04 avril 2005

Victor Nguyen, Guénon, l’ésotérisme et la modernité, (note de lectura)

Paru dans le cahier René Guénon, Editions de l’Herne, 1985.

Le danger de contaminer l’éternel par l’élémentaire ou par l’éphémère incita Guénon à mettre l’accent sur l’intégrité des rites face aux avatars prétendument initiatiques banalisés par le siècle.

L’âge sombre est celui de la barbarie cultivée.

„Dorénavant, le désordre matriciel prime et réprime l’ordre principiel, inversant l’herméneutique des sociétés traditionnelles, qui retourneraient au chaos périodiquement, dans l’intention de l’exorciser en s’y rajeunissant. Inclinaison de pôle à pôle, l’axe de la connaissance ordonne une culture-mosaïque dont la cohésion repose sur la seule densité de sa masse, «assemblage de fragments par proximité, sans construction, sans points de repère, où aucune idée n’est forcément générale, mais où beaucoup d’idées sont importantes (idées-force, mots-clefs)», distribuée en structures molles, si l’on ose dire, un fait additionné à un autre, un événement repoussant le précédent, culture qui s’alimente au bruit, rejetant au néant ce dont on ne parle pas ou ce dont on ne parle plus, mais culture qui est parasitée par le bruit, où l’information devient opaque à force de surabondance et demeure toujours sous la menace d’une implosion.” (p. 73)

La modernité procède par l’aplatissement de tous les valeurs. Le règne de la quantité, en clôturant le monde sur le profane, matérialise le sensible et solidifie le visible.

„Vecteurs impérieux d’archétypes, les mythes reviennent en force tant éclate l’ambivalence de la modernité, entre la table rase qu’elle postule et les décombres dont elle fabrique son langage.” (p. 75)

François Meyer: „L’agitation moléculaire qui atteint aujourd’hui son maximum historique, qui s’étend à la dimension planétaire, qui semble devoir s’accélérer jusqu’au paroxysme, signifie-t-elle la fin des structures, de toute structure, en prépare-t-elle la dissolution?” (in La Surchauffe de la croissance, Fayard, 1974, p. 124)

Rainer Maria Rilke: „Nous sommes les abeilles de l’Invisible. Nous butinons éperdument le miel du visible, pour l’accumuler dans la grande ruche d’or de l’Invisible.” (lettre à Witold von Hulewicz, Œuvres, t. III, p. 590)

Tout se passe comme si la modernité bouleversait l’économie symbolique en déréglant les rapports entre l’âme, l’esprit et le sensible. Temps de l’histoire et temps du secret permutent dorénavant, de la renaissance à la nostalgie… L’obscurcissement de la Tradition s’accompagne du scintillement des Lumières, tandis que la remontée de l’occulte assujettit la connaissance au regard vulgaire.

La fermeture aux influences spirituelles d’en haut produit un déséquilibre au bénéfice des influences d’en bas.

La clôture du monde laisse proliférer la contre-initiation.

„Ultime aboutissement du processus de descente cyclique: l’initié ne pouvant plus rien sur le monde ordonne sa vie de telle manière que le monde ne puisse pas plus sur lui, et s’ensevelit vivant dans l’initiation qui devient une espèce d’univers parallèle au nôtre mais de plus en plus séparé de lui.” (p. 83)

„[…] l’histoire sociale est faite de l’éternel retour et de l’éternelle éclipse des mythes qui lentement émergent de l’inconscient collectif, composent et rusent…” (Gilbert Durand, «Le social et le mythique. Pour une topique sociologique», Cahiers internationaux de sociologie, no spécial, Les sociologies, vol. LXX, 1981, p. 304)

L’épistémologie contemporaine intègre de mieux en mieux le catastrophisme dans ses hypothèses.

„A un certain degré de vitesse acquise, une civilisation ne se trouve-t-elle pas en difficulté de produire toujours plus le type d’homme que son mouvement créateur exige d’elle pour la soutenir? Il aura fallu notre fin de siècle frappée de plein fouet par la crise des valeurs prométhéennes, pour comprendre que le progrès n’a jamais été un principe de réalité que pour des couches sociales bien délimitées, bourgeoisies occidentales ou occidentalisées, selon la conscience du futur propre de l’homme faustien.” (p. 85)

Toute l’œuvre de Guénon tourne autour la notion de la crise.

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