Louis Lesne.
Premier entretien
Trois symposiaques (le sénateur, le comte, le chevalier) débattent des choses sérieuses.
D’abord l’idée largement répandue que les méchants sont heureux sur terre, et que tout leur réussit (le bonheur des méchants, le malheur des justes – l’ensemble des voies de la Providence dans le gouvernement moral)
Les prédicateurs disent: « Les méchants sont heureux dans ce monde; mais ils seront tourmentés dans l'autre: les justes, au contraire, souffrent dans celui-ci; mais ils seront heureux dans l'autre. » Beaucoup de chrétiens considèrent qu’on ne peut pas justifier la Providence dans cette vie.
En réalité, les biens et les maux arrivent de la même manière aux justes et aux méchants, tellement que la juste question devrait être: « Pourquoi, dans l’ordre temporel, les justes ne sont pas exempts des malheurs qui arrivent aux méchants, et pourquoi les méchants ne sont pas privés des bonheurs qui arrivent aux justes? »
Idée: « […] l'homme droit est assez communément averti, par un sentiment intérieur, de la fausseté ou de la vérité de certaines propositions avant tout examen, souvent même sans avoir fait les études nécessaires pour être en état de les examiner avec une parfaite connaissance de cause. »
Il existe une « conscience intellectuelle » qui est, dans l’homme droit dont les intentions sont pures, à peu près infaillible quand il s’agit de « philosophie rationnelle, de morale, de métaphysique et de théologie naturelle ».
La loi juste n’est pas celle qui a des effets sur tous, mais celle qui est faite pour tous.
Il est faux de considérer que l’homme de bien souffre parce qu’il est homme de bien, et que le vicieux est heureux dans son vice. En réalité, les maux de toutes espèces pleuvent sur le genre humain sans choisir.
Le mal est sur terre. Il y est très justement et Dieu ne saurait en être l’auteur.
Saint Thomas a dit: « Dieu est l’auteur du mal qui punit, mais non du mal qui souille. » (Deus est auctor mali quod est poena, non autem mali quod est culpa. (S. Thom. S. Theol. p. 1. Quaest. 49, art. 11.)
Tout comme on ne peut pas dire qu’un homme droit qui punit son fils cesse d’être bon, il ne faut pas dire que Dieu, qui punit les hommes, est moins bon.
Le mal physique n'a pu entrer dans l'univers que par la faute des créatures libres; il ne peut y être que comme remède ou expiation, et par conséquent il ne peut avoir Dieu pour auteur direct.
Etant donné que le monde est gouverné par les lois générales, exiger que le mal soit épargné à l’homme vertueux serait un miracle. De même, attendre que le mal arrive immédiatement au méchant serait un autre miracle. Or, si le miracle arrivait selon les goûts des hommes, les lois générales se trouveraient annulées.
Loi générale: tout homme, en tant qu’homme, est sujet à tous les malheurs de l’humanité.
Le plus grande masse de bonheur, même temporel, appartient non pas à l’homme vertueux, mais à la vertu.
Le crime est puni pour assurer l’ordre de la société humaine. Il y a sur terre un ordre universel et visible pour la punition universelle des crimes.
Quant aux innocents exécutés, il faut supposer que la Providence se sert de ce moyen pour punir un crime inconnu.
« […] je ne puis me refuser au sentiment d'un nouvel apologiste qui a soutenu que toutes les maladies ont leur source dans quelque vice proscrit par l'Évangile; que cette loi sainte contient la véritable médecine du corps autant que celle de l'âme; de manière que, dans une société de justes qui en feraient usage, la mort ne serait plus que l'inévitable terme d'une vieillesse saine et robuste; opinion qui fut, je crois, celle d'Origène. »
L’origine des maladies du corps est l’écart par rapport à la norme établie par la religion. Nulle maladie n’a une cause matérielle.
Beaucoup de sagesse est enfermée dans l’adage: Sustine et abstine! (Souffre et abstiens-toi).
« […] il doit toujours y avoir dans le monde, en vertu de sa constitution actuelle, une conspiration immense pour justifier, pour embellir, j'ai presque dit pour consacrer ce vice […] ».
Sur la Tradition Primordiale: « Les sages de l'antiquité, quoique privés des lumières que nous possédons, étaient cependant plus près de l'origine des choses, et quelques restes des traditions primitives étaient descendus jusqu'à eux; […]. »
Les vices moraux peuvent augmenter le nombre de l'intensité des maladies jusqu'à un point qu'il est impossible d'assigner; et réciproquement, ce hideux empire du mal physique peut être resserré par la vertu, jusqu'à des bornes qu'il est tout aussi impossible de fixer.
Deuxième entretien
La matière existant seule, sans intelligence, est inimaginable.
Sur la nature du mal: « Tout mal étant un châtiment, il s'ensuit que nul mal ne saurait être considéré comme nécessaire, et nul mal n'étant nécessaire, il s'ensuit que tout mal peut être prévenu ou par la suppression du crime qui l'avait rendu nécessaire, ou par la prière qui a la force de prévenir le châtiment ou de le mitiger. L'empire du mal physique pouvant donc encore être restreint indéfiniment par ce moyen surnaturel, vous voyez... »
Nous souffrons peut-être aujourd’hui pour des excès commis il y a plus d’un siècle.
Le pêché originel explique tout, et sans lui rien n’est explicable.
Tout être qui a la faculté de se propager, ne saurait produire qu’un être semblable à lui. Si un être est dégradé, sa postérité ne peut être que dégradée.
Certaines maladies morales, qui vicient l’homme, deviennent un pêché originel de second ordre.
Sur Jean-Jacques Rousseau: « […] l'un des plus dangereux sophistes de son siècle, et cependant le plus dépourvu de véritable science, de sagacité et surtout de profondeur, avec une profondeur apparente qui est toute dans les mots […] ».
Le sauvage n’est pas l’homme primitif, mais l’homme détaché de l’arbre de la civilisation par une prévarication quelconque.
Toute dégradation individuelle ou nationale est annoncée par une dégradation proportionnelle dans le langage.
« Il y a donc une maladie originelle comme il y a un péché originel, c'est-à-dire qu'en vertu de cette dégradation primitive, nous sommes sujets à toutes sortes de souffrances physiques en général; comme en vertu de cette même dégradation nous sommes sujets à toutes sortes de vices en général. Cette maladie originelle n'a donc point d'autre nom. Elle n'est que la capacité de souffrir tous les maux, comme le péché originel (abstraction faite de l'imputation) n'est que la capacité de commettre tous les crimes, ce qui achève le parallèle. »
L'innocent, lorsqu'il souffre, ne souffre jamais qu'en sa qualité d'homme; et l'immense majorité des maux tombe sur le crime.
Les langues des sauvages sont des restes, et non pas des rudiments de langues.
Si l’homme est sujet à l’ignorance et au mal, ce n’est pas à cause de son essence, mais à cause d’un crime qui l’a dégradée.
De tous les êtres, l’homme seul a le sentiment de sa dégradation, ce qui constitue sa grandeur. A cause de la souillure, l’homme entier n’est qu’une maladie.
La volonté de l’homme déchu est brisée.
Il n’y a rien de si attesté, de si universellement formulé, que la théorie du pêché originel. Elle se trouve, par exemple, chez Socrates, Cicéron…
Les châtiments sont proportionnels aux crimes, et les crimes sont proportionnels aux connaissances. Ainsi, le déluge biblique suppose des crimes inouis, mais aussi des connaissances qui dépassent les nôtres.
Notre temps est celui qui voit difficilement les causes à partir des effets, celui qui se préoccupe uniquement des effets et néglige les causes. Les temps d’auparavant étaient ceux des effets qui se voyaient dans les causes. « Si l'homme pouvait connaître la cause d'un seul phénomène physique, il comprendrait probablement tous les autres. »
Toutes les traditions, toutes les révélations, sont d’accord sur la nature merveilleuse de l’homme primordial. La seule discordance est l’opinion des modernes.
« Non seulement donc les hommes ont commencé par la science, mais par une science différente de la nôtre, et supérieure à la nôtre; parce qu'elle commençait plus haut, ce qui la rendait même très dangereuse; et ceci vous explique pourquoi la science dans son principe fut toujours mystérieuse et renfermée dans les temples, où elle s'éteignit enfin, lorsque cette flamme ne pouvait plus servir qu'à brûler. »
Sur la science moderne: « Quoi qu'il en soit, observez, je vous prie, qu'il est impossible de songer à la science moderne sans la voir constamment environnée de toutes les machines de l'esprit et de toutes les méthodes de l'art. Sous l'habit étriqué du nord, la tête perdue dans les volutes d'une chevelure menteuse, les bras chargés de livres et d'instruments de toute espèce, pâle de veilles et de travaux, elle se traîne souillée d'encre et toute pantelante sur la route de la vérité, baissant toujours vers la terre son front sillonné d'algèbre. Rien de semblable dans la haute antiquité. Autant qu'il nous est possible d'apercevoir la science des temps primitifs à une si énorme distance, on la voit toujours libre et isolée, volant plus qu'elle ne marche, et présentant dans toute sa personne quelque chose d'aérien et de surnaturel. Elle livre aux vents des cheveux qui s'échappent d'une mitre orientale; l'éphod couvre son sein soulevé par l'inspiration; elle ne regarde que le ciel; et son pied dédaigneux semble ne toucher la terre que pour la quitter. Cependant, quoiqu'elle n'ait jamais rien demandé à personne et qu'on ne lui connaisse aucun appui humain, il n'est pas moins prouvé qu'elle a possédé les plus rares connaissances: c'est une grande preuve, si vous y songez bien, que la science antique avait été dispensée du travail imposé à la nôtre, et que tous les calculs que nous établissons sur l'expérience moderne sont ce qu'il est possible d'imaginer de plus faux. »
L’état primitif, naturel, est celui de la civilisation et de la science, et non pas celui de la barbarie. Ce que Rousseau et ses semblables appelent « état de nature » n’est qu’un abrutissement.
Sur la nature des sauvages: « Il est voleur, il est cruel, il est dissolu, mais il l'est autrement que nous. Pour être criminels, nous surmontons notre nature: le sauvage la suit, il a l'appétit du crime, il n'en a point les remords. »
Nulle langue n'a pu être inventée, ni par un homme qui n'aurait pu se faire obéir, ni par plusieurs qui n'auraient pu s'entendre. Il faut convenir que l’homme avait parlé d’abord, parce qu’on lui avait parlé.
D'où vient qu'on trouve dans les langues primitives de tous les anciens peuples des mots qui supposent nécessairement des connaissances étrangères à ces peuples? Il est à constater un prodigieux talent des peuples enfants de former des mots, et une incapacité manifeste des philosophes modernes dans la même direction. Il n’y a qu’une seule réponse: ce que nous savons sont des débris d’une langue ancienne, détruite ou oubliée.
L’époque de la « civilisation » et de la « philosophie » est celle de la stérilité linguistique. On ne crée plus de mots, on emprunte.
« […] c'est qu'à mesure qu'on s'élève vers ces temps d'ignorance et de barbarie qui virent la naissance des langues, vous trouverez toujours plus de logique et de profondeur dans la formation des mots, et que ce talent disparaît par une gradation contraire, à mesure qu'un descend vers les époques de civilisation et de science. »
Les langues ont sans doute commencé quelque part, mais la parole jamais, et pas même avec l’homme.
Sur la formation des langues: « Lorsqu'une nouvelle langue se forme, elle naît au milieu d'une société qui est en pleine possession du langage; et l'action, ou le principe qui préside à cette formation, ne peuvent inventer arbitrairement aucun mot; il emploie ceux qu'il trouve autour de lui ou qu'il appelle de plus loin; il s'en nourrit, il les triture, il les digère; il ne les adopte jamais sans les modifier plus ou moins. On a beaucoup parlé de signes arbitraires dans un siècle où l'on s'est passionné pour toute expression grossière qui excluait l'ordre et l'intelligence; mais il n'y a point de signes arbitraires, tout mot a sa raison. »
Actuellement, les langues ne se forment que d’autres langues, qu’elles tuent pour se nourrir. La formation des mots les plus significatifs, les plus philosophies, appartient aux époques de simplicité.
La parole est éternelle, tandis que toute langue est aussi ancienne que le peuple qui la parle.
La question de l’origine de la parole est la même que celle de l’origine des idées.
Là où la raison s’egarre, il faut user de l’autorité des maîtres. De Maistre donne pour exemple: Pythagore, Platon, Cicéron, Origène, saint Augustin, Descartes, Cudworth, Lami, Polignac, Pascal, Nicole, Bossuet, Fénélon, Leibnitz, Malebranche.
Parmi les maîtres de la bêtise, Joseph de Maistre cite: Rousseau, Locke, Condillac. Leur renommée factice a été créé comme une boîte ou un soulier.
Le double caractère du philosophisme moderne est celui de l’ignorance et de l’effronterie. De Maistre fait cette observation à propos de l’essai de mettre à l’origine du matérialisme les œuvres d’Aristote et d’Hippocrate.
Selon Saint Thomas, le sens ne connaît que l’individu, l’intelligence seule peut s’élever à l’universel. Ainsi, il ne suffit pas de voir un triangle, l’intelligence doit fournir l’idée de triangularité. Les sens ignorent toute idée spirituelle, ils s’ignorent même eux-mêmes, la vue n’étant pas capable de voir qu’elle voit.
Saint Thomas a donné une définition de la vérité: « La vérité est une équation entre l’affirmation et son objet. »
Contrairement à ce qu’affirment les philosophes modernes, les idées universelles sont innées en nous. Demander l’origine des idées, c’est demander l’origine de l’origine.
Avertissement quant aux philosophes modernes: « […] toutes les fois que vous voyez un philosophe du dernier siècle s'incliner respectueusement devant quelque problème, nous dire que la question passe les forces de l'esprit humain; qu'il n'entreprendra point de la résoudre, etc., tenez pour sûr qu'il redoute au contraire le problème comme trop clair, et qu'il se hâte de passer à côté pour conserver le droit de troubler l'eau. »
Peut-on concevoir la pensée comme accident d’une substance qui ne pense pas? C’est une hypothèse tout à fait aérienne.
La question de l’origine des idées est la même que celle de l’origine de la parole. L’idée et la parole sont synonymes.
Troisième entretien
Lorsque les disciples de l'Homme-Dieu lui demandèrent si l'aveugle-né qui se trouvait sur son chemin était dans cet état pour ses propres crimes ou pour ceux de ses parents, le divin Maître leur répondit: Ce n'est pas qu'il ait péché ni ceux qui l'ont mis au monde (c'est-à-dire, ce n'est pas que ses parents ou lui aient commis quelque crime, dont son état soit la suite immédiate); mais c'est afin que la puissance de Dieu éclate en lui. Le P. de Ligni a vu dans cette réponse une preuve que toutes les maladies ne sont pas la suite d'une crime.
Il faut observer que les disciples de Jésus-Christ considéraient que les maladies sont les réponses divines à un pêché, soit commis par le malade, soit par son ascendance.
Dans l’état actuel de dégénérescence spirituelle, tout homme est soumis aux maux qui affectent les hommes, parce qu’il est homme. La régénération spirituelle d’un individu ne peut avoir aucune influence sur cette loi.
On a l’impression que dans la plupart des affaires le vice a un avantage sur la vertu.
Sur le rôle de la mère dans l’éducation des enfants: « C'est à notre sexe sans doute qu'il appartient de former des géomètres, des tacticiens, des chimistes, etc.; mais ce qu'on appelle l'homme, c'est-à-dire l'homme moral, est peut-être formé à dix ans; et s'il ne l'a pas été sur les genoux de sa mère, ce sera toujours un grand malheur. Rien ne peut remplacer cette éducation. Si la mère surtout s'est fait un devoir d'imprimer profondément sur le front de son fils le caractère divin, on peut être à peu près sûr que la main du vice ne l'effacera jamais. Le jeune homme pourra s'écarter sans doute; mais il décrira, si vous voulez me permettre cette expression, une courbe rentrante qui le ramènera au point dont il était parti. »
Tout vérité a besoin de préparation. Généralement, les hommes n’acceptent pas ce qui les dépasse, même si c’est vrai.
Jamais la vertu ne trouve nécessaire de se plaindre d’elle-même. C’est l’orgueil révolté, l’ambition, l’impiété, qui se plaignent des désavantages temporels de la vertu.
Sur la raison et ses limites: « J'accorde à la raison tout ce que je lui dois. L'homme ne l'a reçue que pour s'en servir; et nous avons assez bien prouvé, je pense, qu'elle n'est pas fort embarrassée par les difficultés qu'on lui oppose contre la Providence. Toutefois ne comptons point exclusivement sur une lumière trop sujette à se trouver éclipsée par ces ténèbres du coeur, toujours prêtes à s'élever entre la vérité et nous. Entrons dans le sanctuaire! c'est là que tous les scrupules, que tous les scandales s'évanouissent. Le doute ressemble à ces mouches importunes qu'on chasse, et qui reviennent toujours. Il s'envole sans doute au premier geste de la raison; mais la Religion le tue, et franchement c'est un peu mieux. »
Selon Leibnitz, les châtiments de l’autre vie sont démontrés par cela qu'il a plu au souverain Maître de toutes choses de laisser dans cette vie la plupart des crimes impunis et la plupart des vertus sans récompense.
Quand même, il ne faut pas oublier que le pêcheur est son propre bourreau, un cœur coupable prenant contre lui-même le parti de la justice divine.
« Il me semble que l'existence et la marche des gouvernements ne peuvent s'expliquer par des moyens humains, pas plus que le mouvement des corps par des moyens mécaniques. »
Nous parlons des succès du vice, et nous ne savons pas ce que c'est qu'un succès. Ce qui nous paraît un bonheur, est souvent une punition terrible.
Il n’y a pas d’erreur plus commune que celle de prendre une bénédiction pour une disgrâce.
Dire que le crime est heureux dans ce monde, et l'innocence malheureuse, c'est une véritable contradiction dans les termes; c'est dire précisément que la pauvreté est riche et l'opulence pauvre.
Le raisonnement des modernes a bani la raison.
Ceux qui plaignent les maux qui frappent le juste veulent ilogiquement que celui-ci soit invulnérable à tous les coups du sort.
D’autre part, qui peut prétendre être innocent? Qui peut prétendre posséder l’innocence?
Si nous otons de nos « vertus » ce que nous devons au tempérament, à l’honneur, à l’impuissance, aux circonstances – que ne reste-t-il?
Sur la différence de mesure entre la justice divine et la justice humaine: « S'il y a des vérités certaines pour nous, c'est que l'homme n'a aucun moyen de juger les coeurs; que la conscience dont nous sommes portés à juger le plus favorablement, peut être horriblement souillée aux yeux de Dieu; qu'il n'y a point d'homme innocent dans ce monde; que tout mal est une peine, et que le juge qui nous y condamne est infiniment juste et bon: c'est assez, ce me semble, pour que nous apprenions au moins à nous taire. »
La chose étrange c’est que toujours le crime se plaint des souffrances de la vertu, jamais la vertu ne se plaint elle-même. Plongé dans les délices et regorgeant des seuls biens qu’il estime, le crime ose quereller la Providence lorsqu’elle refuse ces mêmes biens à la vertu.
Quatrième entretien
Tout mal étant un châtiment, il s’ensuit qu’aucun mal n’est nécessaire. Tout mal étant la punition d’un crime, il peut être évité, tout comme le crime peut être évité.
La philosophie nous avertit qu’il faut se garder de faire Dieu semblable à nous. Quant à la religion, elle nous exhorte de devenir semblables à Dieu. « […] la moindre ressemblance avec le souverain Etre est un titre de gloire qu'aucun esprit ne peut concevoir. »
Sur la prière: « N'ayons […] aucune répugnance à croire et à dire qu'on prie Dieu, comme on prie un souverain, et que la prière a, dans l'ordre supérieur comme dans l'autre, le pouvoir d'obtenir des grâces et de prévenir des maux: ce qui peut encore resserrer l'empire du mal jusqu'à des bornes également inassignables. »
Sur Voltaire, de Maistre dit qu’il faut refuser les honneurs du génie à celui qui abuse de ses dons. Voltaire avait prononcé contre lui-même un arrêt terrible: « Un esprit corrompu ne fut jamais sublime. »
Dès que Voltaire parle en son nom, il n’est que joli. Il est charmant – et cela est une critique!
Sur l’art de Voltaire: « Il est nul dans l'ode: et qui pourrait s'en étonner? l'impiété réfléchie avait tué chez lui la flamme divine de l'enthousiasme. Il est encore nul et même jusqu'au ridicule dans le drame lyrique, son oreille ayant été absolument fermée aux beautés harmoniques comme ses yeux l'étaient à celles de l'art. Dans les genres qui paraissent les plus analogues à son talent naturel, il se traîne: il est médiocre, froid, et souvent (qui le croirait?) lourd et grossier dans la comédie; car le méchant n'est jamais comique. Par la même raison, il n'a pas su faire une épigramme, la moindre gorgée de son fiel ne pouvant couvrir moins de cent vers. S'il essaie la satire, il glisse dans le libelle; il est insupportable dans l'histoire, en dépit de son art, de son élégance et des grâces de son style; aucune qualité ne pouvant remplacer celles qui lui manquent et qui sont la vie de l'histoire, la gravité, la bonne foi et la dignité. Quant à son poème épique, je n'ai pas droit d'en parler: car pour juger un livre, il faut l'avoir lu, et pour le lire il faut être éveillé. Une monotonie assoupissante plane sur la plupart de ses écrits, qui n'ont que deux sujets, la bible et ses ennemis: il blasphème ou il insulte. Sa plaisanterie si vantée est cependant loin d'être irréprochable: le rire qu'elle excite n'est pas légitime; c'est une grimace. »
Tentation perfide: celle de croire aux lois invariables de la nature. Celui qui succombe à cette tentation séduisante perd sa vie spirituelle (ne prie plus).
La prière est la seule possibilité d’écarter les possibilités funestes.
Aucune objection ne peut être admise contre la vérité, autrement la vérité ne serait plus elle.
Formule: « toutes les fois qu'une proposition sera prouvée par le genre de preuve qui lui appartient, l'objection quelconque, même insoluble, ne doit plus être écoutée. »
Question: pourquoi les enfants qui n'ont pu encore ni mériter ni démériter, sont sujets dans tout l'univers aux mêmes maux qui peuvent affliger les hommes faits?
Question: en vertu de quelle cause il est devenu nécessaire qu'une foule d'enfants meurent avant de naître; que la moitié franche de ceux qui naissent, meurent avant l'âge de deux ans; et que d'autres encore en très grand nombre, meurent avant l'âge de raison?
« La toute-puissante sagesse qui règle tout, a des moyens si nombreux, si diversifiés, si admirables, que la partie accessible à nos regards devrait bien nous apprendre à révérer l'autre. »
Adage: « L’orgueil est le commencement de tous nos crimes. » Et de toutes nos erreurs!
Tout fléau du ciel est un châtiment.
Les soi-disantes lois éternelles et immuables tendent à l’extinction de toute moralité et à l’abrutissement de l’espèce humaine.
L’innocence peut prévenir le mal, la prière peut l’écarter.
Cinquième entretien
Sur les idées innées: « Nul être vivant ne peut avoir d'autres connaissances que celles qui constituent son essence, et qui sont exclusivement relatives à la place qu'il occupe dans l'univers; et c'est à mon avis une des nombreuses et invincibles preuves des idées innées: car s'il n'y avait pas des idées de ce genre pour tout être qui connaît, chacun d'eux, tenant ses idées des chances de l'expérience, pourrait sortir de son cercle, et troubler l'univers; or, c'est ce qui n'arrivera jamais. »
Un animal qui voit tous les signes des idées de justice, de crime, de punition, ne saisit jamais les idées pures, parce que celles-ci ne sont pas pour lui.
Mais, si les idées sont innées, pourquoi l’expérience est nécessaire?
« J'ai lu des millions de plaisanteries sur l'ignorance des anciens qui voyaient des esprits partout: il me semble que nous sommes beaucoup plus sots, nous qui n'en voyons nulle part. »
En réalité, il n’y a pas à proprement parler de « cause matérielle », parce que « cause » et « matière » s’excluent réciproquement. La matière n'a d'action que par le mouvement: or, tout mouvement étant un effet, il s'ensuit qu'une cause physique, si l'on veut s'exprimer exactement, est un NON-SENS et même une contradiction dans les termes.
Le mouvement suppose une cause qui n’est pas matérielle. La matière elle-même ne peut rien, elle n’est que la preuve de l’esprit.
Il faut être aveugle pour chercher des causes dans la nature, tandis que la nature n’est qu’un effet. Dans les sciences naturelles, on découvre toujours des faits, mais jamais des causes.
Les objets matériels ne sont rien de ce que nous voyons, mais ils sont réels par rapport à nous.
Une matière pourvue de qualités est une contradiction dans les termes, car la matière est par définitie inerte, donc sans qualités.
« On ne cesse de parler de la grossièreté de nos aïeux: il n'y a rien de si grossier que la philosophie de notre siècle; le bon sens du douzième s'en serait justement moqué. »
Les anciens nous surpassaient certainement en force d'esprit: ce point est prouvé par la supériorité de leurs langues. Au contraire, leur physique est à peu près nulle; car, non seulement ils n'attachaient aucun prix aux expériences physiques, mais ils les méprisaient, et même ils y attachaient je ne sais quelle légère idée d'impiété.
Sur Bacon: « […] Bacon avait le fantaisie d'injurier les connaissances de son siècles, sans avoir jamais pu se les approprier; et rien n'est plus curieux dans l'histoire de l'esprit humain que l'imperturbable obstination avec laquelle cet homme célèbre ne cessa de nier l'existence de la lumière qui étincelait autour de lui, parce que ses yeux n'étaient pas conformés de la manière à la recevoir; car jamais homme ne fut plus étranger aux sciences naturelles et aux lois du monde. »
Plein d'une rancune machinale contre toutes les idées spirituelles, Bacon a attaché de toutes ses forces l'attention générale sur les sciences matérielles, de manière à dégoûter l'homme de tout le reste.
Bacon détestait Platon, auquel il préférait Démocrite. Cette erreur a été reprise par la modernité.
Sur Démocrite: « […] la philosophie corpusculaire, effort désespéré du matérialisme poussé à bout, qui, sentant que la matière lui échappe et n'explique rien, se plonge dans les infiniment petits; cherchant, pour ainsi dire, la matière dans la matière, et toujours content au milieu même des absurdités, partout où il ne trouve pas l'intelligence. »
Bacon a engagé les hommes à chercher la cause des phénomènes naturels dans la configuration des atomes ou des molécules constituantes, ce qui est l’idée la plus fausse et la plus grossière qui ait jamais souillé l'entendement humain.
La prière est une cause seconde, et il est impossible de faire contre elle une seule objection.
Dieu est le moteur universel, mais chaque être est mu selon la nature qu’il en a reçu. « Il [Dieu] meut les anges, les hommes, les animaux, la matière brute, tous les êtres enfin; mais chacun suivant sa nature; et l'homme ayant été créé libre, il est mu librement. Cette loi est véritablement la loi éternelle, et c'est à elle qu'il faut croire. »
Il existe un accord de l'action divine avec notre liberté et les événements qui en dépendent.
Aucune force ne peut être agrandie infiniment; chaque avantage attire des désavantages, et la perfection d’une qualité a pour conséquence l’affaiblissement d’une autre.
Le but favori de la philosophie du XVIIe siècle a été de détacher l’homme de Dieu. Elle était théophobique. Sa dogme: nul événement physique ne peut avoir de cause superieure relative à l’homme.
Sixième entretien
Fénélon: « Si Dieu vous ennuie, dites-lui qu'il vous ennuie; que vous préférez à sa présence les plus vils amusements; que vous n'êtes à l'aise que loin de lui; dites-lui: « Voyez ma misère et mon ingratitude. O Dieu! prenez mon coeur, puisque je ne sais pas vous le donner; ayez pitié de moi malgré moi-même. »
Le désir n’est pas la même chose que la volonté. Ainsi, l’homme peut prier contre le désir, parce que la prière est un acte de volonté.
Le fonds de la prière est la foi.
Il ne peut y avoir de prière efficace sans pureté.
« Si la crainte seule de mal prier, peut empêcher de prier, que penser de ceux qui ne savent pas prier, qui se souviennent à peine d'avoir prié, qui ne croient pas même à l'efficacité de la prière? Plus vous examinerez la chose, et plus vous serez convaincu qu'il n'y a rien de si difficile que d'émettre une véritable prière. »
Il n’y a pas de composition plus difficile que celle d’une véritable prière écrite, qui doit être l’expression fidèle de la prière intérieure.
Platon a dit que l’homme réduit à lui-même ne sait pas prier.
Puisque rien n’est plus difficile que de prier, c’est le comble de l’aveuglement et de la témérité de dire qu’on a prié et qu’on n’a pas été exaucé. Au lieu de se plaindre de ne pas être exaucé, il faut trembler d’avoir mal demandé, ou d’avoir demandé le mal.
Nul homme ne peut savoir, même lorsqu'il prie parfaitement, s'il ne demande pas une chose nuisible à lui ou à l'ordre général.
Toute prière véritable est efficace de quelque manière.
Critique de l’Essai sur l’entendement humain, de Locke.
En affirmant que la liberté est le pouvoir de faire ou de ne pas faire une chose, Locke a commis une erreur similaire à l’affirmation que la sensation a le pouvoir de sentir. En réalité, le sage seul est libre, comme disaient les stoïciens, parce que là où se trouve l’esprit de Dieu, là est aussi la liberté.
L’orgueil et l’engagement étaient plus fort chez Locke que la conscience.
Locke fait partie de la famille des penseurs qui ont beaucoup regardé, mais peu vu.
Il est intéressant de constanter que pour Locke, comme pour Descartes, la vue était le plus instructif des sens. Ce qui contredit l’acception traditionnelle, qui fait de l’« entendement » le résultat de l’ouïe.
« Tous les écrivains qui se sont exercés contre les idées innées se sont trouvés conduits par la seule force de la vérité à faire des aveux plus ou moins favorables à ce système. »
Sur Hume: « le plus dangereux peut-être et le plus coupable de ces funestes écrivains qui ne cesseront d'accuser le dernier siècle auprès de la postérité, celui qui a employé le plus de talent avec le plus de sang-froid pour faire le plus de mal ».
Locke évoque toutes sortes d’histoires à faire vomir pour prouver qu’il n’y a pas de morale innée. Il serait la même chose s’il citait une nosologie pour prouver qu’il n’y a pas de santé.
« Toute doctrine rationnelle est fondée sur une connaissance antécédente, car l'homme ne peut rien apprendre que parce qu'il sait. Le syllogisme et l'induction partant donc toujours de principes posés comme déjà connus, il faut avouer qu'avant de parvenir à une vérité particulière nous la connaissons déjà en partie. »
L'essence des principes est qu'ils soient antérieurs, évidents, non dérivés, indémontrables, et causes par rapport à la conclusion, autrement ils auraient besoin eux-mêmes d'être démontrés; c'est-à-dire qu'ils cesseraient d'être principes.
Sur le postulat qui valide toute connaissance, tout en lui servant d’appui: « Toutes les sciences communiquent ensemble par ces principes communs; et prenez bien garde, je vous en prie, que, par ce mot commun, j'entends exprimer non ce que ces différentes sciences démontrent, mais ce dont elles se servent pour démontrer; c'est-à-dire l'universel, qui est la racine de toute démonstration, qui préexiste à toute impression ou opération sensible, et qui est si peu le résultat de l'expérience que, sans lui, l'expérience sera toujours solitaire, et pourra se répéter à l'infini, en laissant toujours un abîme entre elle et l'universel. »
La vérité est une équation entre la pensée de l’homme et l’objet connu.
Tout idée étant innée par rapport à l’universel dont elle tient la forme, elle est totalement étrangère aux sens par l’acte intellectuel qui l’affirme.
Il y a dans l’homme un principe immatiériel dans lequel réside la science.
Comment combattre un mauvais livre: « Quand un mauvais livre s'est une fois emparé des esprits, il n'y a plus, pour les désabuser, d'autre moyen que celui de montrer l'esprit général qui l'a dicté; d'en classer les défauts, d'indiquer seulement les plus saillants et de s'en fier du reste à la conscience de chaque lecteur. »
Le moteur des écrits de Locke est le désir de tout contredire, surtout l’autorité des idées reçues. Le niveau de ces écrits est médiocre.
Ce que Sénéque a dit des hommes, peut être dit des livres: certains ont la gloire, d’autres la méritent!
Sur le succès des livres: « […] la réputation des livres, si l'on excepte peut-être ceux des mathématiciens, dépend bien moins de leur mérite intrinsèque que des circonstances étrangères à la tête desquelles je place, comme je viens de vous le dire, la puissance de la nation qui a produit l'auteur. […] Tant qu'un livre n'est pas, s'il est permis de s'exprimer ainsi, poussé par une nation influente, il n'obtiendra jamais qu'un succès médiocre; je pourrais vous en citer cent exemples. »
Comment juger les livres: « Il y a une règle sûre pour juger les livres comme les hommes, même sans les connaître: il suffit de savoir par qui ils sont aimés, et par qui ils sont haïs. Cette règle ne trompe jamais […]. »
Pour les livres, tout comme pour les hommes, certaines fortunes sont des malédictions, qui n’ont rien en commun avec les chances. Le succès seul ne prouve rien.
Comment se fait la réputation des livres: « Défiez-vous surtout d'un préjugé très commun, très naturel et cependant tout à fait faux: celui de croire que la grande réputation d'un livre suppose une connaissance très répandue et très raisonnée du même livre. Il n'en est rien, je vous l'assure. L'immense majorité ne jugeant et ne pouvant juger que sur parole, un assez petit nombre d'hommes fixent d'abord l'opinion. Ils meurent et cette opinion leur survit. De nouveaux livres qui arrivent ne laissent plus le temps de lire les autres; et bientôt ceux-ci ne sont jugés que sur une réputation vague, fondée sur quelques caractères généraux, ou sur quelques analogies superficielles et quelquefois même parfaitement fausses. »
Sur l’affirmation de Locke que les prêtres auraient inventé la religion: « Il faut être possédé de la maladie du XVIIIe siècle, fils du XVIe, pour attribuer au sacerdoce l'invention d'un système, malheureusement peut-être aussi rare, mais certainement aussi ancien que le bon sens. »
Septième entretien
L'homme étant donné avec sa raison, ses sentiments et ses affections, il n'y a pas moyen d'expliquer comment la guerre est possible humainement.
« Toutes les fois qu'un homme, qui n'est pas absolument un sot, vous présente une question comme très problématique après y avoir suffisamment songé, défiez-vous de ces solutions subites qui s'offrent à l'esprit de celui qui s'en est ou légèrement, ou point du tout occupé: ce sont ordinairement de simples aperçus sans consistance, qui n'expliquent rien et ne tiennent pas devant la réflexion. »
« Il y a cependant dans l'homme, malgré son immense dégradation, un élément d'amour qui le porte vers ses semblables: la compassion lui est aussi naturelle que la respiration. Par quelle magie inconcevable est-il toujours prêt, au premier coup de tambour, à se dépouiller de ce caractère sacré pour s'en aller sans résistance, souvent même avec une certaine allégresse, qui a aussi son caractère particulier, mettre en pièces, sur le champ de bataille, son frère qui ne l'a jamais offensé, et qui s'avance de son côté pour lui faire subir le même sort, s'il le peut? »
On dit que la gloire explique la guerre, mais la gloire n’est réservée qu’aux chefs, pas aux soldats.
Vision sur la guerre: « J'imagine qu'une intelligence, étrangère à notre globe, y vient pour quelque raison suffisante et s'entretient avec quelqu'un de nous sur l'ordre qui règne dans ce monde. Parmi les choses curieuses qu'on lui raconte, on lui dit que la corruption et les vices dont on l'a parfaitement instruite, exigent que l'homme, dans de certaines circonstances, meure par la main de l'homme; que ce droit de tuer sans crime n'est confié, parmi nous, qu'au bourreau et au soldat. « L'un, ajoutera-t-on, donne la mort aux coupables, convaincus et condamnés; et ses exécutions sont heureusement si rares, qu'un de ces ministres de la mort suffit dans une province. Quant aux soldats, il n'y en a jamais assez: car ils doivent tuer sans mesure, et toujours d'honnêtes gens. De ces deux tueurs de profession, le soldat et l'exécuteur, l'un est fort honoré, et l'a toujours été parmi toutes les nations qui ont habité jusqu'à présent ce globe où vous êtes arrivé; l'autre, au contraire, est tout aussi généralement déclaré infâme; devinez, je vous prie, sur qui tombe l'anathème? »
Phénomène: le métier de la guerre ne tend nullement à dégrader, a rendre féroce ou dur celui qui l’exerce, au contraire, il tend à le perfectionner.
Il existe un côté divin dans la guerre, qui fait que celle-ci ne soit qu’un des chapitres des lois qui pèsent sur l’univers.
Le principe de la vie est mis à découvert par des moyens violents.
Les guerres sont envoyées par Ciel pour que les hommes expient leurs crimes. La guerre est divine en elle-même, parce qu’elle est une loi du monde.
« Il y a des guerres qui avilissent les nations, et les avilissent pour des siècles; d'autres les exaltent, les perfectionnent de toutes manières, et remplacent même bientôt, ce qui est fort extraordinaire, les pertes momentanées, par un surcroît visible de population. »
La guerre est divine par l’indéfinissable force qui en détermine les succès.
« C'est l'opinion qui perd les batailles, et c'est l'opinion qui les gagne. »
Une bataille perdue est une bataille qu’on croit avoir perdu. L'opinion est si puissante à la guerre qu'il dépend d'elle de changer la nature d'un même événement, et de lui donner deux noms différents, sans autre raison que son bon plaisir.
C’est l’imagination qui perd les batailles.
Les batailles ne se gagnent ni ne se perdent point physiquement. La puissance morale est une action immense à la guerre. La puissance du nombre peut être produite, excitée, affaiblie ou annulée par une foule de circonstances qui ne dépendent pas de nous
Sur Te Deum: « [...] ce cantique inimitable, conservé, [...] ne présente pas la plus légère trace du travail et de la méditation, n'est point une composition: c'est une effusion; c'est une poésie brûlante, affranchie de tout mètre; c'est un dithyrambe divin où l'enthousiasme, volant de ses propres ailes, méprise toutes les ressources de l'art. Je doute que la foi, l'amour, la reconnaissance, aient parlé jamais de langage plus vrai et plus pénétrant. »
La prière de chaque nation est une espèce d’indicateur qui nous montre avec une précision mathématique la position morale de cette nation.
« [...] la liaison des idées presque invisible chez les Orientaux, dont le génie bondissant n'entend rien aux nuances européennes [...] »
Sur les Psaumes: « Les Psaumes sont une véritable préparation évangélique; car nulle part l'esprit de la prière, qui est celui de Dieu, n'est plus visible, et de toutes parts on y lit les promesses de tout ce que nous possédons. Le premier caractère de ces hymnes, c'est qu'elles prient toujours. »
Analyse des Psaumes.
Sur la théorie des idées innées: « [...] quoiqu'il y ait des notions originelles communes à tous les hommes, sans lesquels ils ne seraient pas hommes, et qui sont en conséquence accessibles, ou plutôt naturelles, à tous les esprits, il s'en faut néanmoins qu'elles le soient toutes au même point. Il en est au contraire qui sont plus ou moins assoupies, et d'autres plus ou moins dominantes dans chaque esprit; et celles-ci forment ce qu'on appelle le caractère ou le talent [...] »
Chaque lecteur reçoit par la lecture exactement ce qui convient à son temperament intellectuel, et laisse échapper le reste.
Le XVIIIe siècle a demandé à quoi servent les gens qui prient?
Le temps du sommeil est favorable aux communications divines.
Les formes éternelles d'une religion positive se retrouveront partout: « Les voyageurs modernes ont trouvé en Amérique les vestales, le feu nouveau, la circoncision, le baptême, la confession, et enfin la présence réelle sous les espèces du pain et du vin. »
Huitième entretien
« Les hommes ne peuvent être réunis pour un but quelconque sans une loi ou une règle qui les prive de leur volonté: il faut être religieux ou soldat. »
Toutes les vérités ne peuvent pas se tenir debout toutes seules. Elles s’appuient sur d’autres vérités, d’où la maxime: Pour savoir bien une chose, il faut savoir mille autres.
Nul homme n’est puni comme juste, mais comme homme. Le plus grand bonheur n’est pas promis à l’homme vertueux, mais à la vertu.
Un homme qui a éprouvé l’infortune sait ce qu’il vaut. « Les souffrances sont pour l'homme vertueux ce que les combats sont pour le militaire: elles le perfectionnent et accumulent ses mérites. »
Le purgatoire est le dogme du bon sens, parce que tout doit être expié dans ce monde ou dans l’autre.
Un des grands motifs de la brouillerie du XVIIIe siècle fut précisément le purgatoire.
« Le juste, en souffrant volontairement, ne satisfait pas seulement pour lui, mais pour le coupable par voie de réversibilité. »
Les athées disent: Dieu est injuste (parce qu’il laisse impunie l’injustice), donc Dieu n’existe pas. Ainsi, pour les athées l’existence du mal est une preuve contre l’existence de Dieu. Ce raisonnement suppose donc que Dieu est justice par essence, et c’est bizarre que quelqu’un qui nie l’existence de Dieu connaît un de ses traits.
L'homme ne peut concevoir que ce qui est; ainsi, l'athée, pour nier Dieu, le suppose.
Le nombre est la barrière évidente entre la brute et nous dans l'ordre immatériel, comme dans l'ordre physique l'usage du feu nous distingue d'elle d'une manière tranchante et ineffaçable.
Le miroir de l’intelligence c’est le nombre. De là vient notre goût pour la symétrie, qui est le signe de l’ordre.
Ceux qui parlent de désordre dans l’univers sont obligés de faire appel à l’ordre antérieur.
La philosophie du XVIIe siècle est entièrement athéistique.
Une loi humaine est injuste lorsqu’elle viole une loi de Dieu. Une injustice de Dieu envers l’homme est un non-sens, parce qu’il n’y a pas de législateur au-dessus Dieu.
« Plus Dieu nous semblera terrible, plus nous devrons redoubler de crainte religieuse envers lui, plus nos prières devront être ardentes et infatigables: car rien ne nous dit que sa bonté y suppléera. La preuve de l'existence de Dieu précédant celle de ses attributs, nous savons qu'il est avant de savoir ce qu'il est; même nous ne saurons jamais pleinement ce qu'il est. Nous voici donc placés dans un empire dont le souverain a publié une fois pour toutes les lois qui régissent tout. Ces lois sont, en général, marquées au coin d'une sagesse et même d'une bonté frappante: quelques-unes néanmoins (je le suppose dans ce moment) paraissent dures, injustes même si l'on veut: là-dessus, je le demande à tous les mécontents, que faut-il faire? sortir de l'empire, peut-être? impossible: il est partout, et rien n'est hors de lui. Se plaindre, se dépiter, écrire contre le souverain? c'est pour être fustigé ou mis à mort. Il n'y a pas de meilleur parti à prendre que celui de la résignation et du respect, je dirai même de l'amour; car, puisque nous partons de la supposition que le maître existe, et qu'il faut absolument servir, ne vaut-il pas mieux (quel qu'il soit) le servir par amour que sans amour? »
« [...] s'il y a une chose sûre dans le monde, c'est, à mon avis, que ce n'est point à la science qu'il appartient de conduire les hommes. »
Neuvième entretien
Le peuple le mieux constitué est celui qui a le moins écrit de lois constitutionnelles. Toute constitution écrite est nulle.
Le dogme du sacrifice d’un être pour le bonheur de plusieurs, ou pour l’expiation des pêchés, est sans doute d’origine surnaturelle. Elle se retrouve dans toutes les religions, chez tous les peuples.
Le Christianisme repose sur le dogme de l’innocence payant pour le crime.
La philosophie moderne nous dit que tout est bien, tandis que le mal a tout souillé. En réalité, tout est mal, parce que rien n’est à sa place.
« Lorsque l'homme le plus habile n'a pas le sens religieux, non seulement nous ne pouvons pas le vaincre, mais nous n'avons même aucun moyen de nous faire entendre de lui, ce qui ne prouve rien que son malheur. »
Si la tendresse de Dieu ne pardonne rien, c’est pour n’avoir plus rien à pardonner.
L’occasion ne fait point le méchant, elle le manifeste.
Le remède du désordre est la douleur.
« [...] le Christianisme, dans son berceau, était pour les Chrétiens une initiation, et pour les autres un système, une secte philosophique ou théurgique. »
Certains, en lisant Sénèque, ont cru que celui-ci a été chrétien. On est autorisé à croire qu’il a connu l’apôtre Paul.
Pendant les deux premiers siècles, il est très difficile de distinguer entre les chrétiens et les juifs, parce que les premiers suivaient des préceptes de la loi mosaïque.
Les Romains étaient tolérants envers les autres religions.
Dixième entretien
« Plus on examine l'univers, et plus on se sent porté à croire que le mal vient d'une certaine division qu'on ne saurait expliquer, et que le retour au bien dépend d'une force contraire qui nous pousse sans cesse vers une certaine unité tout aussi inconcevable. »
Il existe une malédiction héréditaire, tout comme une bénédiction héréditaire.
« La famille est dans doute composée d'individus qui n'ont rien de commun suivant la raison; mais, suivant l'instinct et la persuasion universelle, toute famille est une. »
« Il est des crimes qui ne sont consommés et caractérisés qu'au bout d'un assez long espace de temps; il en est d'autres qui se composent d'une foule d'actes plus ou moins excusables, pris à part, mais dont la répétition devient à la fin très criminelle. Dans ces sortes de cas, il est évident que la peine ne saurait précéder le complément du crime. »
« Le roi ne peut naître, il ne peut mourir qu'une fois: il dure autant que la royauté. »
Le vice écarte les hommes, comme la vertu les unit.
Il n’y a pas de dogme chrétien qui ne fût appuyé sur quelque tradition universelle et aussi ancienne que l’homme.
Les hommes ont toujours attaché une extrême importance au repas pris en commun: « Point de traités, point d'accords, point de fêtes, point de cérémonies d'aucune espèce, même lugubres, sans repas. »
Nous vivons au milieu d’un système de choses invisibles manifestées visiblement.
Sur la métaphysique: « Dès qu'on sort du domaine de l'expérience matérielle et palpable pour entrer dans celui de la philosophie rationnelle, il faut sortir de la matière et tout expliquer par la métaphysique. J'entends la vraie métaphysique, et non celle qui n'a été cultivée avec tant d'ardeur durant le dernier siècle par des hommes qu'on appelait sérieusement métaphysiciens. plaisants métaphysiciens! qui ont passé leur vie à prouver qu'il n'y a point de métaphysique; brutes illustres en qui le génie était animalisé! »
Plus les sciences se rapportent à l’homme, comme la médecine, moins elles peuvent se passer de religion.
Les mathématiques sont un instrument plutôt qu’une science, puisqu’elles n’ont de valeur qu’en nous conduisant à des connaissances d’autre ordre.
Sur les dangers de la science: « On peut même, je crois, prouver jusqu'à la démonstration qu'il y a dans la science, si elle n'est pas entièrement subordonnée aux dogmes nationaux, quelque chose de caché qui tend à ravaler l'homme, et à le rendre surtout inutile ou mauvais citoyen [...] »
Plus l’intelligence connaît et plus elle peut être coupable.
« Nous partons toujours de l'hypothèse banale que l'homme s'est élevé graduellement de la barbarie à la science et à la civilisation. C'est le rêve favori, c'est l'erreur-mêre, et, comme dit l'école, le protopseudès de notre siècle. Mais si les philosophes de ce malheureux siècle, avec l'horrible perversité que nous leur avons connue, et qui s'obstinent encore malgré les avertissements qu'ils ont reçus, avaient possédé de plus quelques-unes de ces connaissances qui ont dû nécessairement appartenir aux premiers hommes, malheur à l'univers! ils auraient amené sur le genre humain quelque calamité d'un ordre surnaturel. Voyez ce qu'ils ont fait et ce qu'ils nous ont attiré, malgré leur profonde stupidité dans les sciences spirituelles. »
La religion est l’aromate qui empêche la science de se corrompre.
« J'ai souvent observé dans ce monde que ce qui suffit ne suffit pas [...]. »
« Il m'a toujours paru que, dans la haute métaphysique, il y a des règles de fausse position comme il y en avait jadis dans l'arithmétique. C'est ainsi que j'envisage toutes les opinions qui s'éloignent de la révélation expresse, et qu'on emploie pour expliquer d'une manière plus ou moins plausible tel ou tel point de cette même révélation. »
L’homme, qui est fils de la vérité, est si bien fait pour la vérité, qu’il ne peut être trompé que par la vérité corrompue ou mal interprétée.
Onzième entretien
La puissance divinatrice ou prophétique est un appanage inné de l’homme. L’homme est assujeti au temps; mais, par nature, il est étranger au temps.
Jamais il n’y eut dans le monde de grands événements qui n’aient été prédits de quelque manière.
« Les savants européens sont dans ce moment des espèces de conjurés ou d'initiés, ou comme il vous plaira de les appeler, qui ont fait de la science une sorte de monopole, et qui ne veulent pas absolument qu'on sache plus ou autrement qu'eux. »
Sur les « illuminés »: « En premier lieu, je ne dis pas que tout illuminé soit franc-maçon: je dis seulement que tous ceux que j'ai connus, en France surtout, l'étaient; leur dogme fondamental est que le Christianisme, tel que nous le connaissons aujourd'hui, n'est qu'une véritable loge bleue faite pour le vulgaire; mais qu'il dépend de l'homme de désir de s'élever de grade en grade jusqu'aux connaissances sublimes, telles que les possédaient les premiers Chrétiens qui étaient de véritables initiés. C'est ce que certains Allemands ont appelé le Christianisme transcendantal. Cette doctrine est un mélange de platonisme, d'origénianisme et de philosophie hermétique, sur une base chrétienne. »
La position de Joseph de Maistre est visiblement contre ces « illuminés ». Le motif principal est le fait que ceux-ci refusait l’autorité du sacerdoce chrétien.
Eclaircissement sur les sacrifices
Chapitre premier
L’axiome qui dit que la crainte a fait les dieux est fausse. D’abord, parce que les hommes, en donnant à Dieu des noms qui expriment la grandeur, la justice, le pouvoir et la bonté, montrent que l’idee de divinité ne provient pas de la crainte. Après, parce que la musique, la poésie, la danse étaient appelées à la cérémonie du culte, et que l’idée d’allégresse est mêlée intimement à celle de fête, au point où elles sont presque synonymes.
Le sacrifice est à la base de tout action de culte, sans distinction de lieu, de temps, d’opinion, ou de circonstance.
« L'antiquité ne croyait point qu'il pût y avoir, entre l'esprit et le corps, aucune sorte de lien ni de contact (1); de manière que l'âme, ou le principe sensible, était pour eux une espèce de moyenne proportionnelle, ou de puissance intermédiaire en qui l'esprit reposait, comme elle reposait elle-même dans le corps. »
L’existence de l’âme et de l’esprit dans l’homme est prouvée par le fait que nous pouvons nous commander à nous mêmes (donc, nous sommes deux en un seul corps), que nous pouvons nous dépasser nous mêmes (il y a donc quelque chose de plus fort et quelque chose de plus faible en nous), et que nous pouvons aimer et haïr à la fois quelque chose.
Sur Voltaire: « Il n'y a pas, dans les jardins de l'intelligence, une seule fleur que cette chenille n'ait souillée. »
La doctrine des deux âmes fut condamnée dans les temps anciens, mais nous devons nous poser le problème si le tribunal fut compétent. « Que l'homme soit un être résultant de l'union des deux âmes, c'est-à-dire de deux principes intelligents de même nature, dont l'un est bon et l'autre mauvais, c'est, je crois, l'opinion qui aurait été condamnée, et que je condamne aussi de tout mon coeur. Mais que l'intelligence soit la même chose que le principe sensible, ou que ce principe qu'on appelle aussi le principe vital, et qui est la vie, puisse être quelque chose de matériel, absolument dénué de connaissance et de conscience, c'est ce que je ne croirai jamais, à moins qu'il ne m'arrivât d'être averti que je me trompe par la seule puissance qui ait une autorité légitime sur la croyance humaine. »
L’homme est coupable par son principe sensible, par sa chair, par sa vie. L’anathème tombe sur le sang. Il y a une croyance fort répandue que le principe vital est dans le sang, d’où l’interdiction de le consommer.
L’organisation n’a rien de commun avec la vie, elle est un instrument, une machine qui a besoin d’un principe vital.
Il existe une opinion, du moins aussi ancienne que Pline, conformément à laquelle le sang est un fluide vivant.
Une opinion aussi ancienne que le monde est que le ciel irrité contre la chair et le sang ne pouvait être apaisé que par le sang. On croyait que l’innocent pouvait payer pour le coupable, et qu’une vie moins précieuse pouvait être offerte et acceptée pour une autre.
Il faut remarquer que dans le sacrifice les animaux carnassiers, ou étrangers à l’homme, comme les bêtes fauves, les serpents, les poissons, les oiseaux de proie n’étaient point immolés. Les animaux sacrifiés étaient brûlés, pour attester que la punition du sacrifice était le feu.
« Rien n'est plus frappant dans toute la loi de Moïse que l'affectation constante de contredire les cérémonies païennes, et de séparer le peuple hébreu de tous les autres par des rites particuliers; mais, sur l'article des sacrifices, il abandonne son système général; il se conforme au rite fondamental des nations, et non seulement il s'y conforme, mais il le renforce au risque de donner au caractère national une dureté dont il n'avait nul besoin. Il n'y a pas une des cérémonies prescrites par ce fameux législateur, et surtout il n'y a pas une purification, même physique, qui n'exige de sang. »
Chapitre II. Des sacrifices humains
Etant donné que l’efficacité des sacrifices était proportionnées à l’importance de la victime, cette croyance a dévié dans la superstition des sacrifices humains.
L’homme n’adopte point l’erreur, il peut seulement ignorer la vérité, ou en abuser, c’est-à-dire l’étendre, par une fausse induction, à un cas qui lui est étranger.
Deux sophismes ont égaré les hommes: pour sauver une armée, une ville, un grand souverain, qu’est-ce qu’un homme? Et encore: qu’est-ce que la vie d’un coupable, ou d’un ennemi?
Il faut toujours partir d’une vérité pour enseigner une erreur.
Le paganisme comme altération de la Tradition Primordiale (le concept est guénonien): « On s'en apercevra surtout en méditant sur le Paganisme qui étincelle de vérités, mais toutes altérées et déplacées; de manière que je suis entièrement de l'avis de ce théosophe qui a dit de nos jours que l'idolâtrie était une putréfaction. Qu'on y regarde de près: on y verra que, parmi les opinions les plus folles, les plus indécentes, les plus atroces; parmi les pratiques les plus monstrueuses et qui ont le plus déshonoré le genre humain, il n'en est pas une que nous ne puissions délivrer du mal (depuis qu'il nous a été donné de savoir demander cette grâce), pour montrer ensuite le résidu vrai, qui est divin. »
Si Joseph de Maistre connait tres bien le christianisme, il se trompe au moment où il commence à débiter des réflexions sur l’hinduisme et l’islam, pour lesquels sa compréhension est très limitée.
10 mars 2006
Joseph de Maistre, Les Soirées de Saint-Petersbourg, (note de lectura)
Publicat de Radu Iliescu la 9:48 AM
Etichete: Maistre Joseph de
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