21 octobre 2005

Jean-Pierre Schnetzler, René Guénon et la redécouverte de l’Orient, (note de lectura)

Publié dans René Guénon (1886-1951). Colloque du Centenaire, Le Cercle de Lumière, 1993.
Dans son œuvre de rénovation de la Tradition, René Guénon a utilisé surtout le langage de la métaphysique orientale, Hindoue principalement.
Il existe un Orient géographique, mais aussi un Orient qui est symbole de l’origine de la Lumière incréée.

L’unité transcendante
« Le point central de l’œuvre de René Guénon nous semble être l’exposé de ce qu’est la Tradition dans sa dimension cruciforme, inséparablement verticale et trancendante, aussi bien qu’horizontale et temporellement transmise. » (p. 64)
Le concile Vatican II a formulé l’acceptation des autres religions dans leur dignité propre. Auparavant, Sa Sainteté Jean-Paul II a formulé en juin 1986 une encyclique, “Dominum et vivificantem”, sur le rôle inspirateur et unificateur du Saint Esprit, qui peut dépasser les limites étroites de la chrétienté romaine pour concerner “tout homme”.
« Sur un plan plus intérieur l’œuvre de René Guénon a inspiré des relectures du patrimoine métaphysique de l’Occident chrétien et mené à l’évidence de sa parfaite compatibilité avec la métaphysique hindoue. Au-delà des aventures spirituelles de l’abbé Monchanin et de Dom le Saux, c’est à l’œuvre rigoureuse d’un anonyme moine d’Occident, que nous faisons référence et à celle de l’abbé Stéphane. » (p. 64)

Autorité spirituelle et pouvoir temporel
« […] nous dirons seulement que grâce à l’étude des sociétés traditionnelles orientales, sachant aujourd’hui comment seul l’Esprit structure et irrigue une telle société, nous sommes parfaitement lucides et sereins, rien ne peut plus ni nous séduire, ni nous effrayer. Aucune société, aucun gouvernement, aucune doctrine, à l’heure actuelle, tous irrémédiablement, quoique à des degrés divers, profanes et contaminés par le règne de la quantité, ne présentent des caractéristiques de validité Traditionnelle. » (p. 65)

Le rôle de l’hindouisme
Le Hatha-Yoga a débarqué en France est s’est installé dans le moindre chef-lieu de canton. Ultérieurement a eu lieu une prise de conscience progressive de l’amputation réalisée et de cette alchimie inversée, qui transforme l’or pur de la pratique intégrée en plomb. Une solution envisagée semble être la greffe des techniques du Hatha-Yoga sur un porte-gresse Traditionnel présent en Occident, soit le christianisme, soit le bouddhisme, l’hindouisme n’étant guère exportable.
Il faut noter l’impressionnante masse des traductions de textes sacrés classiques hindous, notamment: Ramakrishna, Ramana Maharshi, Ma Ananda Moyi, Swâmi Ramdas, Nisargada Maharaj, pour ne citer que les plus connus. Dans une position moins rigoureusement orthodoxe il faut citer Sri Aurobindo.
« On sait que l’Hidouisme traditionnel ne doit pas se pratiquer hors de la terre indienne, d’une famille hindoue, des rituels et des transmissions initiatiques. Il n’est donc pas exportable en France. On peut certes constater que de rares Occidentaux ont pu s’intégrer à l’Hindouisme, dans une famille hindoue, ou comme sannyasin échappant au système des castes. Mais tous les Français intéressés par l’Hindouisme ne peuvent devenir moines errants. Cela limite considérablement l’impact pratique sans cependant rien enlever à l’incomparable valeur pédagogique, des exposés métaphysiques des enseignements ou de l’exemple des maîtres cités plus haut. Simplement ceux-ci devront être intégrés aux modes traditionnels spécifiques praticables en Occident. » (p. 67)

Le rôle du Bouddhisme
« Revenons maintenant à la signification de cette implantation du Bouddhisme (et de l’Islam) en terre Chrétienne. Il s’agit avec évidence d’un signe de la fin des temps, le prélude de la fin d’un monde, fin du Kali-Yuga ou âge de fer, et préparation d’un nouveau Satya-Yuga ou âge d’or. Le Bouddhisme, comme le Christianisme, est une religion universelle, dégagée de tout lien avec un système social particulier et l’on sait que parmi les signes prophétisés figure la prédication de l’Evantile à toutes les nations […]. » (p. 68)
La diaspora tibétaine, arrachée de son sol, libérée par les assassins chinois des barrières qui l’avaient protégée de la corruption moderne, a démontré un dynamisme extraordinaire dans son implantation en Occident.
Padma Sambhava, l’introducteur du Bouddhisme au Tibet au VIIIe siècle, avait prophétisé: “Lorsque s’envolera l’oiseau de fer et que les chevaux galoperont sur les roues, les Tibétains seront éparpillés au travers le monde comme des fourmis et le Dharma parviendra jusqu’au pays de l’homme rouge”. Le rouge est la couleur attribuée à l’Ouest.
Quelques aspects du Dharma bouddhique particulièrement précieux pour l’Occident:
- le caractère universellement adaptable d’un enseignement qui se réduit à l’essentiel pour la Libération et s’adresse à tout être humain, donc doué de la nature de Bouddha;
- la subtilité des analyses psychologiques, philosophiques et métaphysiques qui retiennent l’attention des scientifiques par leur accord fondamental avec maints développements contemporains;
- la démarche expérimentale du Bouddhisme qui s’accorde avec notre culture;
- la variété des méthodes de réalisation élaborées au fil des millénaires et préservées par des maîtres vivants capables de les enseigner.
« Devant nos yeux se dissolvent les institutions Traditionnelles, les sectes pullulent sur le fumier de l’incroyance, la confusion mentale prolifère grâce aux medias, les techniciens programment l’Apocalypse et les Français battent le record européen de consommation de tranquillisants. Parallèlement un désenchantement lucide s’accroît, les besoins spirituels osent s’exprimer, les vocations contemplatives s’affirment et l’on refuse du monde dans les centres de retraite de trois ans où se forment, durement, les lamas Occidentaux. Quant aux stages, où s’enseignent aux laïcs les méthodes contemplatives destinées à transformer la vie quotidienne, ils ne suffisent pas aux besoins.
Devant le poids du matérialisme subsistant et les prestiges des pseudo-spiritualités, la seule chose nécessaire est de se transformer et de trouver en soi-même la retraite invulnérable. L’action droite et la transformation du monde sont alors les conséquences naturelles et spontanées. Ainsi que René Guénon nous l’a rappelé, la pratique exotérique conjointe aux moyens de réalisation initiatiques s’impose à tous. La compassion et la sagesse du Bouddha mettent l’un et l’autre à la portée de l’Occidental moyen qui souffrait d’une grande pénurie à cet égard. Hindouisme et Bouddhisme nous ramènent à notre Orient intérieur d’où jaillit toujours la Claire Lumière fondamentale. Puissions-nous écarter les voiles qui la dissimulent. Et pour nous rappeler le moyen de grâce le mieux approprié pour ce travail, lors des “derniers temps”, qui est la récitation intérieure d’un mantra comme l’enseignent Hindouisme et Bouddhisme, concluons en parallèle par ce qu’écrivent le prophète Joël (2, 31-32) et les Actes des Apôtres (2, 21), alors… “quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé”. » (p. 70)
Zen est un mot japonais, qui est la transcription phonétique du mot chinois tchan, lui-même la transcription phonétique du mot sanskrit dhyâna, qui signifie méditation et contemplation. Il désigne l’une des écoles traditionnelles du Grand Véhicule, dont la caractéristique est qu’elle met essentiellement l’accent sur la pratique contemplative. On l’a donc appelée l’école de la contemplation, c’est le nom qu’elle a gardé en Chine et il lui est resté au Japon.
Pendant le changement d’une forme traditionnelle avec une autre: « Ceci n’élimine pas les difficultés d’ordre psychologique individuel, qui subsistent pendant un certain temps et concernent ce qu’on peut appeler le vêtement culturel d’une Tradition. Il est évident qu’il y a un travail d’adaptation et de familiarisation à faire. Comme dans tout changement, celui-ci s’effectue dans l’ombre et l’insécurité, mais à la lumière des principes éternels de la Tradition, ce qui fournit quand même une certaine lampe pour cheminer lorsqu’au début c’est difficile. » (p. 72)
Sur la réincarnation: « Il faut rappeler à cet égard que si la réincarnation, au sens étroit des spirites, a été vigoureusement et justement critiquée par René Guénon dans “L’erreur spirite”, celui-ci n’a jamais condamné la théorie Traditionnelle de la transmigration, où la seule chose qui transmigre, comme nous le rappelle Coomaraswamy, c’est l’Atman. Les éléments psychiques transmigrants ne sont que des agrégats mentaux impermanents qui doivent être considérés comme tels, c’est-à-dire abandonnés. » (p. 73)

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