09 avril 2005

Pierre Grison, L’Extrême-Asie dans l’œuvre de René Guénon, (note de lectura)

Paru dans René Guénon, Cahier de l’Herne, 1985.

Question: comment René Guénon perçut-il le message de l’Asie lointaine?

Le ternaire doctrinaire guénonien: les doctrines de l’Inde (qu’il a exposé largement), l’Islam ésotérique (qui’il a vécu mais très peu commenté), le taoïsme (dont Guénon a traité sans avoir accés directement à ses textes). Quand même, l’incertitude de ses ressources scripturaires concernant le taoïsme n’affaiblissent pas sa sûreté doctrinale.

René Guénon a utilisé pour l’exégèse de Tao-te king la version française de P. Wieger. Celle-ci est est correcte quant à l’esprit, mais pas dans la forme: le savant jésuite avait mêlé des gloses et des raccourcis qui lui étaient propres. Faute de temps et d’occasions, Guénon a du se satisfaire de traductions de seconde main. Il y avait à l’époque quatre autre versions françaises de Tao-te king: celles de G. Pauthier, de Stanislas Julien, d’Alexandre Ular et de Jules Besse. Dans les années 20 s’ajoutent celle de Pierre Salet. La traduction de James Legge est considérée comme très neutre.

L’ouvrage de P. Wieger, Caractères chinois, est encore irremplaçable.

La nouveauté de la Grande Triade réside plutôt dans les relations qu’établit Guénon entre le symbolisme cosmologique de l’Asie et ceux de l’Hermétisme et de la Maçonnerie. On peut dire que la Grande Triade développe certains aspects déjà exposés dans le Symbolisme de la Croix.

“Encore est-il tout à fait remarquable que, pratiquement sans référence fiable aux textes anciens, mais par référence constante à la Certitude principielle, la redéfinition de la Grande Triade présente, chez Guénon, une authenticité sans faille.” (p. 147)

“Si les travaux de René Guénon sont connus en Inde, s’ils ont, au Pakistan, une réelle influence – mais on est là en pays d’Islam – ont-ils eu des échos jusqu’aux rives du Pacifique? Au Viêtnam, la revue France-Asie lui rendit, après sa mort, un important hommage et fut, dans une certaine mesure, ouverte à ses idées: mais elle ne touchait, dans toute l’Asie orientale, qu’un public occidental ou fortement occidentalisé. Nous savons qu’au Cambodge plusieurs des personnalités qui ont, au cours des décades passées, joué un rôle public de premier plan, étaient des lecteurs de Guénon, dans l’œuvre duquel ils avaient trouvé, sans ressentiment aucun, le contrepoids à leur formation occidentale et la voie d’un retour aux sources spirituelles de leur propre tradition. De ce paradoxe apparent, Guénon se fût sans doute déclaré satisfait.

Plus significativement encore, outre les travaux qui ne visent qu’à prolonger ou préciser l’œuvre du Maître dans la voie qu’il a tracée – et au nombre desquels voudraient se situer modestement les nôtres -, d’autres ouvrages récents consacrés aux traditions extrême-orientales lui sont redevables, si même ils n’en conviennent pas toujours explicitement. En ce domaine comme en d’autres, rien n’est plus tout à fait, après Guénon, comme avant. Preuve suffisante, dirait-il, que son propre enseignement ne revêt pas un caractère personnel, mais constitue le moyen d’un retour aux fondements de la Tradition unanime, sans l’obstacle des préjugés d’écoles. «Ce que d’autres ont dit, voilà ce que j’enseigne», affirmait déjà Lao-tseu (chap. XLII), approuvé en cela par Tchouang-tseu: c’est à la fois trop peu dire et tout exprimer de la fonction traditionnelle qu’assume, au regard de l’Extrême-Asie comme d’autres domaines plus familiers, le message guénonien, tout entier soumis à la Volonté du Ciel.” (p. 149)

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