04 octobre 2005

J. P. Schnetzler, La notion de tradition chez René Guénon, (note de lectura)

Publié dans René Guénon (1886-1951). Colloque du Centenaire, Le Cercle de Lumière, 1993.
Sur l’œuvre de René Guénon, R. Kanters disait qu’elle a été “une des plus grandes influences au second degré de notre époque”.
Sylvain Lévi, réfusant la thèse de doctorat de R. Guénon (qui devait devenir l’Introduction générale à l’étude des doctrines Hindoues) s’appuie dur la notion guénonienne de Tradition pour la rejeter, en écrivant de l’auteur: “il est tout prêt à croire à une transmission mystique d’une vérité première apparue au génie humain dès les premiers âges du monde”, et René Guénon ne fut jamais docteur ès lettres.
Si la tradition est, au sens étymologique, du latin tradere, ce qui est transmis, le terme a pris, bien entendu, dans l’usage courant, une teinte péjorative d’information légendaire ou de façon de faire routinière, à la mesure de l’esprit anti-traditionnel, qui caractérise l’essence même de notre société.
« La Tradition (= Corpus de Mythes, Rites et Symboles) est un corps de vérités principielles qui rattachent “toute chose humaine à la Vérité Divine” (F. Schuon, L’œuvre de René Guénon, Etudes Traditionnelles, 256-261, 1951) et dont l’origine transcendante “échappe à toute investigation historique” (J. Thamar, Comment situer l’œuvre de René Guénon, Etudes Traditionnelles, 282-288, 1951) parce qu’elle est “aussi ancienne que le genre humain” (Joseph de Maistre, cité in J. Thamar, Comment situer l’œuvre de René Guénon, Etudes Traditionnelles, 282-288, 1951) si l’on considère la succession temporelle, et parce qu’elle reconduit l’homme à sa source intemporelle, à tout instant. » (p. 38)
La Tradition n’est pas coutume. La Tradition suppose la transmission consciente d’un élément sacré, et non pas l’adoration des écorces et le maintien des superstitions, pas plus que le respect des erreurs coutumières, fussent-elles sanctionnées par la majorité.
« Les catégories de la pensée politique, fruit éminent du modernisme, sont totalement incapables d’appréhender l’esprit Traditionnel. » (p. 39)
Sur le symbolisme: « Il faut saisir en effet que le langage symbolique possède cette propriété unique d’exprimer des données intellectuelles complexes et d’animer tout à la fois des éléments affectifs et instinctuels liés à l’objet symbolique. Il peut ainsi mouvoir l’esprit, l’affectivité et le corps, ce que la pure formulation abstraite est bien incapable de faire. Langage naturel unifié et unifiant, il peut transformer celui qui l’utilise, car seul il plonge dans les profondeurs de l’être en même temps qu’il s’élève vers les hauteurs. » (p. 40)
L’autorité spirituelle constitue le seul fondement légitime du pouvoir temporel, en dehors de laquelle le pouvoir ne peut que dégénérer dans les illusions de la puissance et mener aux convulsions du chaos, ainsi que nous le voyons clairement aujourd’hui.
« On peut remarquer en passant que métro-boulot-dodo-porno constitue la profanation du pèlerinage, du travail sacré, du repos contemplatif et de l’amour. A la désacralisation quasi intégrale ne peut répondre que l’exigence d’une sacralité intégrale qui caractérisera précisément la Jérusalem céleste, à la fin du présent cycle. » (p. 41)
La dévise des Templiers provient du Psaume 115: “Non nobis, Domine, non nobis, sed nomini tuo de gloriam.” (Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom donne la gloire.)
Les modalités technique du retour aux originers à travers l’epaisseur, le poids et les mirages des phénomènes grossiers et subtils, constituent un ensemble très varié d’itinéraires, balisés par des organisations Traditionnelles.
L’initiation est simplement le commencement, l’entrée rituelle sur la longue route qui mène, en s’appuyant sur un corpus doctrinal, rituel, symbolique et de techniques de réalisation, à la reconquête consciente des états supérieurs de l’être. Cette reconquête culmine en ce que l’ésotérisme islamique appelle l’Identité Suprême, l’hindouisme – l’identité Atman-Brahman, le bouddhisme – le Nirvâna, et le taoisme – le Tao.
Puisqu’aucune maison n’est censée se construire sans fondations, la pratique d’une voie initiatique suppose celle préalable de l’exotérisme correspondant.
« Aussi déplaisant que cela puisse paraître aux adeptes des rattachements idéaux, des reconstitutions livresques ou de la liberté individuelle débridée, la voie de la Sagesse, qui est celle de la mort de l’égo, passe par la discipline, l’humilité, la piété et l’acceptation de la condition commune. Ensuite, peut-être, sera-t-il possible d’aller au delà. » (p. 44)

Aucun commentaire: