Traités recuillis et annotés par François Chénique
Postface de Jean Borella
Dervy-Livres, Paris, 1979-1984
Préface
L’abbé Henri Stéphane a été prêtre de l’Eglise Catholique.
Etudes scientifiques avant d’entrer dans les ordres.
Il découvre chez René Guénon la métaphysique, le symbolisme
et la critique du monde moderne. L’autorité de Frithjof Schuon ne lui parut pas
moins grande. La connaissance de l’Orthodoxie, à travers Vladimir Lossky et
Paul Evdokimov, lui ouvrit le monde des icônes.
Il a vécu la crise de l’Eglise catholique d’après Vatican
II.
« Ceux qui l’ont approché ne pouvaient guère ignorer qu’ils
se trouvaient en présence d’une intelligence exceptionnelle. Deux traits nous
paraissent le caractériser: la sûreté de la saisie intellectuelle et le sens
aigu des réalités divines. C’est dire aussi que le Père n’était point
dialecticien: il ne discutait pas, il n’explicitait guère; et qu’il ne
s’intéressait profondément qu’à la théologie chrétienne. Ses lectures étaient
relativement peu abondantes. Mais les livres qu’il appréciait, et qui lui
paraissaient essentiels, étaient lus et relus, certains jusqu’à vingt ou trente
fois. » (p. 8)
Il état doué du «charisme de l’essentiel ».
Chapitre I. Dieu Un et Trois
Traité I.1 Aperçu dogmatique
1. Le mystère de Dieu: la Trinité, sa Gloire essentielle, sa
Vie intime
Le Fils est la Pensée éternelle du Père. Le Verbe est un
Miroir où le Père contemple sa propre image.
Le Père est la Suprême Intelligence qui connaît dans son
Verbe le Suprême Intelligible: c’est donc par une procession d’intelligence que
le Père engendre le Verbe.
L’Essence divine consiste dans ce don total que le Père fait
d’elle au Fils. C’est dans ce don total que le Père existen en tant que
Personne divine.
Ce qui constitue une personne, c’est la tendance vers une
autre, un « altruisme » parfat et total. Ceci suppose dans la personne un
renoncement, un détachement, un dépouillement, un anéantissement de son être
dans l’autre.
L’Esprit-Saint procède de la volonté commune d’Amour mutuel
des deux autres Personnes.
« Il y a donc un double courant d’amour: l’amour réciproque
qui part du Père et du Fils et aboutit à l’Esprit, et, inversement, remonte de
l’Esprit pour aboutir au Père et au Fils: c’est ce qu’on appelle la
Circumincession des trois Personnes. C’est en cela que consiste la Vie intime
de Dieu, et sa Gloire essentielle. Elle se suffit infiniment à elle-même; Dieu
vit et règne éternellement dans cette Gloire parfaite, dans un éternel silence,
un bonheur infini, une paix souveraine. » (p. 21)
2. Le mystère de la Divine Pauvreté et de la Divine Charité:
l’anéantissement du Verbe et l’effusion de l’Esprit, le Sacerdoce éternel du
Verbe
La vie divine par rapport au Père: la génération du Verbe
(procession d’intelligence – la Divine Pauvreté), l’effusion de l’Esprit
(procession d’amour ou de volonté – la Divine Charité).
Le Verbe est Prêtre et Victime éternels.
3. La suprême réalisation de l’anéantissement du Verbe et de
l’effusion de l’Esprit dans le mystère de l’Incarnation rédemptrice suppose la
création et la chute
Comment concevoir l’amour sans la liberté du don?
La Gloire essentielle du Père consiste dans le don total,
souverainement libre, et pourtant nécessaire, que lui fait le Verbe dans son
Sacerdoce Eternel.
Ce qui est essentiel à la Gloire du Père, c’est l’Amour du
Fils. Ce qui n’est pas essentiel à la Gloire du Père, c’est la manière dont le
Fils « s’arrangera » pour rendre Gloire au Père. Pour manifester son amour au
Père, le Fils a choisi l’Incarnation rédemptrice.
Pour réaliser le maximum d’anéantissement, le Verbe a voulu
renoncer à sa condition de Dieu, en prenant la condition d’esclave.
Le péché est un refus d’amour qui rend l’être créé esclave
de soi, de ses passions, du mal. L’enfer n’est que la consecration définitive
d’un tel état.
4. La glorification du Christ: en triomphant de la mort par
sa Résurrection, le Christ triomphe du péché et entraîne dans sa Gloire le
corps du pêché
Mort et péché ne font qu’un. En acceptant la mort, le Christ
« attaque » le péché sur son propre terrain.
Le corps du péché devient le Corps Glorieux: la nature
humaine est divinisée. Le Verbe s’est anéanti en prenant la condition
d’esclave: l’humanité est affranchie de cette condition d’esclavage par la
glorification du Fils de l’Homme et par l’effusion de l’Esprit qui résulte de
l’Immolation du Verbe. Le Verbe fait chair délivre la chair du mal.
5. Le mystère du Corps du Christ et sa triple forme: le
Corpus Natum, le Corps Mystique, le Corps Eucharistique. Le Christ Total
Le Sauveur n’a pas connu le péché, il n’a que le corps du
péché.
« L’humanité du Christ est donc sainte en raison de son
union avec le Verbe de Dieu. L’être constitué par cette union est à la fois
Dieu et Homme. Il est pleinement Homme, possédant un corps humain, une âme
humaine, une intelligence et une volonté humaines, mais la personnalité de cet
être n’est pas humaine: c’est la Personne du Verbe. Lorsque le Christ dit: «
Moi », c’est le Verbe qui parle. Lorsque le Christ pense, agit, veut, aime,
souffre et meurt, c’est le Verbe de Dieu qui pense, agit, veut, aime, etc. Il y
a parfaite conformité entre la volonté humaine du Christ et sa volonté divine.
» (p. 27)
Cette Union parfaite du Verbe de Dieu avec la nature humaine
s’appelle union hypostatique.
Cette Humanité Sainte née de la Vierge, qui a habité parmi
nous, qui a subi la Passion, la Mort, la Résurrection, l’Ascension, et qui est
maintenant l’Humanité Glorieuse, nous l’appelons le « Corps né de la Vierge »,
le Corpus Natum.
Le Corps du Christ n’est pas limité au Corpus Natum, mais il
doit s’augmenter de l’humanité tout entière et s’adjoindre les autres hommes
comme de nouveaux membres. D’où l’idée d’un Corps Mystique dont le Christ est
la Tête et dont nous sommes les membres.
L’Eucharistie est le prolongement de l’Incarnation.
Le Corps Eucharistique est le symbole réel et efficace du
Corps du Christ.
Il n’y a d’ailleurs qu’un Sacrifice Unique, celui du
Calvaire, préfiguré par la Cène et continué par la Messe. Il n’y a qu’un
Prêtre, le Christ, et qu’une Victime, le Christ.
L’Eucharistie a une double signification et une double
efficacité:
a) un « mémorial »
b) une « communion ».
Saint Augustin: « Un seul Pain, un seul Corps, un seul
Seigneur. »
6. L’extension du Corps du Christ au Cosmos: la
sacramentalité de l’Univers, sa participation à la glorification des enfants de
Dieu
Toute créature manifeste la Toute-Puissance créatrice de
Dieu et sa Bonté Infinie. Elle est un reflet et un « vestige » de sa Beauté,
elle « évoque » pour qui sait voir, la Présence du Dieu Vivant, elle est un
signe, un symbole qui fait penser à Dieu. C’est en ce sens que l’on dit que
tout être est un « sacrement » au sens large, et que l’on parle de la «
sacramentalité de l’Univers ».
Les Sacrements proprement dits sont les canaux par lesquels
passe la grâce rédemptrice.
Le Corps du Christ s’étend à l’Univers, au Cosmos, et la
pain sur lequel le Prêtre Eternel vient prononcer les paroles de la
Consécration: Hoc est enim corpus meum, ne symbolise pas seulement le Corps
Mystique, mais le Cosmos, la création tout entière, qui participe aussi au
Sacrifice Rédempteur.
Le dogme de la résurrection de la chair: le corps de
l’homme, étroitement uni à son âme et plongeant par ses racines les plus
profondes dans le monde physique, minéral, végétal et animal, ne doit-il pas
participer avec l’âme à la gloire future, comme il a participé avec elle
ici-bas aux épreuves purificatrices de la souffrance et de la mort?
7. La réalisation effective du Corps Mystique par
l’adjonction de nouveaux membres: la vocation de l’homme à un état surnaturel
est un triple mystère de prédestination, de grâce et de liberté
C’est par pure Bonté que Dieu décide la participation à sa
Vie intime des créatures qui ne peuvent prétendre aucunement à un tel
privilège.
L’homme est appelé, par un libre décret de Dieu, par une
prédestination divine, moyennant un don gratuit de Dieu, à un état surnaturel,
qui est une participation à la vie même de Dieu.
La prédestination divine consiste en ce que, dans le domaine
de la grâce, c’est Dieu qui prend l’initiative, car c’est Dieu qui nous a aimés
le Premier.
L’ordre naturel n’a sa raison d’être et sa signification
profonde qu’en fonction de l’ordre surnaturel.
La distinction entre l’ordre naturel et l’ordre surnaturel a
l’inconvenient de séparer ce qui doit rester intimement uni: la nature et la
grâce sont faites l’une pour l’autre.
La vocation surnaturelle de l’homme est un mystère de
liberté, liberté de la part de Dieu qui résulte de la gratuité du don, liberté
de la part de l’homme, qui peut accepter ou refuser la grâce.
8. Le mystère de l’homme et de la condition humaine. Les
conditions d’admission au Royaume des Cieux. Les principes d’une morale
évangélique et d’une vie intérieure
L’homme doit user de sa liberté sous l’influence de la grâce
pour réaliser en lui une personne humaine analogue à une Personne Divine.
La Pauvreté spirituelle et la Charité constituent la base de
toute vie spirituelle, à condition de les envisager en fonction de leurs
prototypes divins, au niveau du Mystère trinitaire et de l’Incarnation
rédemptrice. Il s’agit de vertus spirituelles dont le contenu et la portée
n’apparaissent que moyennant une certaine connaissance.
La condition humaine est celle d’un être déchu et pécheur,
racheté par le Sang du Christ, ou d’un esclave de Satan libéré par la Croix, et
non pas celle de l’homo oeconomicus, par exemple.
L’accomplissement extérieur d’actions charitables, par
exemple, n’est et ne doit être que le jaillissement d’une charité intérieure,
essentielle, ontologique.
En face de l’homme moderne décapité, il y a deux attitudes
philosophiques:
a) l’attitude « progressiste » - le culte de l’Homme. Les
idoles de la nouvelle religion: l’Humanité, la Science, le Progrès, la
Démocratie etc. Dans une telle perspective l’individu et le présent sont
sacrifiés.
b) l’attitude « existentialiste – tout est absurde.
Au niveau de la vie ordinaire, la Pauvreté et la Charité ne
peuvent être évidemment que le reflet ou le symbole de ce qu’elles sont in
divinis au niveau du Mystère trinitaire.
« Bienheureux les pauvres en esprit » ne signifie donc pas
que l’homme doit donner tous ses biens aux pauvres, mais qu’il doit, quelle que
soit sa situation, éprouver à l’égard des biens de ce monde un parfait
détachement intérieur.
9. Le mystère de la Vierge Marie ou de la Théotokos
Il existe une ignorance quasi totale des chrétiens et une
incompréhension foncière à l’égard d’un des plus grands Mystères du
christianisme et du rôle irremplaçable de la Vierge dans la « vie spirituelle
».
Notre condition actuelle exige une « médiation », à l’instar
de celle du Verbe Incarné, et que cette médiation est remplie par la Vierge
Marie.
La vie spirituelle consiste essentiellement à faire la
Volonté du Père. L’âme chrétienne n’a rien d’autre à faire que de réaliser
existentiellement l’état marial pour que le Père engendre en elle son propre
Fils.
Traité I.2
La Trinité chrétienne
Frithjof Schuon donne trois interprétation à la Trinité:
a) la réalisation de l’Etre total (Sur-Etre, Etre,
Existence);
b) la réalisation d’un degré d’existence;
c) la réalisation de l’intégralité de l’état humain (Etre,
Sagesse, Volonté).
« C’est effectivement la philosophie d’Aristote qui, à
travers saint Thomas d’Aquin, s’est avérée la plus apte à exprimer le Dogme
chrétien, la « Déité » de Maître Eckhart, et la « Trinité suressentielle » de
saint Denys dépassant le point de vue ordinaire de la théologie. » (p. 43)
Un Absolu « absolument absolu » ne pouvant créer du relatif,
il faut qu’il existe un « relativement absolu » au sein de l’Absolu, c’est la
fonction des trois Hypostases.
La question des Processions divines: le Père engendre le
Fils par mode d’intelligence ou de connaissance. Selon la théologie catholique,
le Saint-Esprit procède du Père et du Fils par mode de volonté ou d’amour «
comme d’un Principe commun »; le Saint-Esprit est en quelque sorte le lien ou
l’amour du Père et du Fils.
L’Hypostase du Père n’est autre que l’Essence divine en tant
qu’elle engendre l’Hypostase du Fils, et vice vera; il en est de même pour le
Saint Esprit. Cet échange mutuel, ce « don total » de l’Essence divine qui «
circule » éternellement, et en dehors bien entendu de toute condition limitative
d’existence comme le temps et l’espace, constitue un double « mouvement » qui
va du Père au Fils, et du Père et du Fils au Saint-Esprit (du Père au
Saint-Esprit par le Fils dans la perspective grecque), et qui remonte du
Saint-Esprit au Père et au Fils (ou au Père par le Fils).
Au niveau le plus élevé, c’est l’Etre pur qui jouit de la
conscience totale de son Essence (Sat-Chit-Ananda: Aséité, Conscience Absolue,
Béatitude: deuxième interprétation de F. Schuon).
Traité I.3
Interprétation métaphysique de la Trinité
Dans la représentation latine, les trois Hypostases sont
situées sur le même plan ontologique et quelque sorte horizontal; on peut les
regarder comme des « déterminations » particulières de l’Essence divine.
Le Père est un « terminus a quo » (point de départ). Le Fils
est un « terminus ad quem » (point d’arrivée).
L’Etre, selon R. Guénon, est la première détermination du
Non-Etre. Elle correspond au Fils, première « détermination » du Père.
Dans la procession d’Intelligence par laquelle le Père (Sat)
engendre le Fils (Chit), le Père ne connaît aucun « objet »: « Tu ne peux pas
connaître Celui qui fait connaître ce qui est connu, et qui est ton Soi en
toutes choses. Tout comme Dieu lui-même ne connaît pas ce qu’Il est, parce
qu’Il n’est aucun “ce”. Dieu (Sat) est Connaissance Pure et Absolue (Chit),
connaissance de « rien ». Par là-même, celle-ci s’identifie à l’Ignorance (la
Docte Ignorance) qui n’est autre que Mâyâ.
Traité I.4
Hypostase et relation subsistante
L’Essence divine
s’épanouit en trois Hypostases par modes de processions inhérentes à la Nature
divine.
Le dogme peut
servir de support ou de point de départ à la transposition métaphysique,
conformément à la dialectique de la cataphase et de l’apophase.
L’archétype de
l’homme est virtuellement inépuisable, en ce sens que sa posibilité permanente
en Dieu comporte son actualisation en mode manifesté par le passage relatif de
la puissance à l’acte, l’indéfinité des individus étant inépuisable
analytiquement.
La Trinité n’a
pas le caractère quantitatif qu’il revêt dans le monde corporel, car ces Trois
sont Un.
La notion de «
relation subsistante » sauvegarde l’unité de l’Essence et la distinction des
Hypostases.
« L’ens a se »
(l’Etre par soi, c’est-à-dire Dieu) est essentiellement « ad aliud » (tourné
vers un autre).
Traité I.5 Le
mystère de la Déité chez maître Eckhart et saint Denys l’Aréopagite
[Dans ce traité,
l’abbé Stéphane montre que le Christianisme, soit dans son expression grecque
(saint Denys l’Aréopagite), soit dans son expression latine (Maître Eckhart), a
développé sur l’Absolu « absolument absolu » des considérations qui rejoignent
celles de l’advaita çankarien ou du bouddhisme mahâyânique.]
Les deux ont
tenté d’exprimer l’inexprimable.
Maître Eckhart ne
peut être compris qu’à la lumière d’une « intellection transcendantale »
dépassant tous les modes « finis » de la logique ordinaire, ou à l’aide d’une
doctrine qui n’est pas d’enseignement courant. Tout de même, il n’est pas un
novateur: tout en maintenant son originalité dans la forme, il est en accord
foncier avec une Tradition reconnue et éprouvée comme celle que l’on attribue
au « Pseudo-Denys ».
La pauvreté
d’esprit selon Maître Eckhart: pour être pauvre, l’homme doit être aussi vide
de sa volonté créée qu’il l’était quand il n’était pas encore.
Când sălăşluiam
încă în cauza mea primă, nu aveam Dumnezeu, ci mie însumi îmi aparţineam! Nimic
nu voiam, nimic nu doream, căci acolo eram fără vreo calitate anume şi mă
cunoşteam pe mine însumi în adevărul divin. Acolo, pe mine mă voiam şi nimic
altceva nu voiam; căci ceea ce voiam eram şi ceea ce eram voiam. Aici, eram gol
de Dumnezeuşi de toate lucrurile. Dar când am ieşit din această voinţă liberă
care a mea era şi am primit o esenţă creată, prin acestea am avut şi un
Dumnezeu. Căci înainte ca să fie creaturile, Dumnezeu nu era Dumnezeu: El era
ceea ce era! Şi, de asemenea, când creaturile deveniră şi-şi începură esenţa
creată, El nu era în sine « Dumnezeu » ci în creaturi era « Dumnezeu »... De
aceea ne rugăm să fim eliberaţi de Dumnezeu: să ne facem una cu adevărul şi să
ne contopim cu eternitatea noastră! (Maître Eckhart, Despre sărăcia cu duhul)
La véritable
pauvreté se réfère à un état supérieur à l’existence créée. En ce même état
également, Dieu n’était pas Dieu. Cet état, antérieur à l’existence, - et il
s’agit bien entendu, non d’une antérieurité chronologique, mais d’une
antériorité à la fois logique et ontologique – cet état, loin d’être le néant,
constitue, au contraire, la Réalité Suprême, au-delà de Dieu et de la Création.
La « Cause
première » désigne cet état où les « effets » étant contenus éminemment dans la
Cause, selon l’adage scolastique, ne sont pas encore sortis de la Cause.
Le « moi » dont
il est question dans ces différents passages ne doit prêter à aucune équivoque:
il ne s’agit nullement du « moi » créé, de l’ego individuel, il s’agit d’un «
Moi » transcendent, dont depend le « moi » créé, mais qui n’en dépend
nullement. Il n’y a pas d’égoïsme transcendant, mais de la plus haute pauvreté.
La théologie la
plus élémentaire distingue entre Dieu conçu dans ses rapports avec la création
et « Dieu en soi » qui ne serait autre
que la Déité.
Pour Maître
Eckhart, la Déité (Gottheit) est l’Indétermination absolue et totale, qui se
situe au-delà de toute distinction et de toute détermination. Il s’agit de
l’au-delà de l’Etre. Certains auteurs parlent de Non-Etre. L’inconvénient de ce
terme, issu d’une mentalité bornée, tient à ce que de nombreux esprits tendent
à le confondre avec le « néant ».
Via negationis
est la plus adéquate pour exprimer le Transcendant, la négation de toute
determination n’étant que la négation de toute limitation, donc de toutes les
négations, cette négation constitue en définitive l'Affirmation absolue par
excellence.
Traité I.6 Les
différents modes de la Présence divine
1. Point de vue
métaphysique
a. La Présence
d’immensité
Dieu est « sans
mesure », au-delà de toutes limites ou de toutes conditions d’existence
(l’espace et le temps).
b. La Présence
d’immanence
Dieu est « tout
en tous ». L’Infiniment lointain est aussi l’Infiniment intime.
2. Point de vue
théologique
a. La Présence
eucharistique
Il y a «
transsubstantiation » du Pain qui devient la substance du Corps du Christ, sans
changement des apparences et sans ressemblance.
b. La Présence
iconique
Centre de rayonnement
énergétique, elle conduit à l’Hypostase à travers la ressemblance de l’image,
et moyennant l’illumination du regard intérieur par la Lumière thaborique.
c. La Présence de
grâce
L’Essence de
Dieu, épanouie en Trois Hypostases, vient « haiter » dans l’âme du fidèle.
d. La Présence de
Dieu dans son Nom
Dieu et son nom
sont identiques. Par l’invocation du Nom divin, l’âme participe à la Réalité
Suprême, et s’identifie à sa propre essence éternelle.
Traité I.7 Dieu
est Lumière
Depuis la chute,
l’homme marche dans les ténèbres, dans le mensonge, dans l’erreur, dans
l’égarement, dans le divertissement. Il vit dans l’illusion de sa propre
réalité et oublie que sa véritable réalité réside en Dieu.
La partie ne se
distingue que selon un mode illusoire du Tout auquel elle appartient. Lui
conférer sa réalité propre, l’envisager indépendamment du Tout qui la contient,
la regarder comme une « chose en soi » est l’illusion des illusions, l’erreur,
l’égarement, le mensonge, les ténèbres.
La Révélation est
venue pour réapprendre à l’homme à lire dans les choses et en soi le langage
divin du Verbe Créateur.
Dumnezeu nu este
nici suflet, nici inteligenţă; el nu are nici imaginaţie, nici raţiune, nici
înţelegere; nu este câtuşi de puţin cuvânt sau gând, şi nu poate fi nici numit,
nici înţeles; nu este număr, nici ordine; nici măreţie, nici micime; nici
egalitate, nici inegalitate; nici asemănare, nici deosebire. El nu este imobil,
nici în mişcare, nici în repaus. El nu trăieşte deloc, el nu este câtuşi de
puţin viaţa. Nu este nici esenţă, nici eternitate, nici timp. Nu are în el
percepţie. Nu este ştiinţă, adevăr, domnie, înţelepciune; el nu este nici unul,
nici unitate, nici divinitate, nici bunătate. Nu este spirit aşa cum ştim noi
spiritele; nu este filiaţie, sau paternitate, nici vreunul dintre lucrurile
care pot fi înţelese de noi, sau de alţii. El nu este nimic din ceea ce nu
este, precum şi nici din ceea ce este. Niciunul dintre cele ce există nu-L
cunoaşte aşa cum este El, şi nici El nu cunoaşte vreunul dintre lucrurile care
există aşa cum există el. Nu există în El nici cuvânt, nici nume, nici ştiinţă;
El nu este întuneric, nici lumină; nici eroare, nici adevăr. Despre El nu
trebuie făcut nici vreo afirmaţie, nici vreo negaţie absolută; şi afirmând, sau
negând lucrurile care-I sunt inferioare, nu am şti să-L afirmăm sau să-L negăm
pe El Insuşi, pentru că această perfectă şi unică cauză a fiinţelor depăşeşte
toate afirmaţiile, şi Cel care este pe deplin independent, şi superior
celorlalte fiinţe, este dincolo de toate negaţiile. (Sfântul Dionisie
Areopagitul, Teologia mistică, Cap. V)
Tratatul I.8
Sinele
Celui qui est
dans l’Inconnaissance, dont le mental est apaisé et qui ne goûte plus rien, a
dit dans son cœur: Dieu n’est pas.
« Nous avons dit
parfois que l’homme devait vivre comme s’il ne vivait ni pour lui-même, ni pour
la Vérité, ni pour Dieu. Mais maintenant nous parlons autrement et nous allons
plus loin. Pour arriver à cette pauvreté, l’homme doit vivre de telle manière
qu’il ne sache même pas qu’il ne vit ni pour lui-même, ni pour la Vérité, ni
pour Dieu, de quelque façon que ce soit. Bien plus, il faut qu’il soit à tel
point vide de tout savoir qu’il ne sache, ni ne connaisse, ni ne sente que Dieu
vit en lui. Il faut qu’il soit vide de toute connaissance qui pourrait encore
se manifester en lui. Car lorsque l’homme se trouvait encore dans l’éternelle
façon de Dieu, rien d’autre ne vivait en lui; ce qui vivait c’était lui-même.
Aussi, disons-nous, l’homme doit être vide de son propre savoir, comme au temps
où il n’était pas encore et il doit laisser Dieu opérer ce qui Lui plaît et
rester pour sa part entièrement disponible. » (Eckhart)
Le Soi, c’est «
Cela » (iddité) que le mental recouvre d’essence (quiddité).
L’identité entre
« Îshwara » (le Seigneur) et « Jîva » (l’âme particularisée) proclamée par le
mantra: « Tu est cela » apparaît lorsque la contradiction apparente entre ces
deux termes est dépassée.
La définition
scolastique du Soi, donnée par René Guénon: « Le Soi est le Principe
transcendant et permanent dont l’être manifesté, l’être humain par exemple,
n’est qu’une modification transitoire et contingente, modification qui ne
saurait d’ailleurs aucunement affecter le Principe. »
Avant de nier
dieu et l’ego, il faut commencer par affirmer Dieu et reconnaître que l’ego est
illusoire vis-à-vis de Dieu.
Chapitre II. Le
mystère du Christ
Traité II.1 Le
mystère du Christ
Le Christ est
essentiellement le Principe manifesté, et pas seulement une manifestation du
Principe comme l’est une créature quelconque conformément à son symbolisme
naturel.
On peut aborder
le Mystère par différents chemins « extérieurs »: historique, théologique,
métaphysique; mais on ne peut en « réaliser » l’essence que par « voie
intérieure et personnelle ».
Le dogme central
est « l’Union hypostatique » (union des deux natures divine et humaine) dans la
Personne du Christ. Il résume tout le mystère de l’Homme-Dieu. Dogme central, à
la fois transcendant et immanent, l’Union hypostatique signifie que la Personne
divine du Verbe – ayant la même Essence ou Nature Divine que le Père – s’unit à
la nature humaine sans personnalité ou individualité humaine pour constituer
l’Homme-Dieu, le Christ, le Verbe Incarne.
Traité II.2 Le
Corpus natum
Au cours de
l’Eucharistie, nous célébrons principalement le Mémorial de la Mort et de la
Résurrection du Christ.
Le Corpus natum
est le Corps né de la Vierge. Il ne faut pas le confondre avec le « corps
historique » de Jésus.
Le Corpus natum
dépasse infiniment le « concept » d’un corps humain ordinaire; il implique en
lui-même toutes les virtualités du Corpus mysticum et du Corpus sacramentale,
ainsi que celles du « Corps glorieux ».
Il existe un
dogme qui concerne la Naissance virginale et la Résurrection du Christ.
Le Corpus natum,
en dépit des apparences, n’est pas mortel; exempt du « péché originel », le
Christ ne pouvait en subir les conséquences inévitables telles que la maladie
et la mort. Tandis que l’homme ordinaire subit passivement la mort, le Christ
l’accepte volontairement, de même qu’il a accepté la Kenôse librement.
Traité II.3 Du
Médiateur
Dieu doit être
conçu à la fois comme transcendant et comme immanent, et l’être humain doit
être conçu comme une créature en dépendance totale et permanente à l’égard de
Dieu, selon la notion exacte de « relation causale ».
« Ce discours
s’adresse à ceux qui prétendent entre en relation avec Dieu sans intermédiaire,
par une sorte d’aspiration idéale ou subjective qui, à moins d’un miracle, ne
débouche sur rien. Si nous parlons de miracle, c’est intentionnel, précisément
parce que la médiation est dans la nature même des choses. » (p. 79-80)
On peut dire que
la nécessité du Médiateur tient à la fois de la nature de Dieu et de la nature
de l’homme. En raison de sa dépendance totale vis-à-vis de Dieu, l’homme ne
peut atteindre Dieu par lui-même: en raison de sa transcendance, Dieu ne peut
atteindre l’homme qu’en descendant à son niveau, et c’est alors son immanence
qui permet de réaliser cette « descente ».
La spiritualité
n’est ni un moralisme, ni un socialisme, ni un idéalisme, ni un humanisme, ni
un angélisme.
La nature humaine
de Jésus-Christ est privée de personnalité humaine. Dans un individu ordinaire,
la concentration sur l’ego (qu’on pourrait regarder comme caractéristique du «
péché originel ») constitue l’obstacle essentiel à la spiritualité véritable,
c’est-à-dire à la « Communion du Père ».
Il est impropre
de dire que Dieu est une « Personne », à l’instar de la personne humaine qui
est une limitation de la nature humaine, alors qu’au contraire l’épanouissement
de la Nature divine en trois Hypostases, loin de clore la Nature divine dans
une Personne, lui permet de se dilateur au-delà de toutes limites.
Le Verbe ne peut
pas s’unir à une nature humaine « close » sur un ego: il ne peut s’unir qu’à
une nature vierge, dépouillée de tout ego.
La Vierge
(Théotokos) est le prototype de l’Eglise.
Le Médiateur est
inséparable de la Théotokos.
Paradoxalement,
le chrétien peut être considéré comme « fils de la Vierge » (ecce mater tua), «
frère du Christ », « enfant de Dieu et de l’Eglise », mais aussi comme « mère
du Christ », ce qui implique immédiatement qu’il réalise effectivement – et non
d’un manière purement morale ou ideale – la Virginité essentielle de Marie
(Sophrosune), avec les « vertus spirituelles »: humilité, charité, soumission,
réceptivité parfaite, abnégation de l’ego, pauvreté spirituelle, enfance
spirituelle, pureté, détachement, ferveur, paix, « violence » contre les
ennemis de l’âme et les puissances ténébreuses, etc.
La spiritualité
chrétienne est essentiellement une « renaissance spirituelle ».
« [...] de même
que la Création est toujours actuelle, en ce sens qu’il ne faut pas concevoir
que Dieu a créé le monde « au commencement », l’abandonnant ensuite au jeu des
causes secondes ou des lois naturelles, mais qu’il le créé à chaque instant, de
même cette « nouvelle naissance » n’a pas seulement eu lieu une fois, quand la
Vierge a enfanté Jésus: elle se perpétue chaque fois que l’Eglise-Mère engendre
un chrétien, ou, mieux encore, quand le chrétien, disions-nous plus haut, peut
être considéré comme « mère du Christ », à l’instar de la Théotokos. »
Traité II.4 Le
symbolisme de la crèche
Le mystère de la
Nativité comporte un double aspect: la naissance du Verbe dans le monde (point
de vue macrocosmique) et la naissance du Verbe dans l’âme (point de vue
microcosmique).
Dans la crèche,
la Vierge est située en arrière du Christ, mais dans la même situation « axiale
» qui signifie qu’elle est à la fois « Mère de Dieu » et « Epouse du
Saint-Esprit ». Son attitude doit être hiérarchique, parfaitement impassible,
ce qui symbolise sa virginité, son immaculée conception, sa parfaite soumission
ou « passivité » à l’égard de l’Esprit-Saint.
D’un point de vue
passif, l’âme doit s’identifier à la Vierge en réalisant les perfections
mariales, afin que le Verbe puisse s’y incarner comme dans le sein virginal de
Marie, épouse de l’Esprit-Saint; d’un point de vue actif, l’âme s’identifie à
la Vierge-Mère. Le premier aspect se réfère à la Communion de l’âme recevant le
Christ, le second à l’invocation du Nom de Jésus: l’âme profère le Verbe comme
la Vierge enfante le Christ, sous l’action de l’Esprit-Saint, générateur
suprême.
Fecioara
reprezintă sufletul în stare de graţie. Dintr-un punct de vedere pasiv,
sufletul trebuie să se identifice cu Fecioara realizând perfecţiunile mariale,
astfel ca Verbul să se poată incarna aşa ca în sânul virginal al Mariei, soţiei
a Duhului Sfânt; dintr-un punct de vedere activ, sufletul se identifică cu
Fecioara-Mamă. Primul aspect se referă la Comuniunea sufletului primindu-l pe
Hristos, al doilea la Invocarea Numelui lui Iisus: sufletul izvorăşte Verbul la
fel cum Fecioara îi să naştere lui Hristos, sub acţiunea Duhului Sfânt,
generatorul suprem. Aici intervine Sfântul Iosif, precum şi măgarul şi boul.
Sfântul Iosif simbolizează prezenţa invizibilă a Maestrului spiritual în
invocaţie, acesta fiind Duhul Sfânt; boul reprezintă « paznicul sanctuarului »,
adică spiritul de supunere, de fidelitate, de perseverenţă şi efortul de
concentrare; măgarul, animal « profan », este martorul « satanic » în
invocaţie, în care reprezintă spiritul de nesupunere şi de disipare. (Abatele
Henry Stépahne, Introducere în esoterismul creştin, Tratatul II. 4 Simbolismul
creşei Naşterii Domnului)
Saint Paul
déclare: « ... afin qu’au Nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur
la terre, dans les enfers... » texte qui se réfère aussi bien à la naissance du
Christ dans le monde qu’à l’invocation du Nom de Jésus.
Les trois Rois
mages représentent le pouvoir sacerdotal et royal.
Chapitre III. De
la Vierge
Traité III.1 De
Immaculata Conceptione
La création devra
procéder d’un double principe: un élément actif et un élément passif.
L’infériorité du
manifesté par rapport au « non-manifesté » tient à sa nature même de «
manifesté » (ou de créature), à son « origine », et se traduit en langage
théologique sous le nom de « péché originel », qui est bien un « péché de
nature » puisque, selon le langage théologique, il affecte toute la descendance
d’Adam, et un « péché d’origine » puisqu’il tient à la provenance même du «
manifesté » en tant que tel (il se sépare de Dieu).
La supériorité du
« non-manifesté » par rapport au « manifesté » se traduira par l’exemption du
péché originel (péché du manifesté), exemption qui affecte précisément, dans
l’ordre historique, le Christ et la Vierge.
La Rédemption
apparaît comme le « retour » de la « manifestation universelle » au Principe
suprême.
La double «
médiation » du Christ et de la Vierge: Le Christ symbole de l’élément actif de
la régénération sera la « source de toutes grâces »; Marie symbole de l’élément
passif de la régénération, ser la « distributrice de toutes grâces ».
Traité III.2 De
la Vierge
Les Protestants ont complétement rejeté la
Vierge. Les Orthodoxes lui refusent l’Immaculée Conception.
Selon le Vedânta,
Dieu doit être conçu comme l’Infini, c’est-à-dire comme excluant toute limite
ou toute détermination quelle qu’elle soit, y compris la détermination la plus
principielle de toutes, à savoir celle de l’Etre. La métaphysique occidentale
s’arrête exactement au niveau de l’Etre, étant proprement une « ontologie ».
La Divinité doit
être envisagée sous un double aspect, d’« Infini » et de « Possibilité
Universelle » (l’ensemble de tous les archétypes).
Tout le mystère
du « mal » consiste dans « l’illusion séparative », ou dans la « séparativité
apparente », en vertu de laquelle l’être manifesté à un certain degré de
l’existence oublie en quelque sorte son « archétype éternel » ou sa « propre
possibilité principielle », et par là-même se prend pour « quelque chose »
d’autonome, pour un « en-soi », et pose ainsi une limite, toute illusoire
d’ailleurs, à l’Infini Divin.
La Vierge s’identifie
à la Possibilité Universelle dans son Immaculée Conception, étant « exempte »
du « péché originel ».
Retrouver son «
Archétype éternel » revient à l’identification à « sa propre possibilité
principielle », ou à sa propre réalité essentielle in divinis, c’est réaliser
en soi le « mystère de la Vierge ».
Il existe une
sorte d’équation ou d’« identité ontologique » entre ces différents aspects du
symbolisme de l’eau: Maria substance plastique universelle, materia prima,
mater, « eau primordiales », eau sortie du côté du Christ, eaux du baptême,
bain de la régénération. Eglise-Mère, « lieu de la régénération », Epouse
sacrée sortie du côté du Christ, Nouvelle Eve: tout cela ne sont que des
aspects d’une même réalité ontologique à différents niveaux ou a différents
points de vue.
Il est en effet
normal que, à l’instar de l’Incarnation, l’Esprit-Saint ne puisse agir dans une
âme que si celle-ci « participe » aux « qualités » de la substance mentionnées
plus haut: pureté, humilité, beauté, bonté, etc., qualités que l’on pourrait
désigner par un seul mot, la plasticié, analogue à la « soumission » ou à la «
mobilité » de l’eau qui épouse les contours du vase qui la contient.
Il ne s’agit pas
d’accomplir des actes de charité, d’humilité, de pureté ou de beauté, mais
d’être la charité, l’humilité, la pureté, la beauté.
Trois conditions
sont requises pour atteindre effectivement cette plasticité de l’âme:
1) La
transmission de l’influence spirituelle ou communication du Saint-Esprit par
des rites appropriés (sacrements, Eglise);
2) La
connaissance doctrinale du but à atteindre;
3) La méthode
contemplative ou incantatoire.
La prière: il ne
s’agit pas de « demander » quelque chose pour soi ou pour autrui, mais de créer
dans l’âme un « état » de soumission totale ou de plasticité ontologique. Cette
« prière spirituelle » est une « vibration » qui harmonise l’âme aux qualités
de la Vierge. En récitant l’Ave Maria, l’âme s’applique à elle-même les proles
de l’Ange à Marie, et la répétition quasi indéfinie, ou le rythme, du Rosaire
engendre cette vibration qui « transforme » l’âme en son prototype virginal. Le
caractère proprement technique de la « prière spirituelle » que nous venons
d’envisager, l’apparente à la « prière de Jésus » utilisée dans l’Eglise
d’Orient.
L’utilisation de
l’Ave Maria – ou du Rosaire – en tant que « prière spirituelle » apparaît comme
le moyen susceptible de créer dans l’âme cette « réceptivité » à la Grâce qui
est l’application au « microcosme » humain du Fiat Lux cosmogonique de la
Genèse venant « organiser » le chaos, ou du mystère de l’Incarnation, le Verbe,
Lumière du monde, descendant dans le sein virginal de Marie pour y engendrer le
Christ.
L’âme humaine
doit s’identifier au « sein virginal » de Marie pour devenir le « lieu » de la
génération du Verbe. Selon Maître Eckhart – et selon toute la tradition
spécifiquement crétienne et la conception trinitaire de la Divinité – la
Volonté du Père est d’engendrer éternellement le Fils, et il n’a pas d’autre
volonté. Cette « naissance éternelle » du Fils se produit alors en dehors du
temps et de l’espace dans ce « lieu » qu’est la Vierge.
C’est par
conséquent dans la mesure où l’âme s’identifie à la Vierge que s’accomplit en
elle le mystère de l’Incarnation; il faut donc que l’âme devienne « intemporelle
».
La récitation des
paroles de l’Ave produit et réalise dans l’âme les « qualités » de la Substance
primordiale et le « contenu » du mystère de l’Incarnation.
Ave Maria, gratia
plena, Dominus tecum, Benedicta tu in mulieribus, et benedictus fructus ventris
tui, Jesus.
Dans la réalité,
cependant, ce n’est pas le Verbe Eternel qui naît de la Substance, mais c’est
celle-ci et, avec elle, toutes les substances « séparées » qui meurent dans le
Verbe et qui ressuscitent en lui – c’est le mystère de l’Assomption de Marie.
Traité III.3
Sophia ou de la Sagesse
La Sagesse est
interprétée traditionnellement comme étant à la fois le prototype du Logos et
celui de la Théotokos.
La Prière est
Invocation, et la bouche, après avoir reçu le Logos dans la Communion comme la
Théotokos dans son sein virginal, profère le Verbe par l’Invocation du Nom
divin, à l’instar de Marie enfantant Jésus, et du Père engendrant le Fils
unique.
Traité III. 4 La
Déisis
Au monde des
Archétypes in divinis répond ici-bas le monde des symboles, car toute chose est
symbole de son Archétype ou elle n’est rien: la « Théotokos d’en bas » est le
symbole de la « Théotokos d’en haut ». Entre le monde des Archétypes et celui
des symboles, se situe le monde des Théophanies, le monde des Faits Sacrés, le
monde de la Médiation, auxquels répondent ici-bas l’attitude de l’Orante, de ls
« supplication » (Déisis), de la Prière, et celle du Précurseur, du Témoin, du
Martyr.
Nous sommes jugés
par confrontation avec notre Archétype. Dans la Théotokos et dans saint
Jean-Baptiste, à la fois symboles du Masculin et du Féminin in divinis, et «
archétypes » des mêmes Principes quoad nos: « Chaque être, les regardant, se
juge ». Il s’agit alors de réaliser « l’intégration archétypique en Christ du
masculin et du féminin », c’est-à-dire la restauration de l’Androgyne
primordial de l’état édénique, le second Adam venant rétablir l’équilibre et
l’harmonie du premier Adam avant la chute; c’est en cela que consiste
essentiellement la Justice du Royaume.
Traité III.5 De
l’Assomption
Privée
d’hypostase humaine – ce qui limiterait la nature humaine au niveau de la chute
– la nature humaine en Jésus est assumée par l’Hypostase du Verbe, et « dilatée
» au-delà de toute mesure, dans le sens de l’« ampleur » et de l’« exaltation
», le « vrai homme » et le « vrai Dieu » s’identifiant ainsi à « l’Homme
universel ».
L’Assomption du
corps mystique: transfiguré par la Lumière thaborique, assimilé par les espèces
eucharistiques, élevé à la dignité angélique, le Corps mystique participe à la
Liturgiecéleste qui est médiatrice entre la liturgie terrestre et la Liturgie
Suprême du « Trisagion ».
Chapitre IV.
Mythes, mystères et symboles
Traité IV.1
Mythes, mystères et symboles
La psychologie
des profondeurs, par l’origine qu’elle atribue aux mythes et aux symboles,
aboutit à la négation pure et simple du contenu essentiel du mythe ou du
symbole. D’après ces thèses, « l’inconscient collectif » produirait les mytes
et les symboles, donc c’est l’homme qui a inventé Dieu et la religion.
Les théories des
psychologues modernes restent au niveau de la psyché, et même ils ne
reconnaissent que le conscient et l’inconscient, faisant rentrer dans le
subconscient ce qui appartient en fait au domaine du supraconscient qu’ils
ignorent. On croirait qu’ils se complaisent dans l’infrahumain, ce qui confirme
le caractère nettement subversif de leurs théories.
Dans leur essence
et leur signification profonde, les mythes sont d’origine suprahumaine ou
divine. Quant à leur expression ou à leur formulation, elle emprunte
nécessairement le langage le plus universel possible et le plus adéquat à la «
révélation divine », c’est-à-dire celui des symboles universels, dont les
archétypes subsistent à la fois en Dieu et dans la psyché humaine.
La transcendence
divine est parfaitement respectée dès l’instant qu’on maintient que l’homme a
été créé à l’image de Dieu, et que l’Archétype dudivin qui dort au fond de la
psyché est lui-même d’essence divine. En définitive, dans l’attraction dont il
vient d’être question, c’est Dieu en nous qui attire Dieu en soi, ou encore
c’est l’immanence divine qui attire la transcendance.
Le mythe est un
récit symbolique destiné à évoquer des réalités d’un autre ordre que celui qui
correspond au sens littéral.
Este important în
egală măsură să spunem câteva cuvinte despre degenerescenţa miturilor (sau a
simbolismului în general) de-a lungul timpului, din cauza „alunecării ciclice”
sau pur şi simplu a „căderii originare”. Să observăm pentru început că mitul
însuşi ţine deja de o anume decădere a omului devenit incapabil de o viziune
directă a realităţilor superioare prin intermediul transparenţei metafizice a
simbolurilor naturale, lucru care-L „obligă” pe Dumnezeu (sau pe „zei”) să
utilizeze miturile pentru a revela oamenilor realităţi cereşti sau
supranaturale, ascunse sub forma însăşi a miturilor. Dar dacă, în civilizaţiile
tradiţionale aşa-zis „primitive”(fie dispărute, fie încă vii) omul înţelege şi mai
ştie să utilizeze miturile, vine o perioadă în care acestea din urmă nu mai
sunt înţelese, cum a fost cazul grecilor şi a romanilor. În cazul acestora,
fantezia individuală s-a manifestat în domeniul artei şi al filosofiei, şi s-a
exercitat îndeosebi în privinţa miturilor anterioare, pe care poeţii
le-auobscurat şi le-au denaturat. Un fenomen analog s-a produs şi într-o epocă
mai recentă: este puţin probabil, ca să ne limităm la două exemple, ca
legendele utilizate de un compozitor ca Wagner sau ritualul masonic utilizat de
Mozart în Flautul fermecat să fi fost cu adevărat înţelese. Găsim, cu toate
acestea, urme de ezoterism în toată literatura, precum şi în poveştile şi
legendele, mai mult sau mai puţin mutilate sau deformate, care se găsesc în
„memoria populară”(folklore) fără a fi în general înţelese. Există evident
excepţii (Virgiliu, Dante, Calderon, Rabelais etc.) dar în general, se poate
afirma că mitul a devenit, cel puţin pentru cei mai mulţi, un simbol neînţeles,
pentru a nu mai desemna în epoca actuală decât ceva ireal, nesemnificativ,
utopic, adică exact contrariul mitului veritabil. (Abatele Henry Stéphane,
Introducere în esoterismul creştin, Tratatul IV.1 Mituri, mistere şi simboluri)
Le mythe ne sert
pas seulement à instruire, mais à consacrer, c’est-à-dire à transmettre une «
influence spirituelle ».
Le mythe est
intimement lié à certains rites d’initiation que l’on rencontre chez la plupart
des « peuples primitifs ». Le mythe sert ainsi de support au rite et à
l’influence spirituelle transmise par celui-ci: le rite tend à rendre présent,
à actualiser et à réaliser le contenu du mythe mais, dans l’état de l’homme
déchu, cette réalisation est généralement virtuelle, ce qui ne veut pas dire
fictive, mais « en puissance » par rapport à la réalisation effective « en acte
».
Le baptême est
une « initiation » virtuelle (initium = commencement): c’est le « grain de
sénevé » qui doit devenir un grand arbre, et l’on dit aussi que le baptême
confère, en effaçant le péché originel, la virtualité de l’état primordial ou
édénique.
Lorsque la
tradition dégénère et qu’elle est sur le point de disparaître, les rites et les
mythes peuvent alors être utilisés dans un but qui n’a plus rien de spirituel,
et c’est un fait bien connu que certaines religions ont dégénéré en magie.
Dans certaines
organisations pseudo-initiatiques, on utilise des théories qui ne sont que des
déformations des doctrines traditionnelles, et des pratiques où l’influence
spirituelle est totalement inexistante, faute d’un rattachement à une tradition
authentique; il s’agit alors d’une véritable parodie de spiritualité,
n’aboutissant à aucun résultat.
Il existe une «
contre-spiritualité » où des rites traditionnels sont utilisés à des fins
contraires; c’est le cas, généralement connu, de la « magie noire », dans
laquelle existe une « influence démoniaque ».
On peut craindre
que le durcissement et la matérialisation progressive du monde moderne, du «
macrocosme » comme du « microcosme », n’entraînent, sinon un « retrait de
l’esprit », du moins son inefficacité. Les théories actuelles sur « la mort de
Dieu » trouvent là leur véritable signification: Dieu en Soi n’est pas mort,
mais « Dieu en nous » est mort, du moins à l’échelle de l’athéisme
contemporain.
Qu’une initiation
(comme le baptême) ne confère que la virtualité de l’état primordial, et que
celui-ci ne soit encore qu’une étape sur le chemin de la réalisation effective
de ce qui n’est que virtuel au début de la « Voie », est une autre question qui
ne modifie en rien la signification et le but de l’initiation, des rites et des
mythes.
Le rôle du mythe
est d’exprimer l’inexprimable, de communiquer l’incommunicable, et ceci doit
être rapproché de ce que nous disions plus haut: le mythe – qui signifie
silence – est un récit symbolique « qui ne dit pas ce qu’il veut dire, mais qui
le suggère en vertu de la correspondance analogique qui est le fondement même
de tout symbolisme; ainsi, pourrait-on dire, on garde le silence tout en
parlanet ».
Traité IV.2 Le
sens du sacré
Le sens du Sacré
est perdu. C’est quelque chose qui a existé au Moyen Age ou plus généralement
dans toute civilisation traditionnelle. Sans le sacré, la religion est réduite
à un humanisme ou à un socialisme quelconque qui ne mérite plus le nom de
religion.
Avoir aujourd’hui
le « sens du sacré », c’est prendre conscience de sa disparition: Dieu est
mort, l’homme est mort, le sacré a fortiori est mort, les Anges eux aussi sont
morts, l’Echelle de Jacob est brisée.
Il faut savoir
reconnaître que ce qui est mort – ou à l’agonie – ce sont les « médiations »
entre Dieu et l’homme: le Sacré, la Religion, la Foi. Dans le monde moderne,
désacralisé et athée, Dieu est ressenti comme « absent ». En raison du «
durcissement » du Cosmos, de la carapace qui couvre le monde actuel, les «
influences spirituelles » ne passent plus.
Tout de même, le
tarissement complet de la Grâce, l’étanchéité complète de la carapace, la «
mort de Dieu » et la « mort de l’homme » ne sont jamais réalisés.
Heureux l’homme
de l’âge Kali: il n’a rien reçu, il ne lui sera rien demandé!
Ce qui meurt, c’est ce qui n’a jamais existé
qu’en mode illusoire.
Le verset
coranique: « J’étais un trésor caché et j’ai voulu être connu, alors j’ai créé
le Monde » fournit la clef et le fondement ontologique du Sacré: le Monde. Il
ne s’agit pas du « monde » au sens néo-testamentaire, où ce monde désigne le
royaume du Satan, « prince de ce monde ». Il s’agit du Monde « sortant des
mains du Créateur », ou encore du Cosmos, du « chaos organisé » par le Fiat
Lux.
La « Chute »
était inévitable par le simple fait que le Monde n’est pas Dieu et d’autre part
qu’elle est imputable à l’homme. Le Monde est sacré, mais n’est pas divin.
Sacrifice <=
sacrum facere
Traité IV.3 Faits
sacrés
C’est la
signification qui confère au fait brut, non seulement son sens, mais sa raison
d’être, son fondement ontologique, et finalement cette signification est le
garant de sa réalité historique.
La liturgie du
Samedi-Saint, qui s’inscrit précisément entre la Mort et la Résurrection du
Christ. Il s’agit essentiellement de la « Pâque », c’est-à-dire du « passage »
de la Mort à la Vie, et le Sacrement qui actualise cette « Pâque » dans les
nouveaux membres du Corps Mystique, c’est évidemment le Baptême. L’alchimie
spirituelle qui en résulte comporte essentiellement les deux aspects de
purification et d’illumination. Tels sont les effets caractéristiques du Baptême.
Les « faits
sacrés » qui jalonnent la « mission de l’Avatâra » ne peuvent être saisis qu’en
fonction de leur Archétypes in divinis: la Naissance éternelle, la Théotokos,
le Sacerdoce, le Sacrifice, la Gloire divine, etc.
Le Mystérieum
magnim, l’Union du Christ et de l’Eglise, l’Union hypostatique des deux natures
en Jésus-Christ, ont pour Prototype éternel in divinis la « biunité » divine de
l’Essence et de la Nature, le Père n’ayant pas d’autre volonté que d’engendrer
le Fils Unique (le Primogenitus) dont l’Essence est identique à la sienne, par
le medium quo de la Théotokos.
Traité IV.4
Illustration théologique et iconographique de la doctrine métaphysique de
l’Homme universel
La doctrine de
l’intégration des états multiples de l’Etre, exposée par René Guénon,
correspond à la doctrine théologique du Plérôme.
Un autre aspect
de « l’Homme universel » est celui de médiateur.
Christ restaure
l’Androgyne primordiel, c’est un thème qu’on trouve notamment dans la « Déisis
» où il s’agit de « l’intégration archétypique en Christ du masculin et du
feminin ».
Traité IV.5 Le
symbolisme de la Croix
La conception
juridique de la Rédemption: l’homme déchu de l’Etat primordial et devenu
exclave du Satan par le péché est « racheté » - à la manière d’un esclave que
l’on rachète – par le sang du Christ, sorte de rançon payée au diable.
La spiritualité
n’a rien à voir avec le déploiement des réalités terrestres, qui se situent en
quelque sorte sur la circonférence de la « Roue cosmique », mais elle est au
contraire un « retour au centre », suivant les rayons de la roue, donc une
véritable « concentration » en un point unique, d’où le symbolisme de la «
Porte étroite » que l’on trouve dans l’Evangile, ou encore le symbolisme du
Cœur, qui, loin d’être le siège du sentiment comme le croient volontiers les
modernes, est le lieu de la manifestation du Principe Suprême, du Verbe, de
l’Intellect ou du Saint-Esprit.
Le Centre a à
l’égard de la circonférence une fonction « rayonnante », « unifiante », «
attractive » et « hiérarchisante ».
La « chute » de
l’homme et la « Rédemption » s’accomplissent le long des rayons de la roue, de
sorte que la « Rédemption » n’agit pas sur la circonférence comme telle. Ceci
explique le caractère « extra-social » et pour ainsi dire « non humain » du
christianisme: la fonction essentielle de la « Rédemption » est non pas je ne
sais quelle « amélioration » de la circonférence comme telle, mais le retourau
Centre des points dispersés sur la circonférence, et cela le long des rayons,
d’où le rôle et la signification de la Croix. « Porter sa croix » ne signifie
pas, d’un point de vue métaphysique, supporter les épreuves de la vie, ce qui
ne dépasse guère le point de vue « moral » ou « psychologique » et se situe
encore sur la circonférence; « porter sa Croix » signifie « tracer la Croix à
l’intérieur du cercle », afin de tout ramener au Centre.
Traité IV.6 Le
symbolisme du Baiser
En dehors des
deux fonctions naturelles de la bouche, le langage et l’alimentation, dont les
deux modalités sacrées sont respectivement la Prière et la Communion, il y a
une autre fonction naturelle, susceptible aussi de sacralisation, à savoir le
baiser.
Le baiser c’est
la plus haute marque d’amour mystique. Liturgiquement, on l’utilise pour
vénérer le Crucifix, les reliques et les Icônes.
Pour être
spirituellement valable, le baiser suppose évidemment la parfaite virginité de
la bouche, sans parler de celle du cœur qui n’est pas en cause ici, mais qui
est supposée a priori.
Traité IV.7 Le
symbolisme du Sang
Le sacrifice
sanglant a existé dans de nombreuses traditions, y compris dans la tradition
hébraïque. Depuis que « le sang de l’Avatara » a été répandu, le sacrifice
sanglant a reçu son accomplissement.
Le « sang des
martyres » n’est pas un rite sacrificiel où l’on communie en mangeant la
victime.
L’effusion du
sang est dans la nature même des choses: le sang est le véhicule de la vie
corporelle; mais, dans le domaine plus étendu de l’intégralité de l’état
humain, il apparaît comme le support plastique de la Vie, et le Christ est venu
nous apporter « la Vie éternelle » par l’effusion de son Sang et par la
Communion eucharistique.
Traité IV.8 Le
mime sacré
Tout acte humain
n’acquiert sa véritable signification que si on le compare à son « prototype
céleste » ou divin, c’est-à-dire si l’on ne connaît le symbolisme qui permet de
le transposer du profane au sacré. On peut dire qu’un acte purement profane
n’est pas vraiment humain, mais « infrahumain ».
Mort et
résurrection, tel est le contenu essentiel du « mime » sacré.
Chapitre V. De
l’art sacré
Traité V.1 Note
sur l’Art sacré
L’Art sacré a
pour fonction de « représenter » - rendre présent – les Réalités célestes, les
Archétypes éternels de toutes choses, et de communiquer ainsi à l’âme du
contemplatif la vertu transformatrice, alchimique, sanctifiante de la Lumière
Incréée.
Les sources de
l’Art sacré sont l’Ecriture Sainte et la Théologie mystique.
L’artiste
s’efface devant son œuvre et ne la signe pas.
L’Art profane
propremet dit, caractéristique du monde moderne, n’est que l’expression de
l’individualisme ou du collectivisme contemporains.
Traité V.2
Distinctions indispensables
Ars sine scientia
nihil. Dans cet adage, le mot « science » vise la connaissance du sacré.
La Science et
l’Art sacrés sont d’origine suprahumaine, mais la science et l’art profanes
sont d’origine infrahumaine.
L’inspiration,
dont on parle à tort et à travers sans faire aucune distinction, peut être «
céleste » ou « infernale ».
La Science et
l’Art sacrés sont inconcevables en dehors d’une civilisation traditionnelle ou
religieuse, où l’inspiration (céleste) ne peut venir que d’un haut. Dans une
civilisation profane ou antitraditionnelle, elle ne peut venir que d’en bas.
La distinction
entre civilisation traditionnelle et religion présente des modalités diverses:
dans l’Hindouisme, par exempla, la religion s’identifie à la civilisation, ce
qui exclut tout caractère « missionnaire ». Il n’en est pas de même pour le
Christianisme (ou l’Islam) qui a pu déterminer la civilisation médiévale et qui
peut également s’adapter à d’autres temps et à d’autres lieux, mais sans
modifier profondément la civilisation antérieure. Quant au Bouddhisme, il s’est
répandu hors de l’Inde, sans pourtant sortir de l’Asie, du moins jusqu’à une
époque toute récente.
Traté V.3
Impressions d’un Occidental primitif
La liturgie
orthodoxe est essentiellement un reflet de la Liturgie céleste
Traité V.4
Théologie de l’Icône
A. L’Icône
L’Icône n’est pas
une peinture, mais une hagiophanie, une « vision sainte » ou une « vision de la
sainteté ».
L’Icône est un
mode de la présence divine.
Le Christ est la
véritable icône.
De même que
l’Eucharistie, l’Icône est le prolongement de l’Incarnation du Verbe.
B. Théologie de
l’Icône
La théologie de
l’Icône est essentiellement biblique et apocalyptique:
a) une théologie
de l’Image
b) une théologie
de la Gloire-Lumière
c) une théologie
de la Présence.
Le fondement
biblique de la théologie de l’image est évidemment la création de l’Homme à
l’image et à la ressemblance de Dieu. Mais en raison de la Chute, l’image est
brisée et la ressemblance est perdue: l’image n’est plus ressemblante, elle
n’est plus qu’une caricature. Mais l’image est restaurée par l’Incarnation du
Verbe: la sainte humanité du Christ unie à la Nature divine est la véritable
Image de la Divinité.
C’est au niveau
angélique que doit se réaliser la « ressemblance » de l’Icône et la «
ressemblance » de l’Homme.
La distance entre
Dieu et l’homme s’agrandit dangereusement du fait que l’homme s’est détourné de
sa ressemblance initiale avec Dieu et s’est enfoncé dans la dissemblance. Par
contre, le plan angélique a gardé intacte sa nature de « seconde lumière »,
réceptacle pur de la Lumière divine.
Les personnages
célestes participent à la Liturgie de deux manières: la première est leur
célébration de la Liturgie céleste, telle qu’elle est décrite dans
l’Apocalypse; la seconde est leur ministère: la prière des saints.
L’alchimie
spirituelle de l’Icône est la façon dont elle contribue à la restauration de
l’image brisée par le Christ.
La Lumière Incréée
de la Divinité est symbolisée au niveaux des autres modes de la lumière:
a) la Lumière
intelligible – par laquelle l’Intellect contemple les réalités intelligibles ou
les essences immuables;
b) la Lumière
cosmique – c’est le Fiat Lux du debut de la Genèse qui vient organiser le
Chaos;
c) la lumière
physique – au niveau de la connaissance sensible.
Un symbole
manifeste et en même temps dissimule une réalité d’ordre supérieur: si l’on
s’arrête à l’objet lui-même, on tombe dans le naturalisme ou dans l’idolâtrie;
si l’on devient capable de voir en lui, ou à travers lui, la réalité d’ordre
supérieur dont il est le symbole, il devient en quelque sorte un « support
d’intellection ».
Le pouvoir
transfigurateur de l’Icône est conditionné ainsi:
a) l’Icône doit
être « très ressemblante »;
b) le spectateur
doit lui-même devenir « très ressemblant » et, a fortiori, l’iconographe.
En raison de la
Chute, l’homme est devenu sans intelligence, c’est-à-dire qu’il n’est plus
capable de voir dans le Cosmos le symbole de la Divinité.
Tandis qu’une
cathédrale représente l’organisation du Chaos, l’Icône représente le monde
transfiguré.
La confection de
l’Icône est inséparable de l’état de prière.
Objectivement,
l’Icône représente les réalités célestes ou spirituelles; subjectivement, elle
représente l’être humain, et plus spécialement le corps humain transfiguré par
la Lumière thaborique. Elle est un témoignage de la déification de l’homme.
C’est une préfiguration de la Gloire, mais la certitude de la Résurrection et
les arrhes de l’Immortalité.
Les
métaphysiciens parlent de la « présence d’immensité » et de la « présence
d’immanence »: Dieu est sans mesure, au-delà du nombre, du temps, de l’espace
et de tout ce qui est susceptible d’être mesuré; n’ayant aucune limite d’aucun
sorte, il est donc susceptible d’être immanent à toutes choses, sans que les
limites de celles-ci affectent en quoi que ce soit sa Réalité transcendante,
mais aussi sans qu’aucun être puisse échapper à son « omniprésence ».
En raison de sa
chute, l’homme ne prend plus conscience de cette omniprésence de la Divinité.
Dans
l’Eucharistie, il s’agit de la Présence réelle du Corps et du Sang du Christ
sous les apparences du Pain et du Vin. Dans l’Icône, c’est l’inverse: c’est la
ressemblance de l’Image qui conduit à l’Hypostase moyennant l’illumination du
regard intérieur et l’ouverture de l’Œil du Cœur, grâce au rayonnement de la
Lumière thaborique. L’alchimie spirituelle a le même effet.
N’importe qui ne
peut pas célébrer l’Eucharistie et n’importe qui ne peut pas confectionner une
Icône. La tâche du Peintre d’Icône et celle du Prêtre ont beaucoup de points
communs: l’un compose le Corps et le Sang du Seigneur et l’autre le représente.
L’Icône est une
théophanie picturale.
Ce réalisme
sacramental de la Mort et de la Résurrection, que l’on trouve notamment dans le
Baptême et dans l’Eucharistie, confère au christianisme un caractère
essentiellement « initiatique » ou spirituel, radicalement différent d’un
moralisme quelconque ou d’un « socialisme » sentimental auquel l’ont réduit,
par confusion du psychique et du spirituel, la grande majorité de nos
contemporains.
Traité V.5 Du
double sens de l’Icône
L’art
iconographique répose sur la « théologie mystique » de l’Eglise d’Orient et il
suppose, pour être compris, la mentalité « mystique » des Orientaux chrétiens.
Celle-ci diffère profondément de la mentalité logique, rationaliste, moraliste
et juridique des Occidentaux et, a fortiori, de la mentalité positiviste et
mécaniste des modernes. Elle diffère également de la psychologie individualiste
des mystiques occidentaux. On pourrait le caractériser par le « sens du mystère
», non pas conçu abstraitement, mais « vécu » dans sa réalité ontologique
appréhendée à travers la Révélation et sous la motion du Saint-Esprit: ce sont
là les « données » fondamentales qu’il n’est nullement question de mettre en
doute, de discuter, ni même de justifier.
L’Icône est un
mode de réalisation sacramentelle particulière: elle participe du mystère «
théandrique » en tant qu’image visible de l’Invisible et « lieu de la Présence
Réelle ». Son double sens est donc celui d’une « manifestation du Divin » et
d’une « transfiguration de l’humain »; sa forme « plastique » devra par
conséquent traduire ces deux aspects dans l’unité d’une même œuvre d’art. Cela
suppose chez l’artiste « l’état de grâce », la soumission aux règles de l’art
traditionnel et une inspiration authentique excluant tout individualisme.
L’iconographie
représente le type même de l’art sacré, avec sa double « fonction »: « rendre
présent » le Divin et opérer la transfiguration de l’humain.
Traité V.6
L’Icône de Roublev
L’Icône de la
Trinité, exécutée en 1425 par le moine André Roublev, peut être regardée avec
certitude comme l’Icône des Icônes.
Traité V.7 Le
Portail Royal de Chartres
L’intelligence
d’une œuvre d’art traditionnel comme le Portail Royal de Chartres suppose une
certaine connaissance de la cosmologie traditionnelle du Moyen Age, totalement
ignorée de nos contemporains, et de la « théologie mystique »; celle-ci exige
surtout une « sensibilité spirituelle » de l’âme évidemment très rare dans un
monde complètement étouffé par le matérialisme et le scientisme (l’obstacle
majeur à la connaissance symbolique).
Le symbolisme est
proprement le langage de la Révélation: il devrait être compris directement par
l’homme en état de grâce.
A l’origine, Dieu
parle à l’homme par l’intermédiaire du Cosmos et la nature vierge est le
support direct de la Révélation. Dans la suite des temps, la « chute » entraîne
à la fois un obscurcissement de l’intelligence humaine et un durcissement du
Cosmos: la nature ne parle plus et l’homme n’entend plus.
Traité V.8
Composition d’ensemble du Portail Royal de Chartres
Dans un «
monument d’intelligence » comme la cathédrale de Chartres, toutes les connaissances
traditionnelles se compénètrent et se complètent mutuellement: sans les formes
d’Art, la Métaphysique reste abstraite; sans la Théologie, la cosmologie reste
« païenne »; sans la cosmologie, la Théologie manque « d’ampleur »: elle risque
de se limiter au plan des « faits historiques » et de perdre sa dimension
mystique ou métaphysique.
Nous descendons
du ciel et nous remonterons au ciel, mais notre « archétype éternel » n’a
jamais cessé d’être dans le ciel: la perspective métaphysique est particulièrement
simple, lumineuse et apaisante, car on voit les choses du sommet.
Malheureusement,
quand on redescend dans la vallée, on retombe inévitablement dans les
vicissitudes de l’existence, qu’il s’agisse d’ailleurs de l’existence terrestre
ou des « états posthumes », car le « retour » à Dieu ne s’opère pas
généralement de façon immédiate.
Le symbolisme
chrétien utilise la cosmologie préchrétienne, non seulement en raison de sa
signification générale, mais aussi pour lui donner un sens particulier en
fonction de la perspective chrétienne.
Traité V.9 La
baie méridionale du Portail Royal
Le Verbe se
manifeste « verticalement » au centre de la Roue cosmique située dans le plan
horizontal, mais il ne se manifeste pas directement sur la circonférence comme
telle: son rôle n’est pas « d’améliorer » la circonférence, mais de la ramener
au centre, ce qui est tout différent, et c’est là que réside la différence
essentielle entre la Religion et la Morale.
Le mystère marial
ne se borne pas à Marie: il s’étend à toute l’Eglise dont Marie est le
Prototype parfait et, par suite, à toute âme fidèle. Ce que nous dirons de
l’âme, ou de l’individu, peut s’appliquer analogiquement à la collectivité,
c’est-à-dire à l’Eglise.
Les trois phases
nécessaires du développement spirituel de l’âme: la pauvreté spirituelle ou
l’humilité, le don de soi ou la ferveur, enfin l’union à Dieu (en langage
alchimique: mortification, sublimation et transmutation).
Les Arts libéraux
sont les reflets des sept sphères célestes dans l’âme, dont ils expriment
l’ampleur et la perfection.
La correspondance
entre les sphères planétaires et les Arts libéraux:
- la Lune ->
la Grammaire
- Mercure ->
la Dialectique
- Vénus -> la
Rhétorique
- Mars -> la
Musique
- Jupiter ->
la Géométrie
- Saturne ->
l’Astronomie
- Soleil ->
l’Arithmétique
Le sphères
planétaires, ou les Cieux, représentent une hiérarchie spirituelle, et les arts
libéraux ne leur correspondent que si on les envisage dans leur essence et non
dans leurs applications profanes et contingentes.
Traité V. 10 Le
Tétramorphe
Il existe une
forme dégénérée d’Art sacré, appelée « art religieux », où l’artiste utilise un
thème religieux en lui donnant une forme profane: tout l’humanisme de la
Renaissance repose sur ce « sacrilège » (Raphaël, Michel-Ange, etc.).
On dit
généralement que les quatre animaux représentent les quatre évangélistes, le
Taureau correspondant à saint Luc, le Lion à saint Marc, l’homme à saint
Matthieu et l’Aigle à saint Jean.
Un symbole
véritable doit toujours être une réalité sensible représentant une réalité
spirituelle, l’inférieur symbolisant le supérieur en vertu d’une correspondance
analogique qui, loin d’être une convention arbitraire ou une invention humaine,
réside dans la nature même des choses.
Le symbolisme
apparaît comme le mode de connaissance métaphysique permettant de « remonter »
du symbole au Symbolisé, du créé à l’Incréé, du temporel à l’Intemporel, du
manifesté au Non-Manifesté: à travers la transparence métaphysique du symbole,
l’intellect humain reconnaît dans chaque être son Archétype principiel.
Chapitre VI.
L’homme et sa destinée
Traité VI.1
Esprit, âme, corps
La conception
classique, qui distingue deux éléments constitutifs dans l’homme, le corps et
l’âme, est suffisante en théologie, lorsqu’on envisage le but essentiel de la
religion qui est de « faire son salut ».
Outre les
éléments constitutifs de l’être qui est actuellement dans l’état humain (corps,
âme), il existe un élément suprahumain ou divin, à l’état non-développé ou «
involué », susceptible d’entrer en relation avec le domaine angélique ou la
Divinité, et que nous appellerons « esprit ».
Une doctrine
pleinement traditionnelle devra envisager, au minimum, une conception
tripartite de l’être humain: corps, âme, esprit. Ce « schéma » est suffisant,
malgré sa réduction à la plus simple expression possible de ce qu’il est
destiné à représenter, à savoir, la multiplicité indéfinie des états de l’Etre
dans toutes leurs modalités possibles.
Traité VI.2 Le
sens de la vie
Il existe à
l’heure actuelle un « humanisme théiste » qui, regardant le monde comme l’œuvre
de Dieu, lui accorde une « valeur en soi » ne différant guère de la conception
purement matérialiste de l’humanisme athée.
Question: la
religion donne-t-elle un sens à la vie, et lequel?
C’est la mort qui
donne un sens à la vie, parce qu’elle y met un « terme ». Ce qui donne sens à
la mort, c’est le Jugement, c’est la Religion qui nous enseigne le Jugement, la
Discrimination, le Discernement.
Au premier degré,
le Discernement distingue entre le « bien » et le « mal ». Mais il ne faut pas
oublier que la connaissance de l’Arbre du Bien et du Mal est inhérente à la «
chute ».
Au second degré,
le Discernement devra porter sur ce qui est Réel et sur ce qui ne l’est pas:
Dieu seul est Réel, le monde este iréel et la vie ordinaire est une « illusion
collective », un « rêve cosmique »; c’est là le domaine de Satan.
Au stade
supérieur, tout discernement est dépassé: nous sommes au niveau de la
Non-Dualité, de l’Essence divine qui « comprend » toutes choses à titre de possibilités
« non existantes » ou plutôt « non encore manifestées ».
La réalité
essentielle d’un être apparaît in divinis comme une possibilité inhérente à la
Possibilité Universelle, ou une « pure relation » à l’Essence divine.
Il est à peu près
impossible à l’esprit humain de faire la synthèse de différents points de vue,
apparemment contradictoires, sous lesquels peut être envisagée la Réalité
divine. Il est nécessaire de maintenir ces différents points de vue et d’éviter
d’en systématiser un au détriment des autres. Ces distinctions ne sont valables
que pour nous, et elle disparaissent complètement au niveau de la Non-Dualité
divine.
Traité VI.3
Nature et Grâce
La Grâce nous
rend consortes divinae naturae, c’est-à-dire participants de la Nature divine.
Dans la perspective chrétienne, cette Nature est conçue comme l’épanouissement
d’une Essence en trois Hypostases.
Le Verbe procède
du Père par mode d’intelligence, et le Saint-Esprit par mode de volonté.
Loin de détruire
les facultés naturelles, les Vertus se « greffent » en quelque sorte sur
celles-ci pour leur infuser une « semence de grâce » qui s’épanouira in fine
dans la « Lumière de la gloire ».
Traité VI.4 De la
condition humaine
L’individu humain
est essentiellement limité, ne serait-ce que par ses conditions d’existence:
espace, temps, forme, matière, vie.
L’« état naturel
» de l’être est essentiellement un « état inconditionné », non assujetti à
quelque condition d’existence que ce soit.
La connaissance
que l’ego avec ses facultés individuelles (intelligence, mémoire, imagination,
etc.) peut avoir du « surnaturel » ne peut être que symbolique. Cette
connaissance ne doit pas être confondue avec la connaissance effective par
laquelle l’être est « délivré » ou affranchi de la condition individuelle.
Traité VI.5 Les
damnés de la terre
Tous nos actes
sont déficients, limités au domaine de la nature, et leurs fruits nous
échappent. Il faut qu’ils soient orientés par le Symbole et vers le Symbole, et
intégrés dans la Connaissance de l’Acte pur.
Traité VI. 6
Quelques considérations sur les états posthumes
Il importe peu
que les définitions dogmatiques ou les descriptions symboliques relatives aux
états posthumes se présentent sous des formes anthropomorphiques ne
correspondant pas exactement à la « réalité ». Il est même nécessaire qu’elles
revêtent une forme aussi simple et aussi « naïve » que possible, puisqu’elles
s’adressent à toute la communauté traditionnelle et sont destinés à être
comprises par les plus rustres et les plus ignorants, et que, d’autre part,
leur importance est telle qu’elles doivent être susceptibles de déterminer en
eux l’attitude pratique nécessaire pour assurer à tous les membres de la
communauté les meilleures conditions posthumes dont ils sont capables. C’est ce
que déclare Frithjof Schuon: « Ce qui seul importe pour nos fins dernièrs,
c’est d’avoir une notion qualitative – et symboliquement suffisante – de la
causalité cosmique en tant qu’elle régit nos destinées posthumes. »
Les conditions
posthumes du chrétien sont déterminées par la structure même de la Révélation
correspondante. Un baptisé, qu’il le veuille ou non, n’a pas le même destin
posthume qu’un non-baptisé: le caractère ineffaçable du rite sacramentel fait
que ses conditions posthumes ne peuvent pas être les mêmes que celles d’un
Hindou ou d’un Occidental sans religion.
Il s’agit donc de
connaître, ou plus exactement, d’en avoir une « notion qualitative et
symboliquement suffisante », ce qui veut dire qu’il n’est pas nécessaire de
savoir exactement comment les choses se passent. Ajoutons tout de suite que
cela est même impossible à l’homme dans son état terrestre actuel: le processus
du « salut » et celui de la « damnation » sont aussi inconnaissables à
l’entendement humain que, par exemple, le processus de la Création: il s’agit,
en effet, de relations causales entre l’état humain, - ou plus exactement une
modalité particulière de cet état, à savoir la modalité corporelle – et
d’autres états de l’être (ou d’autres modalités extra-corporelles de l’état
humain), lesquels sont définis par des conditions d’existence tout à fait
différentes de l’état humain. Il est à peine utile de dire que la science
profane, dont le domaine est limité à l’existence terrestre et dont les moyens
d’investigation ne dépassent pas les limites de ce domaine, est parfaitement
inapte à nous renseigner en quelque façon sur les autres états d’existence.
Il faut se méfier
de doctrines qui consistent en un invraisemblable syncrétisme entre les données
ou les hypothèses de la science profane et des données traditionnelles éparses,
comme par exemple les théories « réincarnationnistes ».
Si la
métaphysique traditionnelle est susceptible de projeter sur ce genre de
questions une lumière incomparable, en exposant par exemple les diverses
possibilités qui se présentent dans l’évolution posthume de l’être humain, il
n’en est pas moins vrai qu’en raison même de son caractère universel – ou «
abstrait » - elle ne permet pas de connaître les différentes possibilités
posthumes concernant spécialement chaque tradition, et elle risque, pour ceux
qui la comprendraient mal, d’entretenir certaines illusions.
Métaphysiquement,
l’avantage du « salut » est de maintenir l’être, pour une indéfinité cyclique,
dans les « prolongements » extra-corporels de l’état humain; il échappe alors à
l’indéfinité des états cycliques individuels, et peur alors, à partir de l’état
humain, atteindre des états supérieurs comparables aux états angéliques.
Le baptême
confère la virtualité de l’état « primordial », ou « édénique », c’est-à-dire
de l’intégralité de l’état humain. Celui qui a reçu la « virtualité » de l’état
édénique est déjà en puissance l’« homme véritable », tandis que l’homme « sans
religion » n’a même pas en lui cette virtualité.
Chapitre VII. La
réalisation spirituelle
Traité VII.1
Illusion et transcendance
Tout jugement
d’ordre spirituel est illusoire. Tout jugement porté sur autrui ou sur
nous-même est d’ordre psychique ou moral, et il ne faut pas confondre le
psychique et le spirituel.
Vue du Royaume de
Dieu, « la cathédrale de Chartes » n’a pas plus de valeur qu’une « usine
d’énergie atomique », mais de notre point de vue, la première nous parle du
Royaume de Dieu, la seconde de la Cité terrestre: l’une et l’autre seront
néanmoins détruites au Jour du Jugement, car ni l’une ni l’autre ne sont le
Royaume. La manifestation tout entière est rigoureusement nulle au regard du
Principe Suprême.
Le Paradis est un
état conditionné qui n’est pas le Royaume de Dieu.
Si l’effondrement
de l’Eglise romaine est déplorable du point de vue du « salut des âmes »,
c’est-à-dire l’obtention d’un « Paradis » conditionné, il est néanmoins
inévitable à la « fin des temps ».
Traité VII.2 De
la naissance éternelle
« Etre baptisé
dans l’Esprit-Saint » ne s’accomplit pas
dans le temps, mais dans l’éternité, hors du temps.
La Naissance
éternelle du Fils Unique ne peut s’accomplir que dans « l’homme hors du temps
», c’est-à-dire dans l’homme parfaitement « vierge ».
Il n’y a qu’une
œuvre, unique, éternelle, sublime, que le Père veut accomplir: c’est la Naissance
éternelle du Fils dans la Vierge, par l’Esprit-Saint.
Traité VII.3
Concentration
Maître Eckhart
déclare que cette Naissance se produit dans le fond, dans la partie la plus
noble de l’âme, dans l’essence, et non pas dans les puissances ou facultés par
lesquels l’âme agit.
Traité VII.4
Renaissance et Résurrection
Un Occidental
peut-il comprendre les doctrines orientales? Dans leur totalité, c’est
impossible, sans quoi il ne serait pas un Occidental.
Il faut observer
l’ambiguïté du mot « hindouisme »: les doctrines orientales ne constituent
nullement un « système », mais un ensemble de « points de vue » - apparemment
contradictoires pour un esprit rationaliste – ce qui est tout différent.
Le théorie des
cycles n’est pas le « retour éternel » des Stoïciens. Pratiquement, une telle
théorie n’pas d’équivalent en Occident. Les Occidentaux ont une conception «
linéaire » et plus ou moins « progressiste » du temps et de l’histoire.
Loin d’être
incompatible avec la théorie des cycles, le christianisme, envisagé à ce point
de vue, apparaît essentiellement comme le « moyen de salut » par excellence,
destiné précisément à faire échapper l’être humain aux « vies successives »,
aux « séries de morts et de renaissances » à travers les différents « cycles
d’existence », et cela tout simplement en vertu du dogme de la Résurrection de
la chair et de la Vie éternelle.
Traité VII.5 De
l’enfance spirituelle
Le symbolisme de
l’enfance désigne un état spirituel très élevé, mais qui n’est encore qu’une
étape sur la Voie qui mène à l’Union à Dieu.
L’enfance
spirituelle s’apparente à la « pauvreté en esprit ».
L’état en
question est désigné en sanscrit par le mot bâlya qui désigne littéralement un
état comparable à celui d’un enfant (bâla): « C’est un stade de « non-expansion
», si l’on peut ainsi parler, où toutes les puissances de l’être sont pour
ainsi dire concentrées en un point, apparemment semblable à la potentialité
embryonnaire. C’est aussi, en un sens un peu différent, mais qui complète le
précédent (car il y a là à la fois résorption et plénitude), le retour à «
l’état primordial ». Ce retour est effectivement une étape nécessaire sur la
Voie qui mène à l’Union (à Dieu), car c’est seulement à partir de cet « état
primordial » qu’il est possible de franchir les limites de l’individualité
humaine pour s’élever aux états supérieurs. » (René Guénon) C’est donc l’« état
édénique » d’Adam, avant la chute, comparable à l’« état virginal » de la
Théotokos.
Traité VII. 6
Réflexions sur la charité
La Charité (« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu
de tout ton cœur... et ton prochain comme toi-même ») est un mystère comme Dieu
lui-même: mysterium caritatis.
La charité ne
doit pas être séparée de la vérité, et par conséquent de l’humilité. Ce sont
les trois vertus spirituelles qui doivent « transfigurer » l’âme.
La charité sans
la vérité est un aveugle qui conduit un autre aveugle.
Dans la parfaite
charité, ce n’est pas l’individu X qui donne l’aumône à un individu Y, c’est
Dieu qui donne Dieu à Dieu.
Traité VII.7
Silence et Existence
Saint Ignace
d’Antioche: le Silence est le principe de la Parole: la Parole n’existe que par
le Silence, mais la Parole manifeste le Silence, et sans elle le Silence
n’existe pas.
F. Schuon: le
Père s’identifie au Sur-Etre, le Fils à l’Etre, le Saint-Esprit à l’Existence.
La théologie
mystique est nécessairement apophatique.
Les « trois voies
» ou plutôt les trois phases de la Voie: via positiva, via negativa, via
eminentiae.
Traité VII.8
Vertu et Gnose
Vertu et Gnose
sont deux faces inséparables d’une même réalité. La Vertu sans la Gnose
dégénère en bigoterie, sottise, moralisme, sentimentalisme, caporalisme,
hypocrisie, pharisaïsme; la Charité, qui devrait être « la Porte de la Gnose »,
déchoit au niveau de la philantropie et de l’entraide sociale. La Gnose sans la
Vertu n’est qu’orgueil desséchant, paresse, habileté mentale vaine et stérile.
La Gnose comporte
deux aspects: l’un théorique (la connaissance des principes), l’autre effectif
(la réalisation de l’Identité par la Connaissance).
L’homme doit pratiquer
la Vertu sans se croire vertueux, et sans m’homme doit pratiquer la Vertu sans
se croire vertueux, et sans même savoir qu’il est vertueux.
La Vertu est la
conformité de tout être à son Archétype principiel.
La Vertu comporte
trois composantes: l’Humilité, la Charité, la Véracité, correspondant aux trois
gunes: tamas est l’humilité de la Substance primordiale, la passivité et la
soumission; rajas est l’expansion, la ferveur, la charité; sattwa est la
lumière, la connaissance, la vérité.
Au niveau très
bas de l’homme déchu, la Vertu se présente sous la forme extérieure de la Loi
Morale ou des Dix Commandements.
Les aberrations
multiples de l’exotérisme: bigoterie, sottise, moralisme, sentimentalisme etc.
Traité VII.9 De
la soumission à la Volonté Divine
Métaphysiquement,
n’est soumis à la Volonté divine que l’homme affranchi des conditions
d’existence individuelle. C’est « l’homme véritable » qui, ayant réalisé le
retour à « l’état primordial », se trouve désormais établi dans « l’Invariable
Milieu ».
Le Principe ne
veut rien. Il n’y a que l’être individuel qui veut « ceci » ou « cela ». C’est
donc en quelque sorte en concevant Dieu en « mode individuel », autrement dit à
son image, que l’homme ordinaire déclare « faire la volonté de Dieu ».
Traité VII.10
Alchmie spirituelle
La Vie
spirituelle peut se définir essentiellement comme renoncement au moi et au
monde (aspect négatif) et comme « union à Dieu » (aspect positif).
On peut y
distinguer quatre phases:
a) métanoïa =
conversion = retournement: l’âme ayant perçu un commencement de Lumière divine
se détourne sous l’action de la Grâce de l’ego et du monde;
b) catharsis =
purification = mortification des passions et du désir;
c) apatheïa = apaisement = contentement;
d) théôsis =
divinisation: l’âme, entièrement dépouillée, n’est plus elle-même car elle est
« transformée » en Dieu.
Traité VII.11 La
question du changement de forme traditionnelle
L’Unité
transcendante des religions se situe dans le domaine de l’informel, alors que
les différentes religions se situent, tout autant que les individus qu’elles
concernent, sur le plan formel.
Alors qu’il y a «
unité » dans l’informel, il y a au contraire le maximum de « diversité » sur le
plan formel, ce qui condamne a priori tout mélange de formes traditionnelles
et, ipso facto, pose le problème d’un changement de forme comme une des
questions les plus graves pour le devenir spirituel de l’individu.
Il est évident que l’individu, qui se situe a
priori sur le plan formel, même s’il conçoit et admet « mentalement » l’Unité
transcendante des religions, ne saurait être autorisé pour autant à choisir la
forme traditionnelle qui lui plaît et qui paraît lui convenir.
Chapitre VIII. De
l’ordre sacramentel
Traité VIII.1 De
l’ordre sacramentel
Il ne suffit pas
d’avoir la foi et l’amour pour que se réalise effectivement en nous l’œuvre du
Médiateur, il faut aussi un rattachement objectif, seul réel et efficace, à un
ordre sacramentel voulu et fondé par le Christ.
Cet Ordre est
dans la nature de choses et le Christ lui-même s’y est conformé. Si le concept
de création implique la dépendance totale et permanente de la créature
vis-à-vis du Créateur, en excluant toute autonomie propre de la créature, il
s’ensuit que l’existence tout entière doit être ordonnée à Dieu.
Dans l’Eucharistie,
la foi (aspect subjectif) est indéparable de la communion à la Victime (aspect
objectif), mais ce n’est pas la foi qui opère la Présence Réelle, comme le
prétendent certains modernistes.
C’est le sacré
qui constitue l’aspect objectif de l’Ordre.
Aux origines de
l’humanité, la Nature est tout entière sacrée et elle est un Temple où l’homme
peut adorer Dieu, sans construire de temples. Mais dans la suite des temps, en
raison de la « chute », elle se « désacralise » progressivement. A la «
religion naturelle » des commencements doivent se substituer les différentes
formes de religions où le sacré est « mis à part » du profane; dans le monde
moderne, à la « fin des temps », tout est profane ou tend à le devenir, les
derniers vestiges du « sacré » ne subsistant que grâce à la protection des
Beaux-Arts!
L’idée de la
désacralisation progressive de la nature, consécutive à la « chute ».
Quand le
symbolisme naturel ne joue plus, il faut recourir au Sacrifice (sacrum facere).
Le Sacrifice est un Rite essentiel commun à toutes les religions sous des
formes indéfiniment variées.
Traité VIII.2
Considérations sur la Messe
La messe est
l’accomplissement rituel ou sacramentel du mystère de l’Eglise, et elle se
rattache par là même au mysterium magnum, au mysterium fidei et au mysterium
caritatis.
La messe est
essentiellement un mystère d’union, le mariage spirituel de l’Epoux (Dieu) et
de l’Epouse (l’Eglise).
Le baptême, qui
est l’initiation du néophyte, apparaît alors comme une « incorporation » sur le
Corps Mystique, et si la Confirmation en est le complément, l’Eucharistie en
est l’achèvement, l’accomplissement, l’assimilation.
L’Amour est
inséparable de la Mort, et par conséquent du Sacrifice, et cette Mort est une
Résurrection, une Renaissance.
La création est la
Mort de Dieu, le Sacrifice de Dieu: la Divinité est comme « démembrée » en
chacun de ses enfants. Ce « démembrement » de la Divinité constitue le « péché
originel » qui est imputable à tout homme venant à l’existence, et la «
rédemption » n’est autre que le « remembrement » du corps dispersé.
Dans le retour de
la multiplicité à l’Unité, ce n’est pas la multiplicité des ego individuels
comme telle qui retourne au Principe, mais les « fragments » de la Divinité
dispersés dans les êtres, et ce n’est que par la « mort » des ego que la Déité
démembrée est restaurée dans son intégrité et sa plénitude premières.
Une église en
béton est un « malheur des temps » qui ne se prête à aucun symbolisme, et l’on
finit par construire des églises qui ressemblent à un hangar ou à une salle de
cinéma.
Au sommet de
l’Ascension mystique, le sacrifice rituel est devenu le Sacrifice spirituel, le
sacrifice extérieur est devenu « sacrifice intérieur »; la Jérusalem d’en bas
devient la Jérusalem d’en haut, le sacrifice eucharistique devient le sacrifice
de louange; l’Israël selon la chair devient l’Israël selon l’Esprit, l’Epouse
du Cantique devient l’Epouse de l’Agneau; le mariage sacré doit être finalement
consommé dans le Cœur: l’Ame-Epouse, embrassée par l’Epoux divin, ne fait plus
qu’un avec lui.
Traité VIII.3
Aspects de la Messe
De l’extérieur,
la Messe est le Rassemblement des fidèles en vue de la Communion au Sacrifice
du Christ.
L’aspect social
de la liturgie est nécessaire sur le plan humain, qui est notre point de départ
inévitable, mais à condition de l’envisager comme un support, une clef et un
symbole ouvrant l’accès à des réalités célestes ou suprahumaines, et finalement
à la Réalite Une et Transcendante.
Il n’y a qu’un
Sacrifice et qu’un Sacrificateur qui est lui-même la Victime unique, le Christ.
C’est le même Sacrifice qui est préfiguré à la Cène, accompli au Calvaire, et
perpétué à travers les âges au cours des différentes messes, et c’est aussi la
même Victime et le même Sacrificateur.
Le Sacerdoce de
Melchisédech rattache le Sacerdoce christique à la Tradition primordiale.
La Communion est
participation au Sacrifice.
De même que le
Christ s’est dépouillé de sa Gloire divine pour prendre la condition d’esclave
en revêtant la nature humaine et, sacramentellement, les apparences du Pain et
du Vin, le Corps mystique, et chacun de ses membres, doit se dépouiller de
l’ego pour revêtir intérieurement le Christ, tout en conservant la même
apparence extérieure, à l’instar du Pain et du Vin qui gardent leurs apparences
mais perdent leur substance, conformément à la doctrine de la
transsubstantiation.
Il existe une
identité essentielle entre la Communion Sacrificielle et le Mariage Sacré.
Après la
Communion, la « transmutation » de l’âme fidèle en Christ n’est que « virtuelle
»; elle doit « s’actualiser » dans toute son existence, et c’est à l’Oraison ou
à l’Invocation qu’il revient de réaliser « activement » ce qui ne l’a été que «
passivement » dans la Communion.
Il existe une
identité essentielle entre le Sacrifice christique (d’ordre
théologico-historique) et le Sacrifice védique (d’ordre
mythologico-légendaire).
Traité VIII.4
L’Eucharistie
En célébrant
l’Eucharistie, l’Eglise par le ministère du Prêtre offre au Père le Mémorial de
la Passion et de la Mort du Christ, non à l’aide de ses propres forcesmais sous
la motion du Saint-Esprit.
L’Eucharistie est
à la fois action de grâces, mémorial et intercession, dans l’Acte de l’Unique
Sacrifice rédempteur du Christ.
Par
l’Eucharistie, nous « faisons mémoire » (nous rappelons au Père) de
l’intercession céleste et perpétuelle du Christ glorifié, parce qu’il a été
immolé, et qu’il présente continuellement au Père le Sacrifice de la Croix,
actualisé sacramentellement par l’Eucharistie.
Traité VIII.5
Mysterium magnum ou du mariage
L’union du Christ
et de l’Eglise, qui est son Corps et dont il est la Tête, suppose la
connaissance de son Prototype, à savoir le Mystère de l’Incarnation, qui est
l’union de la Nature divine et de la nature humaine dans l’unique Personne du
Verbe, ce qu’on appelle l’Union hypostatique.
La nature humaine
du Christ est privée de « personne humaine », c’est-à-dire précisément de ce
qui constitue « l’ego individuel », la racine profonde du mal.
Le Corps du
Christ présente notamment un triple aspect: le Corpus natum (le Corps
historique), le « Corps mystique » (l’Eglise) et le « Corps eucharistique ».
Chapitre IX. La
prière
Traité IX.1
Réflexions sur l’oraison
Bien qu’on ne
puisse pas attribuer l’oraison mentale sous sa forme actuelle à saint François
de Sales, elle ne remonte guère cependant au-delà du XVIe siècle.
Les hommes du
Moyen Age avaient une autre spiritualité, aujourd’hui perdue, et ils pouvaient
se passer de l’oraison.
La décadence
apportée par la Renaissance peut se ramener à deux points principaux:
a) Disparition de
l’ésotérisme occidental, avec la suppression de l’Ordre des Templiers et des
Ordres de Chevalerie, qui consomme la rupture avec le monde oriental; pertes
progressives des traditions de métier: l’artisan et le constructeur de
cathédrales trouvaient dans leur art une véritable initiation.
b) Séparation de
la religion et de la vie, réalisée par la Renaissance. La vie, les métiers, les
arts étant devenus païens, l’homme ne trouve plus dans le symbolisme des choses
l’aliment naturel de sa vie spirituelle.
L’oraison est
conçue comme la « reprise » des « valeurs spirituelles » que ne fournit plus la
contemplation du monde extérieur, ni l’usage des symboles traditionnels dont on
a perdu la signification.
Elle apparaît
comme un exercice autonome et méthodique, organiquement distinct de tous les
autres, vivant de sa vie propre, exercice par lequel, après nous être établis
dans une sorte d’« état méditatif », nous introduisons dans notre conscience
une idée sanctifiante pour la considérer avec notre mémoire, notre entendement
et notre imagination. C’est un instrument d’éducation de la volonté.
Il faut éviter de
séparer l’oraison mentale de l’oraison liturgique. Ce sont deux modes
complémentaires de toute vie spirituelle. Mais l’oraison liturgique, qui est la
prière officielle de l’Eglise, est supérieure à l’oraison mentale individuelle.
L’oraison mentale
este replacée dans sa relation normale vis-à-vis de l’oraison rituelle: elle
empêche cette dernière de dégénérer en « ritualisme », en gestes incompris, infructueux,
vidés de tout contenu spirituel, en routine et en psittacisme. Mais, à son
tour, l’oraison rituelle évite à l’oraison mentale de dégénérer en un pur
exercice psychologique pouvant aboutir à une rumination purement intérieure.
L’oraison
liturgique apparaît à la fois comme la source irremplaçable, la « régulation »
et le « support » matériel de l’oraison mentale.
La méditation est
plutôt orientée vers l’action et l’éducation de la volonté, l’oraison vers la
contemplation, bien que celle-là dérive de « la plénitude de celle-ci ».
L’oraison est donc supérieure à la méditation.
L’oraison est une
prière mentale, plus intérieure que la prière vocale souvent menacée par le
psittacisme.
La prière
apparaît comme un « colloque » de l’âme avec Dieu, conçu comme « extérieur » à
l’âme et distinct de l’homme. Ce sont deux êtres distincts mis en quelque sorte
l’un en face de l’autre, et l’homme parle à Dieu qui l’écoute.
L’oraison mentale
est conçue comme quelque chose de plus intérieur; elle constitue un degré de
plus dans la voie de l’intériorité, mais elle ne diffère pas essentiellement de
la prière. C’est toujours un colloque, mais plus intime, entre l’âme de Dieu
toujours regardé comme distinct de l’âme, mais « moins extérieur ».
Traité IX.2
Alchimie de la prière
Le Père profère
le Verbe, et de là procède l’Esprit. L’âme (anima) est le Souffle de Dieu dans
l’homme et dans le Cosmos. Divisé par la « chute », ce « Souffle » doit revenir
à l’Unité de l’Esprit: in unitate Spiritus Sancti.
La Vierge,
fécondée par l’Esprit, engendre le Christ-Jésus. L’âme de l’homme, devenue «
vierge » sous l’action de l’Esprit, profère le Nom divin de Jésus: c’est la «
prière de Jésus » pratiquée dans l’hésychasme. En réalité, c’est le Père qui
engendre le Fils Unique par l’Esprit-Saint dans l’âme devenue « vierge » et qui
la « transforme » - alchimie – en la « spiration divine » (anima changée en
Spiritus).
Traité IX.3
Prière et intelligence
L’activité la
plus élevée de l’intelligence, c’est la Prière. Seule la Prière rend l’intelligence
capable de son objet: l’Etre.
Le Souffle divin
et le Verbe-Intelect qui procèdent du Père et qui retournent au Père
constituent les « moteurs divins » de la Prière qui « élève l’âme vers Dieu ».
La prière est un
état de l’intellect, destructeur de toutes les pensées terrestres.
Traité IX.4
Dialogue sur la prière
L’âme peut
recouvrer sa virginité intemporelle si elle échappe à l’illusion égocentrique
ou « séparative ».
L’ascétisme doit
mortifier les passions.
La Foi ou la
Gnose doit purifier l’intelligence.
L’Espérance ou le
Souvenir de Dieu doit purifier la mémoire.
La Charité et les
Vertus spirituelles doivent purifier la volonté.
En prononçant les
Noms divins de Jésus et de Marie, l’Esprit accomplit en nous le Mystère de
l’Incarnation et de la Transfiguration, de la Purification et de
l’Illumination. En disant « Marie » l’âme s’identifie à la Substance
primordiale toujours vierge; en disant « Jésus », le Verbe-Intellect s’y
incarne et la transfigure. Et tout cela est l’œuvre du Saint-Esprit.
Nous devons prier
sans cesse: semper orare.
L’âme en « état
de prière », ou l’âme contemplative, est libérée de l’action (l’action comme
telle est indifférente).
Si l’Invocation
ne peut se superposer à toute pensée utile ou belle, elle peut néanmoins
continuer à vibrer pendant toute pensée de ce genre, c’est-à-dire pendant toute
articulation mentale ayant un caractère de nécessité ou de vertu.
De même que
l’Invocation ne peut se superposer à un acte illicite ou vil, de même le parfum
du Nom ne peut subsister pendant une pensée contraire à l’humilité ou à la
pauvreté (la non-prétention, la conscience de nos limites devant Dieu et le
prochain), à la charité (le non-égoïsme, la conscience de l’indistinction entre
le « moi » comme tel et « l’autre » comme tel), à la vérité ou à la sincérité
(l’objectivité, la contemplation adéquate et désintéressée de la réalité).
L’effet propre du
Nom est l’apaisement du mental: le corps est un tissu de sensations et
d’instincts. Le moi est un tissu d’images et de désirs. Tout cela fait partie
du courant des formes, qui n’est point notre véritable Soi. Le Nom suprême est
l’expression et le contenant de notre vrai Soi; il n’appartient pas au courant
des formes.
Traité XI.5 Note
sur la prière
La prière est
l’exercice le plus excellent et le plus complet de l’intelligence.
Il faut
absolument prendre l’initiative de la Prière, tout en sachant que ce n’est pas
nous qui la prenons, ce qui évite tout pharisaïsme.
Chapitre X.
Cosmologie
Traité X.1 Du
concept de création
La difficulté
majeure est celle du rapport entre l’univers et Dieu, c’est-à-dire précisément
le « problème » de la création.
Si l’on fait de
Dieu une idée fausse ou insuffisante, on sera tenté de déifier l’univers et
d’aboutir ainsi à l’une ou l’autre des formes de panthéisme, et le concept de
création n’aura évidemment aucune place dans un tel système.
Si on ne « voit »
pas e rapport du fini et de l’Infini, du temps et de l’éternité, du contingent
et du nécessaire, l’esprit humain manque alors d’une dimension conceptuelle,
d’une « qualité contemplative » lui permettant de passer du plan horizontal à
la « verticale » où se situe réellement la Cause du Monde.
L’illusion
sui-generis concernant la création consiste essentiellement à s’imaginer qu’on
a expliqué « l’origine du monde » lorsqu’on a établi entre les choses d’ici-bas
des relations temporelles ou un enchaînement pseudo-causal remontant, sans
sortir du plan horizontal, jusqu’à une « monade » ou un « atome » primitif
quelconque, quelle que soit d’ailleurs la manière dont on l’imagine.
Nous sommes en
face de deux attitudes ou de deux mentalités apparemment incompatibles: celle
du matérialiste « jouisseurs » pour qui ce bas-monde est seul réel, la
métaphysique étant quelque chose d’abstrait, d’irréel et dénué de tout intérêt;
celle du spirituel « contemplatif » pour qui, au contraire, le monde est irréel
et Dieu le seul Réel auquel est suspendu le monde dans sa totalité.
La signification
du récit biblique est essentiellement métaphysique, et secondairement
cosmologique.
Si l’on fait
dépendre une espèce d’une espèce inférieure, selon la théorie évolutionniste,
on risque de ne plus voir la dépendance totale et actuelle des êtres, définis
précisément par leur appartenance à telle ou telle espèce, vis-à-vis du
Créateur.
Traité X.2 Le
statut ontologique du Monde
La Gloire
essentielle de Dieu est la Trinité. La gloire accidentelle est: la Création, le
Monde.
Toute la Liturgie
apparaît à chaque niveau comme le Sacrificium laudis.
Traité X.3 La
question des Anges
Même pour un
certain nombre de croyants, la question d’une série d’intermédiaires entre
l’homme et Dieu ne convient pas à leur orgueil.
Les causes
secondes sont une série d’intermédiaires entre le monde et la Cause Première.
Dans l’Ecriture,
les Anges sont des intermédiaires dans l’Ordre du Salut.
L’ange gardien
est « l’ange de la chasteté » (Saint Isaac le Syrien)
C’est l’oubli ou
l’ignorance des principes qui est la cause profonde de tous nos maux, et cela
dans tous les domaines. Dans le monde moderne, où une majorité de gens ne
croient même plus en Dieu, on aboutit alors à une veritable corruption ou
subversion de la chasteté, exactement comme dans le cas de la charite.
La distinction
des « trois mondes » (corporel ou grossier, animique ou subtil, informel ou
angélique) auxquels correspondent dans l’être humain le corps, l’âme et
l’esprit, est la base essentielle de toute cosmologie et de toute
anthropologie.
La chasteté
corporelle est subordonnée à la chasteté psychique, liée elle-même à la
chasteté angélique, et l’ensemble dépend de la chasteté ontologique.
Traité X.3
Sôphrosunê
La « chasteté
ontologique » (sôphrosunê) est un mystère au même titre que le mysterium fidei.
Selon Paul
Evdokimov, sôphrosunê est l’intégrité conforme à la sagesse.
L’essence de
Sôphrosunê: l’Etre, dont tous les autres participent, n’est pas affecté du fait
de cette participation, et demeure immuable dans son « aséité » essentielle,
ceci à l’instar du Buisson ardent qui brûle sans se consumer et de la Théotokos
qui enfante sans perdre sa virginité.
Traité X.4
L’illusion de la science
Malheureusement,
dans le spiritualisme contemporain se mêlent d’une façon quelque peu étrange
les conceptions scientifiques les plus avancées avec des conceptions
religieuses plus ou moins « modernisées ».
Il y a dans la conception
moderne de la spiritualité une confusion radicale et foncière entre deux
concepts: celui d’Infini et celui d’indéfini.
Pour arriver à
connaître les limits d’un indéfini quelconque, il faut en quelque manière «
sortir » des conditions limitatives qui caractérisent et définissent le degré
d’existence où se situe cet indéfini.
Il existe des
rapports d’analogie inverse entre le Principe Supérieur, absolu et
inconditionné, et la manifestation universelle relative et contingente.
Tout état de
manifestation quel qu’il soit, le monde corporel par exemple, est dans sa
nature même astreint à certaines conditions limitatives d’existence qui le «
définissent » (espace, temps, vie, etc.), et il ne pourra « imiter » l’Infinité
absolue et inconditionné du Principe Suprême que d’une manière inhérente à sa
nature dans le seul sens où puisse se développer sa possibilité de
manifestation, c’est-à-dire dans le sens de l’indéfini, qui est le seul mode
possible de développement pour les conditions limitatives d’existence qui
caractérisent et définissent cet état comme tel.
Traité X.5 A
propos de l’évolution
Le besoin
d’explication rationnelle est une maladie mentale de l’homme moderne qui,
incapable de saisir les vérités essentielles, cherche à compenser son
impuissance métaphysique par la « recherche » scientifique.
Traité X.6 A
propos du transformisme
Il n’y a pas de
vérité, si ce n’est la Vérité. Dieu seul est la Vérité.
Toute chose est
un symbole, et tout symbole a deux faces: une face positive tournée vers Dieu,
une face négative tournée vers Satan.
L’homme déchu ne
voit avec l’œil corporel que la face négative de la manifestation, en
particulier du monde corporel, et son intelligence enfermée dans les limites du
mental ne voit que des « abstractions », des aspects formels, à partir desquels
elles édifie des théories abstraites, radicalement erronées: la science, la
philosophie, la littérature, l’art profane sont nécessairement « lucifériens ».
Traité X.7 A
propos de la conquête de l’espace
L’enthousiasme
délirant provoqué chez nos contemporains par les vols cosmiques s’expliquent
aisément dans un monde moderne devenu à peu près complètement athée et
matérialiste, se détournant de plus en plus de Dieu.
La « conquête de
l’espace » indéfini est une illusion pure et simple, et la véritable « conquête
de l’espace » ne peut se réaliser que par le retour au « centre », au « point
inétendu » qui englobe toutes les possibilités spatiales à l’état principiel et
non manifesté.
Chapitre XI.
Epistémologie
Traité XI.1
Connaissance du Réel
„Arundhati este o
stea mică; dacă vreţi s-o arătaţi unui prieten, îi veţi atrage mai întâi
atenţia asupra unei stele mari, spunându-i: « Iat-o pe Arundhati », apoi, când
va fi zarit-o, rectificaţi: « De fapt, este cea mai mică din dreapta ». Astfel
Vedânta ni-L arată pe Brahma când sub o formă, când sub alta, până ne aduce la
cunoaşterea adevăratei Sale naturi. De aceea atributele au ca scop să ne dea o
anume cunoaştere depre Brahma... şi pentru că toate au acest scop, trebuie
ţinut cont de toate pentru a ajunge la natura esenţială a lui Brahma.”
(Shankara)
„Acela din care
toate îşi au obârşia; acela prin care, odată create, toate trăiesc; acela în
care, plecând, toate se întorc: acesta, caută să-l cunoşti, este Brahma.”
„Cel care spune
că-L cunoaşte pe Brahma nu-L cunoaşte; cel care spune că nu-L cunoaşte Îl
cunoaşte.”
„Măreţia Ta,
numeni nu o înţelege, mute sunt Vedele.” (Kena Upanishad II, 1-2)
„Toate atributele
pot fi date lui Dumnezeu, totuşi niciun atribut nu-I convine: nimic mai bogat
decât sărăcia limbajului.”
„Nefericiţi cei
care nu vorbesc despre Tine, căci cei care au vorbit mult sunt muţi.” (Sf.
Augustin, Confesiuni I, 4)
„Doar Dumnezeu se
cunoaşte cum este El. De aceea avem despre El o înţelegere exactă dacă spunem
că nu-L înţelegem. Voi vorbi urmându-mi sentimentul: cel care crede că-I
cunoaşte măreţia Îl micşorează; cel care refuză să se umilească nu-L cunoaşte.”
(Minucius Felix Octavius, nr. 18)
„Măreţia Lui lasă
departe în spate cuvintele noastre neputincioase.” (Sf. Ioan Gură de Aur,
Omilia I)
„Şi contemplam
toate lucrurile care sunt fără Tine, şi-am văzut că nu erau nici pe deplin
reale, nici complet ireale: ele sunt reale pentru că vin de la Tine; sunt
ireale pentru că nu sunt ceea ce Tu eşti. Căci acela singur este Real care
rămâne nemişcat.” (Sf. Augustin, Confesiuni XI)
„Realitatea lui
Dumnezeu este astfel încât lucrurile create comparate cu El nu sunt reale.
Necomparate cu El, ele sunt pentru că vin de la El; comparate cu el, ele nu
sunt reale, căci El singur este adevărata şi Imuabila Realitate.” (Sf.
Augustin, Ps. 134, nr. 4)
„Ceea ce nu poate
fi exprimat prin cuvânt, dar prin care cuvântul tău este rostit, doar asta, să
ştii, este Brahma: ceea ce mintea nu poate contempla dar prin care mintea
contemplă, doar aceasta este Brahma.” (Kena Upanishad I, 4)
„El este
Nenăscutul, Conştientul, Purul, Netrecătorul, Transcendentul, Paşnicul,
Invizibilul, Neîmpărţitul, Preafericitul.” (Shankara, Imn lui Hari)
„El este Dumnezeu
ascuns în toate lucrurile, pe toate pătrunzându-le, Atma din inima tuturor
fiinţelor, Martorul, cel care percepe, Unicul.”
„Spiritul este
atât de cufundat în Dumnezeu, în Unitatea divină, încât pierde în ea tot ce-l
distingea. Tot ceea ce l-a adus până acolo, precum umilinţa, intenţiile, personalitatea
chiar, toate acestea îşi pierd atunci numele, şi nu mai există decât o simplă,
paşnică şi misterioară Unitate fără distincţii.” (John Tauler, Predici)
„Cunoaşterea
superioară este aceea prin care este sesizat Indescriptibilul. Ceea ce nu poate
fi nici văzut, nici perceput, ceea ce este fără origine şi fără calitate, fără
ochi şi fără urechi, fără mâini şi fără picioare, Eternul, Imensul,
Omniprezentul, Infinitezimalul, Netrecătorul, iată ceea ce Înţelepţii consideră
că este sursa tuturor fiinţelor.” (Mundaka Upanishad I, 6)
„Perfecta unitate
a lui Dumnezeu cere ca ceea ce este multiplu şi divizat în alţii să existe în
El într-un mod simplu şi unul. De unde decurge faptul că el este Unul în
realitate şi totuşi multiplu în raţiune, pentru că inteligenţa noastră îl
percepe în mod multiplu, precum Îl reprezintă lucrurile.” (Sf. Toma d’Aquino)
„Aceste cuvinte
(realitate, cunoaştere infinită...) fără a ceda semnificaţia lor proprie,
indică natura Supremului eliminând orice lucru străin naturii Sale şi distrugând
ignoranţa care este la rădăcina iluziei. Realitate şi celelalte cuvinte
folosite aici au diferite semnificaţii doar în măsura în care servesc la
eliminarea ideilor diferite precum irealitate sau ignoranţă, etc. După
eliminare, toate aceste cuvinte desemnează Unica natură esenţială a lui Brahma,
care nu este, în consecinţă, o construcţie de cuvinte.” (Taittirîya Upanishad
260)
„Ireal,
într-adevăr, acesta era la început. De acolo, în fapt, a izvorât realul.
Înainte de creaţie, acest univers era Brahma însuşi, numit aici Irealul,
Nefiinţa. În consecinţă această Nefiinţă dădu naştere fiinţei cu numele şi
formele specifice distincte între ele.” (Shankara)
„Nici măcar nu
putem spune că El este unul: cum ar putea fi un al doilea diferit de Acela? Nu
există nici absolut, nici non-absolut, nici non-entitate, nici entitate, pentru
că el este absolut non-doi în esenţa Sa.” (Shankara)
„Dumnezeu nu
este, pentru că El e deasupra a tot ceea ce este.” (Sf. Dionisie Areopagitul)
„Am putea numi
Dumnezeu un nimic etern... neantul conform consimţământului unanim numit
Dumnezeu.” (Fericitul Henri Suso, Cartea Adevărului 1, 5)
„În Dumnezeu,
intelectul, obiectul sesizat, spaţiul inteligibil şi actul înţelegerii sunt
complet unul şi acelaşi lucru.” (Sf. Toma d’Aquino)
„Deşi este
dincolo de distincţia dintre Cunoscător, cunoaştere şi cunoscut, El este totuşi
şi întotdeauna Cunoscătorul.” (Shankara)
„Înainte de a
izvorâ din neant, creaturile nu erau deloc neant pur, pentru că existau deja în
inteligenţa divină, care conţinea arhetipul lor.” (Sf. Anselme)
„Etern, toate
creaturile sunt în Dumnezeu, şi acolo nu au nicio diferenţă fundamentală... Cât
timp sunt în Dumnezeu, ele au aceeaşi viaţă, aceeaşi esenţă, aceeaşi
potenţialitate, ele sunt acelaşi Unul şi nimic mai puţin. Dar atunci când ies
din Dumnezeu prin creaţie, când îşi capătă fiinţă proprie, atunci fiecare are
fiinţa sa deosebită cu forma proprie care-i dă esenţa naturală.” (Fericitul
Henri Suso)
Traité XI.2 De la
Vérité
La Vérité, c’est
Dieu lui-même.
Vérité philosophique
ou vérité scientifique ne sont qu’un abus de langage, un produit du cerveau
humain qui risque de s’y complaire et de s’y enfermer.
Du point de vue
spirituel, la « culture profane », dont l’humaniste est si fier, est plutôt un
obstacle qu’un secours.
La Vérité n’a pas
d’autre critère qu’elle-même. Prouver la Vérité par des arguments
nécessairement d’ordre inférieur, rationnels ou sentimentaux, aboutit à l’échec
ou risque de défigurer la Vérité.
Traité XI.3 De l’
Ignorance
L’ignorance est
la racine de tout mal. Le mal provient du fait que nous ignorons notre
véritable essence et celle des autres êtres.
La pire des
erreurs est de confondre notre essence véritable (notre Soi immortel) avec
notre ego périssable.
Il n’y a pire
illusion que la science, la philosophie, l’art et la littérature profanes:
c’est là que réside l’ignorance véritable, puisqu’une pseudo-sagesse tend à se
substituer à la Sagesse Véritable.
L’ignorance de
l’illettré est le reflet en quelque sorte naturel; le faux-savoir du philosophe
profane est, par contre, la contrefaçon satanique ou luciférienne.
La « Docte
Ignorance » consiste à savoir que Dieu est inconnaissable.
Ce que nous
affirmons de Dieu, il faut aussitôt le nier: tel est l’apophatisme. Mais en
vérité, Dieu est au-delà de toute négation comme de toute affirmation: il est
l’Ineffable.
Le rapport entre
l’Absolu et le relatif est unilatéral: l’effet dépend intégralement de la
Cause, mais celle-ci n’est affectée en rien par l’effet.
Le Mystère de
l’Immaculée Conception: la Vierge est une pure relation à Dieu, car elle n’a de
réalité que par l’Incarnation du Verbe.
Traité XI.4 De la
Norme et des normes
Toute religion
comporte trois éléments:
a) des vérités à
croire (dogmes) – l’expression mentale et verbale de Réalités transcendantes;
b) des
commandements à observer (morale);
c) un culte, des
rites, des sacrements.
Dogmes,
commandements et rites apparaissent d’abord comme des normes extérieurs, mais,
si elles ne correspondent pas à une Norme intérieure, elles se réduisent à un
formalisme pur ou à du pharisaïsme. Cependant, sans les normes extérieures, on
retombe dans la religiosité vague, inconsistante, inefficace. Les normes
constituent le côté subjectif, mais elles sont le complément indispensable
l’une de l’autre.
Les dogmes
apparaissent comme des jalons et des garde-fous sur le chemin qui mène à la
Connaissance.
Dans la
perspective chrétienne, la véritable Norme intérieure, c’est la Pierre,
c’est-à-dire le Christ.
Traité XI.5
Pluralisme
Guénon ne
s’intéresse qu’à la Connaissance et ne parle pas de l’Amour, il ne voit que l’«
initiation » et fait peu de cas de la mystique, il ne s’intéresse pas à la
morale ni aux vertus.
On peut dire que
le point de vue monothéiste est plus « objectif », et le point de vue oriental
est plus « subjectif » (le Soi, Atmâ), ou encore que le premier envisage l’Etre
et les êtres, tandis que le second est celui des «êtats de l’être », Dieu
apparaissant nom comme l’Etre, mais comme l’Etat inconditionné d’Atmâ
(Nirvâna). Le premier envisage le Dieu Personnel, et le second met l’accent sur
la Divinité impersonnelle.
Traité XI.6 Sujet
et objet
La distinction du
sujet et de l’objet constitue l’un des problèmes majeurs de la philosophie
moderne, problème qu’elle ne peut pas résoudre à l’aide de ses propres méthodes.
Ni la science, ni
la philosophie ne parviennent à atteindre la réalité, qui est au-delà de toute
dualité telle que sujet-objet, esprit-matière, essence-existence, etc.
En deçà du
Royaume de Dieu, on patauge dans la relativité, ou dans l’objectivité illusoire
de la science, ou dans la subjectivité non moins illusoire de
l’existentialisme, ou encore dans l’objectivité mortelle du structuralisme, à
moins que l’on ne s’enfonce dans le bourbier de la psychanalyse ou que l’on ne
s’évade dans les paradis artificiels de la drogue.
Traité XI.7
Essence et existence
La distinction
réelle entre l’essence et l’existence est fondamentale pour la philosophie
chrétienne, précisément parce que ce n’est que de la philosophie ou de la
théodicée.
L’essence répond
à la question „quid est?” (qu’est-ce que c’est?). L’existence répond à la
question „an est?” (est-ce que ça existe?)
Dieu est Ens per
se subsistens (L’Etre subsistant par soi).
Je sais qu’Atma
n’est pas Maya, mais je sais aussi que Maya « n’est autre » qu’Atma, et ne s’en
distingue qu’en mode illusoire.
Chapitre XII.
Commentaires de la Bible
Traité XII.1 La
mort de l’intellect
L’application des
méthodes scientifiques modernes à l’Ecriture Sainte n’aboutit généralement qu’à
de conclusions négatives ou tout au plus hypothétiques, de l’ordre des
probabilités.
Traité XII.2
Réflexions sur la Bible
La « méthode
historique » ou « exégétique » dans l’étude de la Bible est tout à fait
impuissante à donner le « sens » du texte sacré.
S’il est
essentiel pour l’intelligence de l’Ancien Testament de le situer dans la
perspective du Nouveau, il est non moins essentiel pour l’intelligence du
Nouveau de le situer dans la perspective apocalyptique.
Traité XII.3
Commentaire ésotérique de Genèse II, 15-24
L’ordre donné par
Dieu à l’homme de « cultiver et de garder le jardin d’Eden » signifie
essentiellement qu’il doit s’exercer à la Connaissance du Cosmos dans son «
état primordial » de pureté et de « transparence métaphysique », tel qu’il se
présente lorsqu’il sort des mains du Créateur, et cette Connaissance
s’identifie à la Béatitude de l’Eden.
L’homme
paradisiaque a reçu l’interdiction de « manger de l’Arbre de la Connaissance du
Bien et du mal », c’est-à-dire la connaissance de la dualité ou de la «
séparativité », car alors, au lieu de connaître les choses dans l’unité
métaphysique de leurs essences, l’homme ne les connaît plus que dans la
diversité et la multiplicité de leurs apparences.
Traité XII.4 Deux
textes d’Ezéchiel
En dépit des
apparences, la Bible est un livre essentiellement hermétique. Celui qui, avec
les meilleurs intentions, se propose de le lire, risque fort de n’y rien
comprendre et de se décourager rapidement.
Traité XII.5 A
propos de l’Enfant prodigue
Traité XII.6 Les
deux généalogies de Christ
Saint Matthieu
donne la généalogie légale (celle de Saint Joseph), Saint Luc donne la
généalogie réelle (celle de Marie).
La tradition s’accorde
à reconnaître que Joseph et Marie étaient cousins.
Chapitre XIII.
Subversion
Traité XIII.1 Les
mathématiques modernes
Les mathématiques
modernes, qui sont essentiellement axiomatiques, sont contraires à la démarche
naturelle de l’esprit. Au lieu de partir du donné et de procéder ensuite par
abstraction, elles partent du construit, c’est-à-dire d’une production arbitraire
de l’esprit, pour descendre ensuite aux applications et aux représentations
concrètes, sans qu’il soit possible d’ailleurs de les justifier. Le hiatus
entre le concret et l’abstrait apparaît encore plus dans le renversement des
rapports normaux: au lieu d’abstraire l’Eidos (l’Idée) du concret, conformément
à la démarche normale de l’esprit, on fait l’inverse, ce qui suffit à montrer
le caractère quelque peu subversif de la mathématique moderne, en opposition
avec la doctrine scolastique du nihil est in intellectu quod prius non fuerit
in sensu (il n’y a rien dans l’intellect qui n’ait été auparavant dans les
sens).
Quant à la
science moderne, qui est purement empirique et conjecturale, elle se situe au
niveau des phénomènes et, n’atteignant aucunement le réel, elle est condamnée
aussi à construire des machines!
Traité XIII.2 Le
culte de l’homme
Parmi les
nombreuses aberrations de la mentalité moderne, et les idoles qu’elle vénère
(la Science, la Démocratie, le Progrès etc.) il faut ménager une place à part a
« culte » de l’homme, soit individu, soi collectif (l’Humanité).
Un des traits les
plus frappants de la mentalité moderne est ce manque de discernement, de sens
des proportions ou tout simplement de jugement, qui fait regarder comme un
progrès ce qui n’est en réalité qu’une profonde décadence, ce qui empêche de
prendre conscience de l’abîme qui sépare le monde antique, même décadent, de la
stupidité du monde moderne.
Traité XIII.3 A
propos des théories théosophistes
L’homme moderne
se laisse « fasciner » aisément par les théories « néo-spiritualistes » qui ne
sont qu’une contrefaçon et même une véritable perversion des doctrines
traditionnelles.
En ce qui
concerne plus spécialement l’état humain, la phase qui suit immédiatement l’état
primordial est caractérisée par la prédominance de la tendance ascendante; c’est
« l’âge d’or » de l’humanité; puis, la chute s’accentuant, nous arrivons à une
phase où prévaut la tendance horizontale, et enfin une dernière phase où
prévaut la tendance descendante.
Cette décadence
ira en s’accentuant jusqu’à la fin des temps, où doit se produire une
catastrophe cosmique, prédite d’une façon nette par l’Evangile et par l’Apocalypse.
Selon certaines traditions nous serios très près de la « fin de temps »: la
décadence atteint donc son maximum avec la perte de la spiritualité véritable
et le développement de tout ce qu’il y a de plus matériel et de plus inférieur
dans l’homme.
Traité XIII.4
Christianisme et civilisation du travail
Les conceptions qui lient l’avenir du
Christianisme à la « civilisation du travail », reposent sur une confusion du
temporel et du spirituel, que l’on trouve dans toutes les théories du type que
voici: une conception marxiste de l’histoire comme condition de l’avènement du
Royaume de Dieu et, parallèlement, une conception de l’Incarnation comme une
intervention de Dieu dans l’histoire.
Chapitre XIV.
Varia
Traité XIV.1 La
nouvelle religion
On peut dire que
la nouvelle religion, c’est la « religion de l’Homme ». Dieu étant « mort », on
peut dire que c’est une religion « athée ». Elle n’a plus pour but de « relier
» l’homme à Dieu, mais les hommes entre eux. C’est également une « forme » de
socialisme, ou de communisme.
Traité XIV.2 L’ancienne
religion
Si la « nouvelle
religion » est essentiellement le « culte de l’homme », l’ancienne religion
était essentiellement le « culte de Dieu ». Il va sans dire que la premiere n’est
qu’une pseudo-religion, une parodie « satanique » de la seconde.
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