Paru dans René Guénon, Cahier de l’Herne, 1985.
Sur l’antiguénonisme récent: “[…] il me semble qu’un des traits les plus significatifs de notre époque réside dans l’apparition d’un «antiguénonisme» difus qui vise principalement la notion d’ésotérisme et ce qui l’entoure et regroupe aussi bien: - les fondamentalistes évangélistes indépendants (étrangers aux grandes églises de la Réforme et autres Eglises officielles) qui s’attaquent dans leurs brochures et sermons à la liturgie, à l’ordre sacral, aux icônes, au chapelet, au crucifix, etc., et refusent toute interprétation symbolique de l’Ecriture pour ne retenir que le littéralisme absolu; - les catholiques dits «intégristes», ritualistes traditionalistes attachés au contraire à la dévotion à la Vierge et aux saints.” (p. 431)
Les intégristes catholiques détestent chez Guénon l’universalisme traditionnel et le symbolisme universel.
“A mon sens du moins, l’adversaire du Christ, le vrai, se fait désigner ici ou là pour mieux canaliser les forces qui lui sont contraires et les diriger vers de fausses cibles: détourner l’attention des veilleurs, masquer les vrais dangers de ce monde moderne en attisant les passions – car l’intellect, lui, n’est jamais dupe de cette ruse. Bref, l’Adversaire est partout où on ne le voit pas, d’abord en chacun de nous et dans la conscience de ceux qui, à la place du Christ et avant l’heure, séparent le bon grain de l’ivraie.” (p. 432)
La critique catholique se concentre sur la valorisation que Guénon avait apporté à la Connaissance (encore: co-naissance = identification du sujet et de l’objet dans l’acte de connaître). L’acception dans laquelle Guénon a utilise le mot «gnose» n’a rien en commun avec le gnosticisme, sauf la racine grecque.
“Je pense qu’à la base de cet «antiguénonisme» thématique il y a surtout une immense confusion, habilement entretenue par l’adversaire, entre occultisme et ésotérisme (car il va de soi que tout est fait de lettre et d’esprit, d’«exo» et d’«eso» sans qu’il y ait à rechercher une opposition dialectique entre l’un et l’autre).” (p. 432)
Confusions artificielles:
identité fondamentale des formes traditionnelles et syncrétisme;
les sacrements et les rites de métier, de chevalier, etc.;
la tolérance et l’indifférence;
le silence, le secret des techniques de métier et les «sociétés secrètes» etc.
Certains chrétiens, pourtant penseurs éminents, ont établit une sorte d’équivalence entre l’enflure mentale stigmatisée dans le seconde Epitre aux Corinthiens et la démarche intellectuelle guénonienne. Selon Tourniac, il s’agit d’une confusion entre “l’enflure et l’orgueil du mental individuel avec l’épanouissement de ce que les Pères appelaient l’Intellectus Spiritualis” (p. 433) Après avoir énuméré Saint Bernard, Saint Augustin, Origène, Clément d’Alexandrie: “Voyons, s’il fallait contester au nom du christianisme, l’intelligence spirituelle, la pénétration intérieure de l’Ecriture et des symboles, la langue des symboles elle-même et, osons le mot, tout ce qui fait que cela ressortit bel et bien à l’«ésotérisme» tant décrié… mais c’est toute la patrologie gréco-latine qu’il faudrait mettre à l’Index! […] Et au nom d’un primarisme intellectuel incapable de scruter par l’Esprit les «profondeurs de Dieu».” (p. 433)
La contre-initiation: “Dès lors que l’intellect spirituel de l’homme, celui-là même auquel René Guénon fait appel tout au long de son œuvre, se trouve sinon détruit du moins anesthésié, l’individualité se réduit au corps. C’est le domaine de prédilection du séducteur.” (p. 437)
L’entretien divague vers les rapports qui existent entre l’Eglise catholique et la Maçonnerie. La formule suivante est à retenir: “[…] à mon sens, les notions d’exotérisme et d’ésotérisme s’effacent totalement dans le Christ. L’unité ne se divise pas. L’aspect notionnel relève de l’homme, du fils d’Adam; il se résout dans le Fils de l’Homme. Pour moi, le Christ est celui qui fait connaître Dieu et le Nom du Père, qui est ressuscité et vivant, qui nous assure sanctification et vie divine éternelle dans son Corps glorieux, qui est un avec le Père. Pour paraphraser Léon Bloy, j’ajouterai volontiers que «je me f… de littérature, je ne crois qu’à la vie éternelle.» Le Christ nous a livré l’intériorité, donc l’«ésotérisme», «ouvertement» par sa blessure au cœur. Que personne n’en soi conscient est une autre affaire! Enfin il nous révèle les mystères du Royaume par l’Esprit, et tout cela est lié à l’étroite symbiose entre Israël et les Nations, symbiose qui se fait en lui, rejeton de Juda… Alors une première conclusion apparaît à ma vue: l’ésotérisme du christianisme c’est Israël, et l’ésotérisme d’Israël… c’est le Christ. Je l’ai écrit plus d’une fois!” (p. 436) Superbe formule, quant à moi, j’espère qu’il n’envisage pas l’Etat Israël, ce serait bien dommage, vu le génocide palestinien depuis 1948… Mais c’est peut-être encore un simptôme de la fin du cycle, cette distance de plus en plus grande entre l’Israël terrestre et l’Israël céleste.
Conclusion: “Donc, dans le domaine des apparences et des «transes», il faut juger avec circonspection. C’est pour ce travail de discernement que la pratique de l’œuvre de Guénon est aussi importante que l’usage d’une boussole dans le désert.” (p. 439)
21 avril 2005
Jean-Pierre Laurant, Entretien avec Jean Tourniac, (note de lectura)
Publicat de Radu Iliescu la 8:41 PM
Etichete: Laurant Jean-Pierre, Tourniac Jean
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